lundi, 09 décembre 2013
214. Les petits travaux disparus -10-
Quand tout était terminé, il y avait un coup de sifflet assez prolongé pour avertir le prochain cultivateur de venir avec ses chevaux chercher le matériel. Avec ma sœur nous regardions ce déménagement, nous ne voulions rien perdre des opérations.
Quelques fois les chevaux avaient un mal fou à démarrer ; Ils s’élançaient, les traits se tendaient et il leur fallait recommencer …
Nous étions fière de Cocotte, elle ne se rebutait jamais, elle était franche comme disait papa, si belle parmi les autres. Elle formait un bon attelage avec Mouton, un brave cheval.
Et puis, tout à coup, la machine était partie … Il fallait alors tout remettre en ordre, vaisselles, table, bancs, pour l’année prochaine. Maman était contente, elle avait tellement cuisiné : pot au feu, râgouts, poulets, œufs au lait, salades, fromages. Tout y passait, ces hommes jeunes avaient bon appétit.
Maintenant les moissons sont bien changées ! Vers 1955 il y eut des tracteurs pour remplacer la chaudière. Il fallait bien savoir mettre en place ce gros tracteur dans la cour des fermes pour installer juste à point la batteuse afin que tout fonctionne parfaitement en branchant le système électrique.
Jacques, mon fils, en rentrant d’Algérie en 1963, fit lui aussi une campagne de chauffeur-conducteur du tracteur de « La 24 ». Il était responsable de l’installation. Il fallait faire des manœuvres pour tomber juste, c’était une bonne expérience !
Maintenant, depuis quelques années ce sont des grosses moissonneuses-batteuses bleues, rouges, tout est fait sans travail manuel, ce sont les vacances ! Qui pense encore aux moissons ?
Donc mon frère Aimé porta les sacs, je crois, et apprit à faire des tas de paille, les bauges de paille. C’est tout un savoir faire, il faut que tous les rangs de bottes de paille soient bien serrés afin que l’eau ne rentre pas à l’intérieur du tas, il faut respecter une pente et toujours bien tasser les bottes. Ces tas de paille seront là tout l’hiver car nous n’avions pas de hangar.
Roger, mon mari, fit lui aussi des campagnes de machines en tant que porteur de sacs. Il fallait être fort et adroit, avoir le coup de rein pour placer le sac de 80, 90 ou 100 kilos et le monter à l’échelle pour le vider ensuite au grenier. J’ai souvent admiré l’aisance et la souplesse des porteurs de sacs, marchant tranquillement, leur sac sur l’épaule.
Tous les étés dans quelques communes des environs on essaie de reconstituer ce travail de la batteuse. Mais nous sommes en 1978, bientôt on oubliera complètement. C’est pour cela que je vous le raconte …
2013 : la tradition se poursuit toujours.
Comme Aimé était revenu, Raymond partit travailler chez mon oncle pour gagner de l’argent à son tour. Papa acheta un poulain non dressé ; Il était vraiment beau avec un poil brillant bien foncé, mais il avait un sale caractère. On l’appela Papillon, son dressage ne fut pas facile !
Il fallait lui apprendre à être attaché au tombereau, à la charrue dans les vignes, au brabant avec les autres. Quelle victoire quand on observait des progrès. Aimé s’occupa beaucoup de Papillon, il le félicitait et le caressait quand il avait bien travaillé.
C’est moi qui fis le dressage de Coco qui grandissait et devenait un beau chien, genre épagneul, roux très foncé. Je l’habituais à me suivre, à m’obéir. Souvent, en arrivant de l’école, je gardais les vaches. Je l’emmenais avec moi, tenu par une ficelle. Je lui appris à connaître chaque vache par son nom. Petit à petit il apprit à leur faire faire demi-tour lorsque l’une ou l’autre s’écartait. Après un certain temps je n’eus plus besoin de ficelle. Ce n’est pas croyable ce que je faisais faire à ce chien ! Mais quand je partais à l’école, il savait qu’il devait rester à garder la cour. Je le lui disais et :
À ce soir Coco !
Il remuait alors sa belle queue touffue tristement, il boudait.
Quand il y avait une chienne an amour dans les environs, surtout une certaine Mirza qu’il aimait, il partait et me laissait en plan … Quand il revenait et essayait de se faire pardonner, je le boudais à mon tour.
J’avais aussi essayé de l’atteler à une brouette. Pauvre chien, il en faisait une tête ! Il n’aimait pas ça du tout et j’y ai renoncé.
Le soir aussi à partir du printemps je gardais les chèvres auprès de la maison. Coco courait autour d’elles pour jouer. Mimi n’aimait pas les chèvres, je crois qu’elle en avait peur. C’est vrai que c’était quelque chose de garder les biques !
Il y avait Quiqui, une grande et forte chèvre noire avec des cornes, une barbiche et des petits barbillons. Elle avait des yeux extraordinaires, sa tête était noire et feu. Elle courait en traversant la cour pour aller croquer les géraniums posés sur la fenêtre de la cuisine et je devais la prendre de vitesse pour éviter un désastre.
Quand le linge était étendu dans le petit pré où je les gardais, elle fichait des grands coups de tête dans tout ce qui flottait au vent ou lorsque je voulais les faire revenir elle se cachait derrière les tas de paille où elle me faisait jouer à cache-cache.
Sa camarade Fauvette, une chèvre blanche un peu bête, suivait ainsi que sa fille Rosette. Elles m’ont fait piquer des colères ces trois biques !
Quand elles étaient enfin rentrées et attachées, j’avais parfois envie de flanquer une raclée à Quiqui, mais elle prenait un air indifférent et très sage, elle secouait sa barbiche et marmonnait ses réflexions. Je suis sûre qu’elle se moquait de moi … Elle donnait beaucoup de lait, ainsi que les autres et maman faisait des fromages.
J’apprenais mes leçons tout en les gardant. Quand elles étaient sages, je grimpais sur le siège du rouleau et là-dessus j’étais comme un prince sur son trône parlant à son peuple. Je déclamais mes leçons à haute voix. J’étais heureuse et je m’amusais …
À suivre
05:24 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Et non, plus de moissons.... plus de terrains à moissonner, ils sont remplacés par des lotissements...
J'adore lire ces récits, parce que j'y retrouve quelques petites choses.
Cette petite fille était adorable, je trouve et un tantinet espiègle.
Écrit par : Christine | lundi, 09 décembre 2013
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