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samedi, 26 novembre 2016

Nuit de folie


podcast

Rentrer chez soi à quatre heures  du matin, est-ce bien raisonnable ? Probablement pas, mais parfois, on n'a pas toujours le choix. C'est ce que je me suis dit ce matin en me mettant enfin au lit pour récupérer d'une journée mouvementée.

Tout a débuté vendredi matin. Premier accroc : en voulant me lever, je suis prise d'un violent vertige qui me fait aussitôt retomber sur le lit. Le sentiment de panique passé, je me lève doucement mais là encore, j'ai le tournis et je suis obligée de me rasseoir. Je laisse passer quelques secondes puis nouvelle tentative ; ça y est, je suis debout mais je me sens un peu étourdie. C'est sûr, il se passe quelque chose d'anormal, mais quoi ? Je pense aussitôt à un AVC, la hantise des personnes vivant seules ! Première urgence : ouvrir la porte d'entrée qui est fermée à clef. J'ai toujours la fâcheuse manie de laisser la clef dans la serrure. Deuxième urgence : prévenir Peggy et Thierry et leur demander conseil sur la marche à suivre. Par chance, Thierry est chez lui et il me propose alors de me conduire tout de suite chez mon médecin. Ma toubib me suit depuis plus de vingt ans et j'ai une grande confiance en elle. Le hic est que son cabinet est à 25km de là. De surcroît, ce matin là,  c'est son remplaçant ! Bref, après divers tests où il ne détecte rien d'anormal, il me fait une ordonnance pour passer une IRM cérébrale et une analyse sanguine pour dépister d'éventuelles carences. Il me conseille également d'appeler le 15 en cas de récidives durant le WE.

Le reste de la journée se passe sans heurts hormis deux ou trois légers vertiges qui durent très peu de temps. Je ne vous cacherai pas que je n'ai pas trop la pêche et à 20h je vais me coucher. Mais là, alors que je suis allongée sans faire aucun mouvement, je suis prise d'un violent vertige qui me fiche alors vraiment la frousse. J'appelle donc le 15 ; on me passe ensuite un médecin à qui j'explique la situation. Il me conseille d'aller aux Urgences et m'envoie alors une ambulance. Peggy est arrivée entre temps et comme il est inutile de stresser à deux, je lui dis de rentrer chez elle et que je la tiendrai informée de la suite des événements.

20h30 : j'arrive aux urgences de l'hôpital Trousseau. Déjà, dans le véhicule, les ambulanciers m'ont prévenue que la nuit risquait d'être un peu longue. Je connais, j'y suis déjà allée deux fois.

Je passe à l'accueil puis dans un premier sas où l'on remplit mon dossier médical, on me prend la tension, la température et, pour finir, on me fait pénétrer dans le couloir. Alors là, c'est le CHOC ! Plus de cinquante personnes assises, allongées sur des brancards,  marchant au milieu de ce foutoir , rouspétant,gémissant,  râlant, hurlant, pleurant, à l'agonie, en crise de démence, prostrées, etc.

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BIENVENUE AUX URGENCES ! L'infirmier m'annonce que je dois me montrer patiente car l'attente est d'environ ... 6 heures.

Alors je prends mon mal en patience, je me dis que mon cas n'est pas grave, que je suis finalement mieux qu'assise dans un avion pour un vol de 6h. Je somnole, réveillée parfois par les hurlements d'une vieille femme, puis une petite mémé qui appelle en vain "Infirmier, infirmier !",  ou encore par un homme qui ne cesse d'énumérer une liste de nombres (02.47...), probablement son numéro de téléphone. À la longue, il inverse les nombres, accélère le débit, puis divague complètement. Je papote un peu avec ma voisine de brancard qui vient de Saint-Épain ; elle est arrivée à 18h30. Tiens, au fait, quelle heure est-il ? AH, 23 heures ! Quand elle partira, je n'aurai donc plus que deux heures à attendre à peu près. Je replonge dans un léger sommeil. Comme j'ai posé mon manteau  sur moi, je le remonte discrètement de temps à autre pour vapoter ... Ça fait passer le temps. Les brancards ne cessent d'amener leur lot d'estropiés de la vie. Le personnel médical est remarquable de gentillesse, de rapidité. Comment peuvent-ils faire pour tenir le coup dans un tel enfer ? Malgré ça, il y a toujours des râleurs, des resquilleurs qui essaient de faire jouer leurs relations pour passer avant les autres. 

À 1h du matin ma voisine s'en va ; dans la pièce d'à-côté on amène un fou furieux, attaché sur son lit et qui ne cesse d'hurler des obscénités du style "J'vais t'niquer, fils de pute, putain de ta mère "...Il crache plusieurs fois sur le sol, essaie de se détacher, hurle de toutes ses forces qui semblent décupler par son état. L"infirmier finit par me trouver une autre place de parking et emporte mon brancard dans la pièce principale qui se vide peu à peu.

J'ouvre alors un œil et j'aperçois un bonhomme en robe de chambre qui s'approche du brancard, et touche mes pieds. J'ai l'impression qu'il veut m'enlever mes chaussures et je lui donne alors un coup de pied ! En me redressant, j'ai de nouveau un vertige et je me cramponne à la balustrade du brancard. L'homme de son côté me lance :

— Va te faire foutre ! et retourne s'asseoir en face de moi en me regardant d'un air haineux. Je comprends alors qu'il voulait tout simplement me couvrir les jambes avec mon manteau. Je lui présente mes excuses mais il reste vexé. Tant pis ! 

À côté de moi, une petite vieille crache ses poumons et postillonne à tout va. L'infirmière a beau lui dire 

— Mettez votre main devant la bouche ! elle continue de plus belle. Bonjour les microbes !

Il est 3h30 du matin quand je suis dirigée dans une chambre tamisée pour l'auscultation. Le médecin me fait refaire les mêmes tests neurologiques que ceux effectués le matin même chez ma toubib. Il revient un quart d'heure plus tard avec le diagnostic :

— Nous n'avons rien détecté d'anormal. Je vous conseille donc de passer une IRM au plus vite et d'effectuer aussi l'analyse de sang prescrite par votre médecin traitant. Au revoir madame !

Quatre heures du matin. Je suis devant l'entrée des urgences et j'attends un taxi privé, tous les taxis médicaux étant pris. Je vapote à l'air libre, ça fait tout de même du bien de respirer l'air frais ! 

Fin du premier acte.

À suivre