jeudi, 17 janvier 2008
Dis-moi ce que tu écoutes actuellement
« Dis-moi ce que tu écoutes actuellement et je saurai ainsi comment tu vas. »
Eh bien je passe en boucle une compilation d’Otis Redding. Oui, je sais, ça date un peu, mais cela me rappelle plein de souvenirs, des bons, et pour le moral il n’y a rien de mieux !
C’était en 1969, j’étais partie un mois en séjour linguistique en Allemagne de l’est avec ma meilleure amie. Nous venions de finir la première année de fac en section germanique et il nous fallait absolument progresser à l’oral. Je m’étais chargée de trouver une université d’été et autant choisir la plus éloignée possible. C’est ainsi que nous nous retrouvâmes sur les bords de la Baltique, à quelques kilomètres seulement de la frontière polonaise.
Paris- Berlin, arrêt de quelques heures puis Berlin-Greifswald. Trajet dans un compartiment où les sièges étaient en bois.
GREIFSWALD, tout le monde descend ! Un type était venu nous chercher et nous avions chargé les valises dans une charrette à bras. Tout était lugubre, les rues sombres et sales, l’effigie d’Ulricht semblait nous épier à chaque passage devant une boutique…
Je me souviens que Francine s’était alors mise à pleurer, étant persuadée que j’avais fait exprès de l’emmener dans un lieu aussi sordide. Je n’étais pas plus rassurée qu’elle, mais je jouais la brave.
Et puis on a fini par s’habituer, la toilette à dix dans la même pièce, la bouffe dégueulasse, mais quand on a faim, on mange n’importe quoi… Et puis les cours ! Au début, j’assistais régulièrement aux cours ; mais bientôt, très vite même, je finis par me lasser et je laissais Francine y assister seule. De mon côté, je faisais connaissance des autres étudiants du campus. Dans un sens, je ne perdais pas mon temps puisque l’on s’exprimait en allemand. A cette époque, tous les pays socialistes et communistes du monde envoyaient leurs étudiants en Allemagne de l’est. C’est ainsi que je fis la connaissance d’étudiantes et d’étudiants polonais, lettoniens, yougoslaves, bulgares, syriens, iraniens, irakiens etc.
Puis un jour, dans le tramway j’entendis parler français. Je me retournai alors et c’est ainsi que je fis la connaissance de Joseph. Il était camerounais, avait 27 ans et étudiait la médecine depuis déjà 7 ans dans ce trou perdu. Il préparait une spécialisation en orthopédie. C’est lui qui me fit découvrir Otis Redding. Il ressemblait étrangement d'ailleurs à ce chanteur.
Nous avons correspondu pendant quelques années. Puis je me suis mariée et la correspondance a cessé.
Quarante ans ont passé depuis mais les souvenirs sont toujours aussi nets. J’aimerais bien savoir ce qu’il est devenu et depuis quelques temps j’ai entrepris des recherches sur le net. Mais c’est comme si je cherchais une aiguille dans une botte de foin !
A notre retour de voyage, Francine et moi avions perdu quelques kilos. Ce qui m’avait quand même soulagée, c’est de constater qu’elle n’avait pas progressé plus que moi en allemand ! Ce n'est que quelques semaines plus tard que je lui parlai alors de Joseph. Sa réaction m'atterra et me fit beaucoup de peine.
« Ah, oui, le Noir du campus ! Je me souviens de lui. Quelle horreur ! » Elle joignit à ses paroles un air tellement dégoûté que cela finit par n'anéantir totalement. Comment peut-on juger ainsi les gens uniquement sur la couleur de leur peau ? J'aurais pu comprendre un tel rejet s'il était venu de mes parents ( mais je m'étais bien gardée de leur raconter cette aventure craignant une réaction similaire). Elle ne voyait pas en lui son intelligence, sa prestance, non, c'était un Noir et il n'y avait rien à rajouter. Quelle déception je ressentis dans les propos d'une fille qui se prétendait mon amie !
J’étais revenue avec un carnet rempli d’adresses. Au fil des ans, les correspondances se sont espacées. Seule mon amie polonaise a continué de m’écrire et je l’ai revue en 1987. La même année nous avions reçu sa fille Eva chez nous pendant un mois. Elle a épousé un Syrien et a eu un petit garçon, Emil (sans E final).
Si vous ne connaissez pas Otis Redding, voici une video.
Et vous savez ce qui me fait plaisir ? C'est d'avoir toujours le même enthousiasme pour ce morceau et de me surprendre à faire comme la petite blonde. C'est bon, j'ai la pêche !
19:45 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Otis Redding, Greifswald