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samedi, 28 décembre 2013

232. Période de guerre -3-

À Luynes, la Kommandantur s’est installée 18 rue de la République. Je revois encore le drapeau avec la croix gammée flottant au balcon et les chefs très chics sur les marches, nous toisant d’un air narquois, tout en étant corrects.

Pendant ce temps je n’avais plus de lettres de mon mari. J’avais fait un rêve étrange où je le voyais au bord d’un gouffre. Moi, j’étais en face, lui criant : Viens ! mais il me faisait signe qu’il ne pouvait pas.

En moi-même j’étais sûre qu’il était vivant, mais très loin …

Le temps des fourrages et des moissons était arrivé. Les cousins et des voisins vinrent aider mon beau-père.

Un peu avant le 15 août je fis un nouveau rêve : j’entendais quelqu’un dans la nuit poser un sac à ma porte. Je me suis alors levée et j’ai ouvert la porte : mais il n’y avait pas de sac. 

Le 16 août j’ai vu le facteur arriver en trombe avec un grand sourire et tenant une lettre de mon mari !

Il m’écrivait du stalag VB, me disant qu’il était prisonnier en Allemagne et que je devais par retour du courrier lui donner des nouvelles sur la feuille détachable. J’étais rassurée mais cela me fit un choc de le savoir prisonnier. Il avait été pris le le 10 juin à trois heures du matin et pendant quinze jours il avait marché à pied à travers la Belgique avec plein d’autres prisonniers. Il était ensuite arrivé à Villingen  par le train.

Dans la même semaine je reçus une autre lettre, non cachetée. Je reconnus son écriture ; Il me disait qu’il faisait très chaud, que c’était très dur. Ils devaient marcher au pas par trois sur les routes, encadrés par les escorteurs allemands en vélo. Les Belges leur donnaient des bouteilles d’eau au passage et prenaient en cachette des Allemands les lettres à faire suivre.

Le cycle des saisons continuait malgré la guerre. L’hiver fut froid …

Les lettres se suivaient, il me disait qu’il était fatigué et qu’il avait été hospitalisé pour une forte crise de rhumatismes aigus. Sur une autre carte, il m’annonça qu’il avait eu des névralgies dentaires et qu’on lui avait arraché une douzaine de dents. De retour au camp, il avait été envoyé avec d’autres travailler sur les routes ou sur les lignes de chemin de fer détériorées par les bombardements. Je sentais son moral à zéro …

Quand nous eûmes le droit d’envoyer des colis, j’essayai de glisser une lettre écrite finement pour lui parler des enfants et de mon amour pour lui. Ses lettres devinrent plus toniques, il était heureux que je lui parle de la vie ici, mais il fallait prendre garde à la censure !

En 1941-42, les gens de Tours commencèrent à venir à la campagne pour se ravitailler en beurre, œufs, légumes. En retour ils nous apportaient du savon car nous en manquions.

Fin 41, Roger m’annonça qu’il était dans une ferme chez des cultivateurs, qu’il labourait avec deux vaches, que son patron était un charcutier réformé à la suite d’un accident. Il était nourri à la ferme et le soir il retrouvait 13 autres prisonniers logés dans un grand local gardé par un ancien militaire. C’est là qu’il se fit deux amis très chers ; Ils restèrent ensemble trois ans et demi.

J’ai souvent pleuré le soir quand je me retrouvais seule sans savoir quand je reverrais mon mari, mais j’étais tout de même rassurée de le savoir entouré d’amis. Dans nos lettres nous ne parlions jamais des hostilités.

À l’automne 41 nous eûmes des tickets de rationnement

Dans le journal on lisait que les Allemands gagnaient partout : les Balkans, la Hongrie, la Bulgarie et puis la Russie. L’hiver 41-42 fut très froid et néfaste pour l’avancée des Allemands.

Le 10 novembre 1942 les Allemands envahissent la zone libre. La résistance s’installe peu à peu. Mais il fallait se méfier, il y avait des collaborateurs et puis la milice.

J’avais des nouvelles par la femme d’un dentiste qui venait au ravitaillement toutes les semaines.

 

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À Luynes d’inquiétantes rumeurs circulent à propos de disparitions de personnes juives.   

Nous dormions très mal, les alliés venaient faire des raids et lâchaient des bombes soufflantes qui faisaient trembler portes et fenêtres. Je prenais alors mes enfants avec moi dans le lit.

À suivre

 

 

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