mardi, 24 décembre 2013
229. Période de guerre -1-
Je viens de terminer la lecture des nouveaux écrits d'Yvonne concernant la période 1934-1945. Certains passages qui décrivent la vie durant la guerre me semblent intéressants. Aussi je reprends la copie de ces mémoires.
Yvonne épousa Roger en 1937. Ils s’installèrent alors à Champroux, chez les parents de Roger. Yolande naquit en février 1938, suivie de Jacques en 1939. Et soudain …
« Le 1er septembre 1939 j’eux la visite de deux voisins qui sortirent dehors pour parler des nouvelles avec Roger qui jardinait. Cela m’inquiéta un peu, j’avais oublié le problème Hitler !
Le 2 septembre mon amie Lucienne C., qui habitait à Créteil, vint me voir avec son oncle. Ils allaient dans le midi de la France, chez des parents :
— La Pologne est envahie par les troupes allemandes, nous allons avoir la guerre. Beaucoup de Parisiens s’en vont déjà …
Le lendemain, le 3 septembre, l’Angleterre et la France déclarèrent la guerre à l’Allemagne. Roger devait aller au Blanc, dans l’Indre, rejoindre son régiment, le 78ème d’Infanterie. Un camarade qui avait reçu la même mutation, vint le chercher le 5 septembre. C’était l’heure de la sieste et les petits dormaient …
Quelques jours plus tard, je reçus une lettre de Roger me disant qu’il partait dans l’Aube avec son régiment. Ayant son permis moto, il avait été affecté au poste de messager de l’État Major. Il porterait les messages la nuit, sans éclairage.
Avant l’hiver, le 78ème s’installa à Forbach, tout près de la ligne Maginot. Il fit très froid cet hiver-là.
J’avais repris le travail de la ferme. Ce qui m’ennuyait beaucoup c’était la tristesse de ma petite fille qui cherchait son papa. Quand elle entendait le pas d’un cheval sur la route, elle courait vers la porte ou grimpait sur une chaise en disant :
— C’est papa !
Eh non … Je pris l’habitude de lui lire les lettres de Roger. J’écrivais le soir et lui racontais les progrès des enfants.
Un jour, je reçus une lettre me disant qu’après les manœuvres à Arcy-sur-Aube le 78ème était arrivé à Sarreguemines, tout près de la ligne Maginot, en face de la ligne Siegfried. Il m’annonça également qu’il n’aurait pas de permission avant fin janvier.
Il arriva une nuit de février … Quel moment fou de bonheur !
Ces dix jours de permission passèrent très vite. Nous arrivâmes trop tard à la gare, le train partait sous nos yeux. Nous avons passé cette journée comme deux pauvres gosses. Roger me dit qu’il ne savait pas ce qu’était une guerre comme ça, il trouvait que l’armée était mal équipée, sa moto était vieille, les habillements en mauvais état.
Le printemps 1940 fut beau ; Roger m’avait écrit qu’il aurait une permission début mai. Je lisais régulièrement le journal mais c’était toujours monotone, comme en attente d’une catastrophe …
Et soudain toutes les permissions furent supprimées, tous les mobilisés permissionnaires durent rejoindre leur régiment. Roger se trouvait alors à Massy-Palaiseau. Son régiment remonta dans la Somme en passant par l’Oise. Dans sa dernière lettre il me disait :
— Ça va bouger !
Mais c’était trop tard ! Le 16 mai, les Allemands avaient déjà attaqué le Danemark, la Hollande, la Belgique, avec une armada de chars stationnés derrière les Ardennes …
Puis ils passent en France, soutenus par les avions envahissant le ciel et par les chars envahissant les routes de France. En 45 jours notre armée est en déroute et la France est envahie aux deux tiers.
De début mai au 10 juin, des milliers de soldats furent faits prisonniers car ils n’avaient plus de commandements. Ce fut la HONTE pour la France et son armée, ses armées … Et c’était la panique chez les réfugiés qui quittaient leurs ville et village.
Je n’avais plus d’adresse où écrire, ni de nouvelles. Nous ne savions rien de ce qui se passait exactement.
Le 5 et 6 juin, des raids d’avions allemands vinrent pilonner le camp d’aviation de Parçay-Meslay, puis les jours suivants ce furent les gares de Saint-Pierre-des-Corps et de Tours.
Pendant ce temps, le journal La Dépêche nous racontait que nos armées repoussaient l’ennemi ! Il n’y eut bientôt plus de journaux …
Le gouvernement déménageait les archives, certaines arrivèrent même au château de Luynes.
La rumeur disait qu’il fallait partir, tout laisser. Mon beau-père était pour, mais moi, non !
Ce vent de panique atteignit aussi ma propre famille ; Mon grand-père paternel, mobilisé, avait conseillé à ma grand-mère de fermer le café et de fuir vers le sud. Elle partit donc en catastrophe, emmenant avec elle mon père et un petit copain de ce dernier. Ils trouvèrent une place dans un wagon de marchandises qui les emmena jusqu’à … Bayonne !
Quant à mes grands-parents maternels, ils se réfugièrent à Pont-de-Ruan, près de Tours. Là, les hommes avaient fait une barricade avec quelques charrettes, histoire d’arrêter le rouleau compresseur allemand.
À suivre
07:35 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (0)
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