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jeudi, 26 décembre 2013

231. Période de guerre -2-

Dans l’après-midi du 18 juin 1940, alors que j’étais en train de faucher de la vesse en pleine floraison, j’entendis soudain des bruits de tirs venant du haut de la Tranchée, sur la route de Paris. J’écoutais le cœur battant ! La guerre arrivait, elle était là …

Parfois c’était le canon vers le pont Wilson et les mitrailleuses sur la route de Paris. Je courus à la maison prévenir mes beaux-parents qui sortirent pour écouter avec moi. Puis nous vîmes arriver des réfugiés belges tirant des charrettes pleines, avec femmes et enfants. Mon beau-père donna à boire à ces gens et à leurs chevaux fourbus. Les Belges nous dirent :

— Les Allemands sont partout, les avions mitraillent les réfugiés, ils nous suivent d’en haut.

Mon beau-père décida finalement de rester ; il y avait sa femme, sa mère de 87 ans qui était là, les petits enfants et tous les animaux. Et puis aller où ?

Par sécurité, mon beau-père voulut alors que nous allions dormir dans une cave située au Chêne Vert. L’endroit était sain et assez confortable. Nous nous sommes donc installés dans la paille et le foin avec des couvertures. Nous étions 14 au total.

Quelle nuit ! Jacques, qui avait 9 mois, prenait encore un biberon la nuit et il se mit à crier bien avant l’heure habituelle. J’ai dû ressortir pour aller faire chauffer le biberon dans une petite pièce attenant à la cave. Il m’a semblé entendre passer des vélos, puis il y eut des bruits de pas sur fond de mitrailles. Le jour se leva bientôt et nous regardâmes entre les barreaux de la porte de la cave. Eh oui, c’était bien les Allemands qui arrivaient à Luynes ; Ils parlaient entre eux et riaient avec des Ya, ya ! Après les chars arrivèrent. Nous étions sidérés et avions un peu peur. J’étais inquiète pour nos maris, nos frères, cousins et amis ; Où étaient-ils ? Pourquoi les Allemands étaient déjà là, à Luynes ? Je sentais une colère folle monter en moi …

Peu à peu les autres se réveillèrent. Il fallait aller à Champroux pour traire les vaches et rapporter de quoi manger. Je rassemblai tout mon courage et sortis. Quelques Allemands passèrent sans rien dire, ils avaient l’air exténué. Devant la croix du Chêne Vert, il y avait une grosse mitrailleuse à chenilles, le canon braqué vers la route qui remontait sur Panchien, et des soldats tout autour. Il fallait que je passe devant ! Je passai donc sans regarder, très droite. Arrivée à Champroux je dis à mon beau-père :

— Les Allemands sont au Chêne Vert et à Luynes.

Il prit alors son vélo en disant :

— Ce n’est pas croyable ! Je vais voir.

Je fis bouillir deux litres de lait que j’emportai ainsi que du café, du pain et du chocolat. La mitrailleuse était toujours là, braquée sur la route. C’était un défilé de chars fleuris de roses cueillies au passage, les soldats riaient, goguenards ! Je sentais mon sang bouillir.

Nous déjeunâmes dans la cave, puis, après avoir rangé la paille et replié les couvertures, chacun rentra chez soi. 

Mon beau-père était revenu de Luynes, il nous raconta avoir vu des soldats sortir des machines à coudre par les fenêtres des maisons vides de leurs habitants. La charcuterie Vrillon fut pillée en un rien de temps, les épiceries également. Ils avaient faim !

La rumeur disait que Tours voulait se défendre et que la nuit qui arrivait serait rude.  

En effet, d’un accord commun entre le préfet et le maire de Tours, les ponts furent dynamités vers 23 heures  pour empêcher les Allemands de traverser la Loire. Les portes et fenêtres de la maison se mirent à trembler sous la détonation.

Le lendemain nous apprenions que le général de Gaulle avait lancé un appel pour les armées qui voudraient le rejoindre en Angleterre. Enfin quelqu’un voulait s’occuper de la France ! Nous avions ressenti un tel abandon de notre gouvernement et des armées. Cet appel me donna du courage et me consola.

Fin juin, le maréchal Pétain devint chef du gouvernement et demanda l’amnistie à l’Allemagne.

Quelques jours plus tard, en rentrant d’une visite à maman, j’entendis soudain un bruit infernal au-dessus des champs de blé. C’était des avions en rangs serrés … J’ai vu la croix gammée sous l’aile ; aux commandes deux pilotes riant à gorge déployée ! C’était fou !

Près du château les gens ont compté environ 25 avions en ligne, rasant les champs, les vignes, les routes, mais sans aucun tir. C’était une tactique pour impressionner. Deux avions ont même piqué sur Luynes et fait le tour du clocher. Jamais encore je n’avais eu aussi peur. Au passage de ce raid, un pêcheur à la ligne au bord de la Loire est mort d’une crise cardiaque. .. Un cheval est devenu fou.

Drôle de guerre : 9 mois d’attente, 45 jours de conflit, de pagaille, de panique, des batailles courageuses par endroits (comme à Saumur) pour finalement être occupés pendant cinq ans avec tout ce que cela comporte  …

 

À suivre

Pour en savoir davantage :

Tours en 1939-41

Saumur sous les obus

Commentaires

J'adore lire cette histoire réelle.. Une sorte de biographie, mieux une autobiographie, comme je les aime tant....

Écrit par : Christine | vendredi, 27 décembre 2013

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