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mardi, 23 septembre 2008

Marzi

marzi.jpgMarzena Sowa est une jeune Polonaise qui récemment a édité une BD relatant son enfance en Pologne (de 1984 à 1987). Les illustrations sont de son ami et compagnon, Sylvain Savoia.

Ma fille vient de me prêter le livre et je le parcours avec grand plaisir car j’y retrouve des souvenirs de notre périple en Pologne, voyage que nous avions effectué en août 1987.

J’avais fait la connaissance d’une Polonaise, Irena, lors d’un séjour linguistique en Allemagne de l’est, l’été 1969. Nous étions restées en contact et cette année- là (1987), elle nous avait une fois de plus invités chez elle. Or, il se trouvait que nous pouvions nous payer des vacances (les dernières remontaient à 1978, au Portugal).

A cette époque, on ne partait pas en Pologne comme en Italie ou encore en Espagne. Il fallait d’abord obtenir les visas, puis communiquer l’adresse où nous voulions nous rendre. Cela demanda plusieurs semaines. Nous reçûmes enfin les papiers nécessaires et nous voilà donc partis tous les trois –mon mari, ma fille et moi- entassés dans la VW coccinelle chargée à ras bord de victuailles diverses que m’avait demandées mon amie polonaise ( café, cigarettes américaines, bananes, produits de toilette, médicaments etc).

Le voyage prit fin à Sarrebruck, la voiture présentant une importante fuite d’huile. Il en fallait plus pour nous décourager et de retour à la maison, nous avons pris ma voiture, une petite Ford Fiesta. Deuxième départ !

Après une nuit passée dans la région de Hanovre, nous passons d’abord la frontière de l’Allemagne de l’est. L’autoroute était restée dans le même état qu’à sa construction (dans les années trente), faite de dalles de béton. D’un seul coup la circulation s’était raréfiée. Nous passâmes la frontière à Francfort-sur-Oder, direction Poznan.

Mon amie habitait Lodz, mais possédait une maison héritée de son père à Poznan. Elle avait eu l’immense privilège ( on peut dire ça de cette façon) de conserver une unique pièce dans cette maison, le reste étant distribué aux « camarades » dont elle se méfiait comme de la peste.  Elle s’était bien gardée de nous le dire. Notre arrivée n’était d’ailleurs pas passée inaperçue. Le lendemain il fallut aller au commissariat pour remplir un tas de paperasses certifiant que nous étions bien logés chez Mme G. et que nous y restions pour tant de jours.

Trouver sa maison releva de l’exploit car nous arrivâmes à Poznan en plein orage. Pour toute indication, nous n’avions que l’adresse et un numéro de téléphone. Après avoir pris à bord de la voiture un Polonais qui semblait connaître le chemin, nous dûmes l’abandonner sur le bord de la route car il était complètement ivre et incapable de s’orienter. Par chance un peu plus loin nous avons trouvé un Allemand qui nous a précédés jusqu’à la maison.

Bienvenue en Pologne ! Route non bitumée et pleine de nids de poules, pas de lumière dans la rue. 

Nous restâmes environ cinq jours durant lesquels nous avons passé notre temps à emmener mon amie et sa fille faire les courses, c'est-à-dire faire la queue devant un magasin qui est sensé recevoir quelque chose à manger. Au bout de trois à quatre heures, et les jours de chance, nous pouvions obtenir deux ou trois œufs fêlés, un peu de lait ou bien encore – le summum- un morceau de carcasse de bœuf sur laquelle en grattant bien on pouvait récupérer 100 grammes de viande. La viande était vendue avec les os. Et de sucroît, toute l’alimentation ne s’obtenait qu’avec des tickets de rationnement. Pas de ticket ? Rien à manger.

Le plus effarant fut un arrivage de vodka. A croire qu’il n’y en avait pas eu depuis des lustres, à voir les hommes se précipiter sur les bouteilles et boire à même le goulot, dans la rue !

Notre hantise restait l’essence. D’abord parce que les stations étaient rares et bien souvent il n’y avait plus de carburant.

Pauvre Irena ! Elle avait fait d’énormes efforts pour nous recevoir, allant jusqu’à acheter un canapé-lit. Et le soir, alors que nous dormions tous les trois dans l’unique pièce, elle et sa fille allaient dormir dans le cabanon du jardin, là où on pouvait faire sa toilette dans une énorme lessiveuse qu’elles remplissaient après avoir fait chauffer l’eau qui provenait de la pompe du jardin.

Les WC ? Une cabane en planches au fond du jardin… J’ai failli m’assommer deux ou trois fois à cause de la poutre trop basse qui soutenait le toit.

Derrière chez elle, s’étendait une vaste et belle forêt où nous sommes allés ramasser des champignons. Pour mon malheur j’ai voulu en manger malgré leurs réticences et quelques années plus tard on a dû m’enlever la thyroïde. Tchernobyl ? Probablement, nous n’en étions qu’à environ 800 kilomètres.

Je ne regrette pas du tout cette expérience qui nous a permis de mieux voir la vie de l’autre côté du Rideau de Fer. Mais quelle joie de retrouver quand même le confort !

En retour de son invitation, nous avons reçu chez nous sa fille Ewa, alors âgée de 23 ans. Elle est restée un mois à la maison. J’avais reçu des instructions très sévères de la part de sa mère qui avait peur qu’elle attrape le sida. Pour elle, tous les Occidentaux étaient porteurs du virus.

Nous étions allés la chercher à Orly. Son séjour fut pour elle une véritable révélation. Elle était particulièrement fascinée par les grandes surfaces ! Elle y aurait passée des heures entières.

Comme nous avions repris le travail, elle allait se promener toute seule dans la ville. Nous lui avions donné de l’argent de poche afin qu’elle ne se sente pas brimée.

Un jour cependant je me suis un peu inquiétée. Elle avait téléphoné pour dire qu’elle avait rencontré quelqu’un avec qui elle devait passer la soirée. Je lui ai demandé de revenir à la maison et de nous présenter ce quelqu’un. En fait il s’agissait d’un jeune  représentant de commerce qui n’avait pas été insensible à son charme slave. Apparemment, c’est elle qui l’avait dragué, impressionnée surtout par la voiture ( une BMW). Bon, j’avais pris son nom, le nom de l’hôtel où il était descendu (place de la gare), et discrètement j’avais relevé le numéro de la plaque minéralogique. Après tout, elle était majeure…

En fait, elle ne rentra que le lendemain matin sur le coup des sept heures !

Par la suite, j’ai appris quelle a correspondu un certain temps avec lui. Mais au final, elle a épousé un Syrien dont elle a eu un fils, un détestable petit « Emil » ( sans E final). Dixit Peggy qui a eu l’occasion de faire sa connaissance !

Le jour de son départ, je l’ai accompagnée jusqu’à Orly. Nous avions quitté Tours de très bonne heure afin d’avoir le temps de visiter un peu Paris. Ce fut une vraie course contre la montre durant laquelle j’ai trouvé le temps de lui montrer la Tour Eiffel, Notre Dame, le Sacré Cœur, les Champs-Elysées, et… Barbès. L’impression d’ensemble d’Ewa sur Paris :

«  Il y a beaucoup de Noirs et d’Arabes ». C’est vrai qu’en Pologne, ils ne courent pas les rues, tout du moins à cette époque. Je m’attendais à une tout autre réflexion, mais bon, sans doute a-t-elle trouvé cela suffisamment important pour le mentionner.

Je n’ai pas eu l’occasion de retourner en Pologne depuis 1987. Par contre Peggy y est allée plusieurs fois. Les choses ont considérablement évolué depuis la chute du Mur de Berlin, principalement dans les grandes villes. Cependant, dans les campagnes du nord-est, la vie reste toujours assez  archaïque.

11:04 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre, bd, pologne, marzi sowa