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mardi, 24 novembre 2020

L'histoire d'un livre ...

qui a bien failli ne jamais être édité !

vassili grossman,russie,stalingrad

Il s'agit d'un très gros ouvrage intitulé "Vie et destin" (en russe Жизнь и судьба), écrit par l'écrivain d'origine ukrainienne Vassili Grossman. L'histoire se déroule durant la bataille de Stalingrad pendant la seconde guerre mondiale. Cette œuvre intense peut être considérée comme le magnum opus de Grossman. 

Qui était Vassili Grossman et pourquoi ce livre fut censuré ?

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Vassili Grossman est né le 29 novembre 1905 à Berditchev (en Ukraine). Issu d'une famille juive non pratiquante, il fait tout d'abord ses études à Kiev, puis  à Moscou.  En 1929, il obtient son diplôme d'ingénieur chimiste et se retrouve employé dans une mine à Donetsk. C'est un serviteur loyal du régime communiste sans toutefois  s'engager dans le parti, malgré les nombreuses sollicitations.

Lorsque les troupes allemandes envahissent l'Union soviétique, il s'engage comme journaliste pour couvrir les évènements.  C'est ainsi qu'il participe à la bataille de Stalingrad (de juillet 1942 à février 1943).

Dans son livre, il dépeint la société soviétique durant la guerre avec réalisme, sans aucune concession pour le régime en place.

Il commença l'écriture de son livre en 1948 pour l'achever en 1962. Il envoya alors son manuscrit au rédacteur en chef du mensuel de l'Union des écrivains. Ce dernier prit peur à la lecture et en informa aussitôt le K.G.B. Deux jours plus tard, deux officiers se présentèrent chez Grossman pour saisirent les copies, les brouillons et même les rubans encreurs de sa machine à écrire. Ce livre ne devait en aucun cas être publié ! Vassili Grossman mourut deux ans plus tard, en 1964, d'un cancer du rein.

Alors, me direz-vous, comment se fait-il qu'aujourd'hui le livre a été récupéré ? 

Et bien voilà ... Vassili Grossman avait confié deux copies de son livre à des amis sûrs. Il faudra attendre 1970 pour que ces brouillons soient microfilmés et quittent clandestinement l'Union soviétique grâce à l'aide d'Andreï Sakharov. Certains passages étaient manquants et un long travail de reconstitution fut mis en œuvre. Et finalement en 1980 le livre fut édité pour la première fois en Suisse dans sa presque totale intégralité. 

Quant aux Russes, ils ne purent en prendre connaissance qu'à partir de 1989 ! Je me demande d'ailleurs, quelle fut leur réaction.

C'est au printemps dernier que j'ai entendu parler de ce livre. Malheureusement impossible d'en trouver un seul exemplaire : épuisé, épuisé ...

Puis, en juillet  dernier, il y a eu une réédition et j'ai donc aussitôt commandé un exemplaire en livre de poche. Il est arrivé chez moi il y a maintenant deux semaines, un peu cabossé par le transport, mais bon, ce n'est pas grave.

J'ai donc entamé la lecture de ce pavé (1172 pages quand même !). J'en suis à la page 109 mais je dois dire que je commence à m'emmêler les pinceaux parmi tous les personnages du roman.  

Un avant-goût peut-être ? L'histoire commence ainsi :

" Le brouillard recouvrait la terre. Les phares de la voiture se reflétaient dans les lignes à haute tension qui s'étiraient le long de la route.

Il n'avait pas plu mais, à l'aube, l'humidité s'abattit sur la terre et les feux dessinaient des taches rougeâtres sur l'asphalte mouillé. On sentait la respiration du camp à de nombreux kilomètres : les fils électriques, les routes, les voies de chemin de fer se dirigeaient tous vers lui, toujours plus denses. C'était un espace rempli de lignes droites, un espaces de rectangles et de parallélogrammes qui fendaient la terre, le ciel automnal, le brouillard.

Des sirènes lointaines poussèrent un hurlement doux et plaintif.

La route venait se serrer contre la voie, et la colonne de camions chargés de sacs de ciment roula un certain temps à la hauteur du train de marchandises interminable. Les chauffeurs en uniforme ne regardaient pas les wagons, les taches pâles des visages.

La clôture du camp sortit du brouillard : des rangs de barbelés tendus sur des poteaux en béton. Les alignements de baraques formaient des rues larges et rectilignes. Leur uniformité exprimait le caractère inhumain du camp.

Parmi les millions d'isbas russes, il n'y a pas et il ne peut y avoir deux isbas parfaitement semblables. Toute vie est inimitable. L'identité de deux êtres humains, de deux buissons d'églantines est impensable. La vie devient impossible quand on efface par la force les différences et les particularités."

 Pour en savoir davantage :

Vassili Grossman

Plaque commémorative en hommage à Vassili Grossman, Donetsk (Ukraine).

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