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vendredi, 09 janvier 2009

12. Que se passe t-il donc en Normandie ? (2ème partie)

Je n’attendais pas une réponse aussi rapide de mon informateur accroché à son îlot du Pacifique comme une bernique à son rocher. Mais c’est tant mieux !

Comment fait-il donc pour obtenir toute cette foule de renseignements alors qu’il est si loin de tout ? Mais ce n’est pas le propos de la note.

En téléphonant à Alphonse hier, j’avais bien senti qu’il n’était pas à l’aise et qu’il me cachait des choses. Sa voix était tremblotante, on aurait dit qu'il avait peur. Peur de quoi ? De qui ?

Les propos de Manutara viennent confirmer cette impression. Mais plutôt que de vous en faire un résumé, je vous laisse lire,  que- dis-je, savourer la prose facétieuse de mon correspondant du Pacifique :

 

" Ce fut un bien misérable échantillon d'humanité qui débarqua aux aurores à l'aéroport de Tahiti Faaa, en cette belle journée du millénaire naissant. Elle, titubant de sommeil, ses cheveux gras emmêlés en une lutte féroce pour la conquête d'un chignon branlant auquel aucun peigne ne pourrait jamais plus donner forme humaine, sa face livide ensanglantée par un rouge à lèvre au goût amer, son corps informe engoncé dans un tailleur trop étroit dont elle s'efforçait d'extraire la partie postérieure profondément enfoncée dans la raie médiane de ses fesses en adoptant une démarche alternativement chaloupée et plongeante lui donnant l'aspect d'une hourque surchargée sur le point de sombrer, lui, tiré des vapeurs éthyliques de quelque cauchemar nauséeux, s'efforçant de plaquer sur le sommet de son crâne, aplati au-dessus d'un front en déroute, les quelques soies de porc lui tenant lieu de chevelure tout en essuyant du revers de sa grosse main poilue la sueur épaisse inondant son facies porcin où un nez aux proportions obscènes s'ouvrait sur deux narines outrancièrement dilatées humant l'air avec l'avidité d'une bouche d'égout dont les entrailles se perdaient dans les méandres d'un corps aux allures de monument aux morts qui n'aurait que très rarement connu le chemin des dames malgré l'absence d'une jambe, la droite, perdue, non dans quelque sanglante et héroïque bataille, mais par la faute d'un ongle incarné mal soigné dont la pourriture insidieuse avait fini par gagner l'ensemble du membre. Ces deux êtres, si parfaits dans leur commune laideur, s'appelaient Paul et Virginie. Bien entendu, Paul et Virginie se haïssaient. Ils se haïssaient d'une haine telle qu'elle avait fini par les rendre inséparables. C'est que tous deux nourrissaient pour la haine une passion dévorante. Et dévorer c'est ce qu'ils firent.
Le défunt mari de Virginie, un homme bon que l'absence de glandes salivaires avait fini par rendre incontinent, fit avec Virginie un mariage en double aveugle. Malheureusement pour lui, on lui refila un placebo qui s'avéra mortel. Il avait coutume de dire que sa femme était aimable comme une porte de prison mais, au bout du compte, il lui préféra la prison. Il tenta ensuite de noyer son chagrin dans le cidre mais c'est son chagrin qui le noya.
Si l'on remonte dans l'enfance de Virginie on retrouve un père et une mère, ce qui dans le fond n'a rien de bien extraordinaire, si ce n'est qu'ils se pendirent tous les deux le même jour à la même heure, l'un au grenier et l'autre à la cave, irréconciliables jusque dans la mort. Si l'œil indiscret d'une caméra s'était invité aux funérailles des malheureux parents, il aurait pu immortaliser l'étrange sourire qui illuminait le visage, déjà passablement disgracieux, de la petite Virginie. L'enfant fut placée dans divers foyers jusqu'à sa majorité. Foyer est du reste le terme qui convient, puisque la petite Virginie grandit sur les ruines fumantes des malheureuses familles qui avaient eu l'imprudence de lui ouvrir leur porte.
Quant à Paul, on ne sait pas grand chose de son enfance si ce n'est qu'il n'en eut pas vraiment. Embarqué très jeune à la morue, sur les bancs de Terre-Neuve, on dit qu'il dériva pendant plusieurs semaines sur un Doris, perdu dans les brumes de ces inhospitaliers parages. Quand on le retrouva, seul survivant d'un équipage de quatre marins, on ne s'étonna pas de l'étrange embonpoint qu'il affichait et qui ne fit que s'accroître au fil des ans. Quelques naufrages plus tard, on retrouve sa trace en 1978 sur l'Amoco Cadiz.. La perte de sa jambe droite mit fin à sa carrière de marin. Il refait surface au milieu des années quatre-vingt-dix, lorsque son destin croise celui de Virginie. Elle venait d'acculer à la ruine et au suicide un honnête fabricant de tripes et lui venait de mettre à la porte de son humble demeure sa vieille mère pour la faire enfermer dans un asile où, de notoriété publique, l'espérance de vie ne dépassait pas celle d'un prisonnier de goulag soviétique. Cette rencontre eut lieu dans le bar d'un hôtel de la rue de la Savonnerie de Rouen où, chacun de son côté, ils fêtaient leur succès. Un verre en amenant un autre, le récit d'une mauvaise action en rappelant une autre, le désir de surpasser l'autre en vilénie et en laideur fit que, très rapidement, une haine profonde cimenta leur indéfectible inimitié. C'est alors qu'ils ourdirent un plan dont l'évocation seule me fait frémir d'horreur! "

J'en reste un peu abasourdie et parallèlement assez inquiète. Bonie et Clyde sont des enfants de cœur à côté de ces deux-là. virginie.jpg

De mon côté, j'ai donc rappelé Alphonse. Il ne m'a pas caché plus longtemps la frousse que lui inspirait Virginie à chaque fois qu'il la rencontrait. D'ailleurs il m'a fait parvenir une photo d'elle, photo datant de plus de dix ans déjà et prise à l'improviste. C'était bien avant qu'elle ne commence le régime Wheigt Watcher qui devait lui faire perdre par la suite une bonne vingtaine de kilos.

Une question vient immédiatement à l’esprit : mais quel est donc ce plan diabolique qui fait ainsi frémir l’audacieux marin ? Lui seul semble savoir… Cela attise ma curiosité tout de même !

 

 

Commentaires

"...noyer son chagrin dans le cidre mais c'est son chagrin qui le noya". Ca j'adooooore...
Et surtout la façon de broder (et ce n'est pas de la dentelle) des zodieux personnages à la Zola du XXIe siècle ! Je suis tout à fait fan des vos p'tites histoires !

Écrit par : catherine | samedi, 10 janvier 2009

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