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dimanche, 13 décembre 2009

458. Célestine Chardon -16-

                       LA VIE BIEN ORDINAIRE DE CÉLESTINE CHARDON

Chapitre 16 : une vie réglée comme du papier à musique


podcast

Alain fut réveillé en sursaut par le claquement de la porte. Tout d'abord il crut que quelqu'un avait pénétré chez lui. Mais, voyant la place vide dans le lit, il comprit aussitôt. Ainsi elle était partie sans même le prévenir ! Et naturellement la porte d'entrée était restée ouverte... C'est surtout cela qui le contrariait le plus. Il s'imaginait déjà que l'on aurait pu rentrer dans son appartement et lui voler des choses. Il se leva et alla tourner la clé dans la serrure, puis il fit un tour complet des lieux pour s'assurer que tout était bien en ordre.

Trois heures du matin ! Il se recoucha mais n'arrivait pas à se rendormir. Il pensait à Célestine: quand même, elle a un sacré toupet ! Bon, d'accord, il avait peut-être un peu exagéré hier soir en la bassinant avec ses problèmes de boulot, mais de là à s'en aller ! Ils auraient pu tout aussi bien avoir un réveil agréable avec des calins le matin, ça met en forme pour le restant de la journée. Oui mais voilà, Alain a beaucoup de mal à assumer depuis qu'il absorbe du Tranxen. Ça lui coupe une grande partie de ses moyens physiques. Et cette petite bonne femme est très demandeuse ! C'est bien gênant tout ça...Et puis demain il reprend le travail. De nouveau cette vie d'enfer, lever à cinq heures, train à six, arrivée à Paris, métro pendant trois quarts d'heure. Et rebelote le soir...

Sa vie est réglée comme du papier à musique. Il se comporte en véritable robot, ne fonctionne que par automatismes. Le soir il réitère toujours le même scénario: une fois qu'il a pénétré dans son appartement, il se déshabille, met son linge au sale, prend une douche assis dans sa baignoire. Il se frotte longuement partout avec une brosse. Après la douche il sort du placard le linge propre du lendemain et il l'étale religieusement sur la commode: un slip, une paire de chaussettes, la chemise qu'il a repassée lui-même et la cravate assortie. Avant de grimper dans son salon, il nettoie la baignoire et l'essuie en prenant soin de ne laisser aucune goutte sur les carreaux. Une fois rendu au premier, il se prépare un repas sommaire tout en écoutant la radio, puis il redescend se coucher.

Le samedi, jour de repos, tout est également programmé : le matin, passage au pressing pour y déposer son costume de la semaine. Par la même occasion il fait les courses pour la semaine suivante. De retour chez lui, c'est l'opération aspirateur, lavage du linge de corps et des chemises. Ne pas oublier le repassage des chemises de la semaine précédente ! La matinée s'achève sur un repas vite pris suivi d'une sieste réparatrice.

A la soirée, il retourne au pressing récupérer le costume et prépare un repas en vue de la visite hebdomadaire de ses enfants. C'est le seul moment où il peut les voir et prendre de leurs nouvelles. La soirée se finit en général vers une ou deux heures du matin. Il s'octroie une grasse matinée le dimanche matin et l'après midi il se rend aux sorties organisées par le club de rencontres, celui-là même où il a fait la connaissance de Célestine. En règle générale il se couche vers 22 heures le dimanche. Et c'est reparti : lever à cinq heures...

Dans tout cela, il reste bien peu de place pour une femme. De temps à autre, à la rigueur et à condition qu'elle ne vienne pas perturber l'ordre des choses sinon il devient angoissé et agressif. Or, Célestine était l'empêcheuse de tourner en rond, elle voulait se mêler un peu de tout, il avait peur qu'elle cherche à s'incruster.

De son côté Célestine rentrait à vive allure chez elle. Au fur et à mesure qu'elle avançait sa colère augmentait. Elle trouvait qu'il était bien ennuyeux, casanier, susceptible et hypocondriaque.

— Il est chiant ce type !  était sa seule lithanie du moment. Après tout, qu'est-ce qu'elle avait à faire de lui ? Elle n'attendait pas grand chose, juste passer des moments agréables, avoir des conversations réciproques et non pas ces monologues qu'il lui infligeait à chacune de leurs rencontres. Et puis elle le trouvait radin, mesquin. Finalement en arrivant devant son immeuble elle avait pris la décision de ne plus le revoir. Elle se coucha et s'endormit aussitôt. Elle avait cette chance de pouvoir dormir sereinement, le sommeil avait toujours été pour elle un refuge quand les choses ne se passaient pas comme elle le souhaitait.  

Le lendemain elle attendit onze heures avant de téléphoner à Alain. L'accueil fut glacial, mais elle s'en doutait un peu, il manquait d'humour et aurait dû se questionner davantage pour comprendre ce départ en pleine nuit. Il resta sur ses positions, la traita de femme versatile, écervelée  et il finit par ses mots qui la firent éclater de rire : « belle bourgeoise ! » Elle apprécia le -belle- mais pas le - bourgeoise-. Finalement, excédée par le ton agressif que prenait la conversation, elle lui souhaita bonne chance pour sa vie future et raccrocha le téléphone. Inconsciemment elle aurait souhaité qu'il la rappelât mais il n'en fit rien. Ce qui la conforta dans l'idée qu'il ne tenait pas vraiment  à elle.

Pour clore ce chapitre elle inscrivit sur son carnet à la date du vingt trois juin :  Rupture avec Alain. Comme dit le proverbe, un de perdu, dix de retrouvés.

Cela ne l'attrista guère en fait. Elle avait senti intuitivement que cela ne marcherait pas entre eux. Elle aurait dû faire beaucoup de concessions et elle n'en avait plus envie.

(Changement de décor, changement de musique !)


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Au même moment à Marrakech Ivan venait de boucler sa valise. Son avion ne décollait qu'à vingt-deux heures le soir. Il serait à Paris vers deux heures du matin et il irait coucher chez lui. Il pensait partir à Tours dans la matinée du lundi.

Il décida donc de passer la journée à flâner dans la Médina, aller saluer d'anciens amis qu'il avait retrouvés lors de son retour dans cette ville. Il aperçut Ali qui était en train d'installer sa table de travail devant le club Méditerranée. Ali Moustapha exerçait la profession  d’écrivain public et en dehors des Marocains pour qui il travaillait gratuitement, il vivotait en faisant des signatures de prénoms pour les étrangers, avides d'exotisme. A cette heure de la journée la place Djemaa-el-Fna était presque déserte et les deux hommes se rendirent  aux  terrasses de l'Alhambra pour y boire un thé à la menthe et observer les allées et venues qui ne tardèrent pas à se produire.

 

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Ils parlèrent des femmes, de leurs femmes. Ali avait eu quatre enfants, les deux plus grands étaient partis poursuivre leurs études à Rabat. Restaient les deux filles qui posaient de sérieux problèmes ! La société s'émancipait à vive allure et les hommes avaient bien du mal à accepter le changement radical qui se produisait. Ils perdaient leurs repères et, du même coup, toute autorité.

Ivan se rendit ensuite dans les ruelles proches. Les premiers touristes commençaient leur parcours du combattant, bouteille d'eau à la main, numérique au cou, chapeau sur la tête. Ivan déplorait beaucoup cette invasion d'Européens à la recherche d'un orientalisme à bas prix. Mais d'un autre côté, cela permettait à ce pays de prendre un peu d'oxygène grâce à l’apport des devises étrangères. Finalement chacun y trouvait donc son compte.

À suivre

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