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lundi, 23 décembre 2013

228. La mauvaise étoile, épilogue.


podcast

Quelquefois le soir, quand le ciel  était bien dégagé et que l’on voyait les étoiles briller dans le firmament, Yvonne et les deux enfants allaient s’allonger dans l’herbe du pré, face à la maison et là ils guettaient l’apparition d’une étoile filante pour faire un vœu. Dans le silence qui les entourait seul un chien au loin faisait entendre ses aboiements plaintifs. C’est là que Danielle découvrit ce qu’était la contemplation.

D’autres soirs, les gamins allaient regarder la télévision chez la voisine. Au début des années soixante peu de gens possédaient ce nouveau moyen de communication et cela apparaissait comme une véritable révolution.

La maison des voisins était habitée par une vieille dame, veuve d’un architecte parisien. Elle y vivait avec une de ses filles, Pierrette, âgée à l’époque d’une trentaine d’années. Pierrette  avait du avoir des problèmes de santé étant petite. Toujours est-il qu’elle ne savait pas bien lire et écrire et son rôle se bornait à servir de garde malade à sa vieille mère qui se montrait tyrannique avec elle.

La deuxième fille était tout le contraire de Pierrette. C’était une tête brûlée, elle avait servi dans l’armée comme infirmière et avait participé à la guerre en Indochine. Elle ne portait que des pantalons et fumait comme un pompier. Elle faisait peur aux enfants qui se demandaient si c’était un homme ou une femme.

Certains soirs les enfants se rendaient donc dans cette maison pour suivre  les aventures de Sherlock Holmes, une série anglaise en noir et blanc qui les glaçait d’horreur. Aussi le retour dans la nuit, sur la petite route qui rejoignait la ferme, située à quelques centaines de mètres, était toujours très éprouvant.

Quand les hirondelles prirent le chemin de l’Afrique, Danielle s’en retourna chez elle. Et puis l’école reprit. Le Noël suivant la petite demanda à ses parents si elle pouvait aller passer une semaine à la campagne ce qui lui fut accordé. Elle retrouva avec plaisir Jean-Elie , tante Yvonne, la ferme, les odeurs de la campagne.

L’année suivante elle passa encore une partie des vacances dans ce lieu qui lui était devenu familier. Entre temps elle était entrée au lycée et avait commencé à apprendre le latin et l’allemand. Jean-Elie était en admiration devant elle et la gamine lui apprenait des mots. Ils avaient inventé un jeu, qu’ils appelaient l’espionnage allemand : en douce ils s’approchaient de l’étable quand Yvonne trayait les vaches, souvent aidée par la vieille grand-mère et ils écoutaient leur conversation. Un jour Roger les surprit et il les renvoya aussitôt en jurant comme un beau diable.

On était au tout début des années soixante, la société était en pleine mutation. Dans les villes les logements sortaient de terre comme des champignons, les voitures étaient de plus en plus nombreuses sur les routes et la télé prenait possession des esprits peu à peu.  La campagne ne fut pas épargnée même si ce prétendu progrès arriva un peu plus tard.

En 1963 les parents de Danielle prirent pour la première fois de leur vie une semaine de vacances. Ils avaient une voiture depuis peu et ils allèrent au bord de la mer. C’était la première fois que la gamine découvrait la mer et elle fut très impressionnée par cette immensité bouillonnante et écumante.

Ce fut la fin des vacances à la campagne. Les deux enfants ne se revirent plus jamais. Chacun avait pris un chemin différent. Jean-Elie réussit à décrocher le certificat d’études et il partit en apprentissage dans un élevage de chevaux de course. Sa petite taille lui permettait d’envisager de devenir plus tard jockey. C’était son rêve, il avait toujours adoré s’occuper des chevaux à la ferme. Il commença comme lad, mais il aimait ça. Il avait trouvé sa voie, il était vraiment heureux pour la première fois de sa vie.

Et puis….C’était un soir vers dix-huit heures. Danielle était dans sa chambre en train de faire son travail scolaire quand sa maman entra dans la chambre. Elle avait un air triste et s’essuyait les yeux du revers de la main.

— Tante Yvonne vient de téléphoner. J’ai une très mauvaise nouvelle à t’annoncer.

Danielle posa son crayon et regarda sa mère, inquiète. Celle-ci poursuivit entre deux sanglots :

—  Jean Elie est mort. Il s’est noyé dans un étang au cours d’un entraînement. Son cheval s’est brusquement cabré et il est tombé à l’eau ; personne n’a pu le sortir.

Bien des années se sont écoulées depuis ce tragique évènement. Cependant l’émotion demeure toujours aussi intense et quand Danielle évoque cette période de son enfance, elle ne peut empêcher les larmes de jaillir et elle revoit l’image de son petit copain d’enfance qui était né sous une mauvaise étoile.

 Fin

Ai-je besoin de vous dire qu’actuellement je m’essuie les yeux ? Les souvenirs d’enfance prennent de plus en plus d’importance au fur et à mesure que l’on vieillit …On a très certainement tendance à les transformer, à les embellir parfois. Je me suis aperçue de ça lorsque, l’année dernière, je suis retournée dans ma maison d’enfance à Tours. Que le jardin m’a paru petit !

Et que dire des gens que l’on retrouve après bien des années ! Là le choc est encore plus profond. J’ai regretté d’avoir retrouvé mon ancienne copine d’enfance, celle qui partageait mes jeux sur ce boulevard Tonnellé qui était notre terrain de prédilection. La petite fille aux anglaises était devenue une femme qui partage sa vie avec un écarisseur de dindes. Elle n’avait que faire de souvenirs anciens …

Avant, j’avais des croûtes aux genoux :

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Joelle 005b.jpg

Mais ça, c’était avant !

Il est temps de tourner la page et de revenir à la réalité.

 

 

Commentaires

Toi, on te reconnait tout de suite (même en changeant de place !). Par contre ta copine... ;-)

Écrit par : Catherine | lundi, 23 décembre 2013

@ catherine : Quoi, ma copine ? Qu'est-ce qu'elle a ma copine ? ... Elle a toujours ses cheveux bouclés ! Bon, je t'accorde qu'elle est un peu enrobée.

Écrit par : tinou | lundi, 23 décembre 2013

Zut... c'est la fin. Snif

Signée : une lectrice assidue mais silencieuse !

Écrit par : Christine | lundi, 23 décembre 2013

@ Christine : eh bien, pour te faire plaisir, je vais rajouter quelques feuillets.

Écrit par : tinou | mardi, 24 décembre 2013

C'est quand même assez cruel de ta part de mettre en conclusion de ton article cette dernière photo de ton amie d'enfance sachant que cela allait faire naitre dans l'esprit de certains de tes lecteurs la possibilité d'un commentaire acerbe auquel les règles du savoir vivre le plus élémentaire ne permettraient pas de voir le jour.Si l'on ajoute à cela que le mari est écarisseur de DINDES, on comprendra qu'il a quasiment fallu que je m'attache les mains derrière le dos pour ne pas en rajouter.
A part cela, joyeux Noel!

Écrit par : manutara | mardi, 24 décembre 2013

@ manutara : oui je le reconnais ... Mais bon, étant donné le peu d'intérêt qu'elle a montré pour cette rencontre, je n'ai pas à prendre de gants. Je ne fais pas toujours dans la dentelle. J'en profite pour corriger l'orthographe du mot : équarrisseur. Joyeux Noël à toi aussi !

Écrit par : tinou | mercredi, 25 décembre 2013

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