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vendredi, 13 décembre 2013

219. Les petits travaux disparus -14-


podcast

Il y eut l’étude le soir à l’école pour préparer notre certificat, puis des cours de gymnastique, c’était nouveau. En effet, le jour de l’examen, nous devions courir, sauter, marcher accroupies en canard. Nous nous sommes bien amusées à ces cours.

À la sortie de l’étude, je me dépêchais pour retrouver mes camarades et ma sœur qui jouaient dans le chemin du Clos Taku en m’attendant. Nous nous amusions encore un peu puis rentrions tous ensemble en discutant. Quel bon souvenir !

Le jour du certificat arrriva, il faisait très chaud déjà tôt le matin et je partis à pied rejoindre mes camarades, les instituteurs et les garçons. Nous avions tous rendez-vous à la gare pour prendre le tramway ; C’était toujours très amusant d’aller en tramway !

Je me revois avec ma petite robe bleue pied de poule blanche.

Nous fûmes installés dans je ne sais quelle école, tous séparés. Il y eut un orage sur Tours mais ça ne me gêna pas. Puis ce fut l’appel des reçus … Et j’entendis mon nom. Quelle joie !

Hélas, Lulu n’était pas reçue et je pleurai alors avec elle. Tous les garçons furent reçus.

Nous revînmes le  soir par le tramway, nous étions très excités. Je repris alors le chemin de la Barbinière, la joie au cœur, quand j’aperçus, en haut de la côte,  papa qui se promenait avec sa canne (il avait une crise de sciatique).

Je lui criai de loin : Je suis reçue !, en agitant les mains et courus à lui. Il me serra alors dans ses bras et m’embrassa. Il avait les larmes aux yeux …

Très vite je le laissai pour aller annoncer la bonne nouvelle à maman, ma sœur, mon frère, même à Coco. C’est que je n’avais pas encore mes douze ans !

Le jour du 14 juillet nous préparâmes la fête des prix. Chants, jeux, danses et distribution des prix où chaque élève est appelé. Les premiers avaient une couronne de lauriers posée sur la tête par un conseiller municipal. C’est papa qui me couronna.

Puis ce fut les vacances et les moissons !

Il fut alors question du mariage d’Aimé et de Madeleine pour septembre. Maman parla de nous faire faire des robes pour la noce.

Papa voulait prendre de l’avance dans les moissons pour avoir le temps de s’occuper du mariage. La faucheuse-lieuse fut préparée et mise en route. Il fallait ensuite entasser les gerbes éparpillées sur les chaumes. J’aidai alors papa, maman et mon frère à entasser ces gerbes pour faire des rangs de tas de seize gerbes : une croix de quatre gerbes –épis sur épis- et haute de quatre gerbes croisées plus une autre posée pour faire le chapeau (comme une sorte de toit) afin que l’eau ne pénètre pas et conserver les épis au sec.

Ce travail était pénible, il fallait marcher dans les chaumes, se baisser, prendre les gerbes, les placer et recommencer souvent, tout ça par une grande chaleur. Maman était très exigeante, un tas bien fait ne devait pas bouger.

Beaucoup plus tard, moi aussi j’appris à mes enfants à faire ces tas.

Quelques jours après, nous faisions « les bauges » c'est-à-dire le va-et-vient des charrettes allant recueillir ces belles rangées de tas dans les champs de blé, d’orge et d’avoine pour ensuite les entasser dans la cour de la ferme.

C’est papa qui faisait les bauges : il fallait que le tas soit bien d’aplomb, bien serrer les rangs un peu en pente et bomber au milieu afin que l’eau ne rentre pas en cas de pluie. Le dessus de la bauge devait être en forme de toit sinon c’était la catastrophe. Une bauge ratée devenait humide à l’intérieur, sentait le moisi, bourrait la batteuse.

Papa réussissait toujours ses bauges ; Je le vois encore, une fois descendu de sur le toit, en faire le tour, reculant, revenant, tapotant des gerbes ou les tirant un peu. Quel soulagement quand les bauges étaient terminées et réussies, bien d’aplomb au bout de la cour, sur le pâtis ! Cela représentait la récolte d’un an de travail …

Cette récolte est toujours problématique : va-t-on réussir les ensemencements, le ramassage ? Le temps va-t-il être favorable ? C’est toujours une attente, jamais une certitude. C’est pourquoi les paysans sont tenaces, équilibrés, ont une certaine sagesse. Ils savent que la nature impose une leçon continuelle. Une erreur, une négligence et une récolte est fichue !

Avec les animaux c’est la même chose, il faut être très attentif et vigilant. Quelqu’un qui n’a jamais fait ce travail de la terre, qui n’a pas dépendu d’une récolte pour avoir de l’argent, ne peut pas comprendre. C’est sans doute pourquoi les gens de la campagne se sentent si souvent incompris.

Les moissons terminées et les bauges faites, nous sommes allés chez Madeleine faire plus ample connaissance. Il se trouvait qu’elle était une petite cousine de maman. Je me sentis tout de suite ne confiance avec elle, ma petite sœur aussi. Nous la considérâmes très vite comme une nouvelle grande sœur.

Nous allâmes aussi à Parçay-Meslay, mais Grand-père était décédé. Il n’y avait plus que Grand-mère à la Guillonnière. Pauvre Grand-père ! Lui qui avait tant travaillé à cette maison presque neuve, qui avait entrepris tout seul tant de choses, dont son puits. Maintenant c’est un de ses arrières-petits-fils, Daniel, qui y habite avec sa famille. La ferme où habitaient mon oncle, ma tante et mes cousines et où nous allions à travers champs par une rote longue de trois-cents mètres, est maintenant séparée par une autoroute. Les lieux changent, se transforment …  

Après avoir envoyé les invitations pour le mariage, il fallut se préparer. La couturière nous montra des catalogues pour choisir la façon de nos robes. Maman avait acheté un coupon de tissu en toile de soie rose, mais j’aurais préféré avoir une robe bleue. Je trouvais que le rose était bien pour Mimi mais pas pour moi. La façon choisie par Francine, la couturière, ne me plaisait pas non plus ; J’ergotais donc mais elles me dirent que je serais très bien et finalement j’eus une robe rose pareille que celle de ma petite sœur ! 

 

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À cette époque les enfants ne choisissaient pas, on ne les consultait pas non plus … Et pourtant ils avaient leur petite idée.

Le jour du mariage arriva enfin …

 

À suivre

Commentaires

Bonjour,

deux petites questions :
- La scène se déroule où ? En Indre et Loire ?
- le mot bauge s'applique-t-il à un tas de foin, de paille ou blé ? seulement au transport ?

En Creuse, une bauge c'est une liasse de foin : « on mettait le foin en bauge et le blé en gerbe ».
Dans la région autour de Blois (Loir et Cher), une bauge désigne une meule de foin, de paille, de blé.

Merci de votre réponse.
Jean-Michel

Écrit par : Jean-Michel Monnet-Quelet | lundi, 18 mai 2015

Bonjour : L'histoire se déroule en Indre et Loire, dans un village situé près de Tours.Le texte a été écrit par une ancienne paysanne. D'après ses propos, la bauge qu'elle décrit est une meule faite avec les gerbes de blé, d'avoine ou d'orge avant la récolte des grains.
Pour le foin, je ne sais pas si le terme employé était le même ...

Écrit par : tinou | mardi, 19 mai 2015

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