dimanche, 29 décembre 2013
233. Période de guerre, épilogue
Le 6 juin 1944 les Américains débarquent en Normandie ; Nous le sûmes très vite par la rumeur. Mais le poste de TSF était brouillé. Toute la France était en effervescence, nous ne savions pas grand-chose et nous craignions la réaction des Allemands.
On voyait des avions chasseurs passer en rase-mottes ou bien très haut dans le ciel. La poudrière de Monts sauta. À l’école, une vitre explosa recouvrant les bureaux de morceaux de verre ; Les enfants eurent très peur.
Les Allemands déménagèrent leurs installations de cibles dans nos champs. Ils devenaient hargneux, ne voulaient pas entendre de radios chez les gens. Les journaux étaient toujours à leur avantage.
C’est dans cette tension extrême que se firent les moissons. Les chevaux avaient peur des tirs contre les avions.
Le 4 août 1944, fuyant l’avancée des alliés, tout un groupe d’hommes accompagnés de leurs femme et enfants s’installèrent à Luynes dans la salle des fêtes. Ils partirent de nuit quelques jours plus tard.
Nantes puis Angers sont libérés … Il n’y avait plus de courrier et les rumeurs les plus folles circulaient.
Le dimanche 13 août, le curé vient de terminer la messe, quand tout à coup les gens s’agitent :
— Il parait que les Américains sont là !
Effectivement, huit soldats dans une jeep se sont approchés de l’église. Ils pénétrèrent dans le café tenu par Mr et Mme Lenoble. Il y avait là deux soldats allemands. L’un veut se lever mais il est tué sur le coup, l’autre est fait prisonnier.
Les Allemands partent de nuit en convoi sur la levée de la Loire. Cela dura plusieurs jours de suite …
Le 18 août, les Américains s’installent dans la salle des fêtes pendant quelques jours ; Ils donnent du chocolat aux enfants. Puis ils prennent ensuite la direction de Tours.
La Nouvelle République parait le 2 septembre 1944. Enfin un journal non censuré !
Je rajoute –pour la petite histoire- que les conditions dans lesquelles ce journal vit le jour restent particulièrement troubles et ont fait l’objet d’une vive polémique ! Peut-être un jour saurons-nous la vérité …
J’avais dit à mes petits que leur papa allait bientôt revenir. Paris avait été libéré mais les troupes alliées étaient bloquées dans les Ardennes. L’hiver 44-45 me parut affreusement long !
En février 1945, Yolande eut sept ans et Jacques cinq ans et demi. En avril Yolande eut une coqueluche importante avec des spasmes jour et nuit durant trois semaines.
Un soir, alors que j’écoutais la radio, j’entendis :
— Le stalag VB est libéré par les Français !
Je renaissais … Mais il fallut encore attendre cinq semaines.
Les prisonniers arrivèrent petit à petit. À la gare de Tours, il y avait une affiche donnant l’adresse d’un restaurant ouvert de jour comme de nuit et où des chauffeurs volontaires attendaient les prisonniers pour les transporter en voiture jusqu’à leur domicile.
Enfin le 8 mai 1945 ce fut l’armistice !
Le 9 mai, alors que ma belle-mère trempait la soupe, que l’oncle lisait le journal, que mon beau-père était à la cave, que les enfants jouaient sur un tas de sable devant la buanderie où je préparai la salade, j’entendis soudain un grand coup de frein…
Je regardai par la fenêtre et vis une grosse voiture s’arrêter et des bras prendre une valise sur la galerie … Je sortis précipitamment, je ne sais plus si j’ai couru, toujours est-il que je me suis retrouvée dans les bras de mon mari qui me serrait très fort en disant :
— Je suis là, tu n’as pas changé.
J’étais tellement émue que je ne pouvais pas articuler un mot, ni même pleurer de joie. Il me tapotait le dos en me disant :
— Ça va passer.
Yolande était partie comme une flèche dire à sa grand-mère :
— C’est papa, maman pleure !
FIN
Voilà, j’arrête là ce récit. En juillet 1974, Roger accompagné de sa femme et de son ami Marcel qui avait été l’un de ses compagnons de détention, retourna en Allemagne pour montrer à sa famille le lieu où il avait vécu durant la guerre. Ils retrouvèrent les familles allemandes et furent reçus très chaleureusement.
Roger est mort en 1978. Yvonne est morte en 1996.
La semaine prochaine, j’irai voir leur fils, Jacques, et je lui rendrai les cahiers.
04:37 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Bonjour,
Ces lignes furent pour moi une image assez "conforme" aux autres anecdotes familiales qui ont marqué ma jeunesse(suis né fin novembre 1944) et mon père fut lui aussi prisonnier en Allemagne, où , je suis allé sur les lieux grace à une correspondante de notre fille, qui en parla à son père, et lui fit les recherches et retrouva lieux et familles qui virent travailler mon père prisonnier avec des Belges, il fut le seul a refuser de nettoyer le momument aux morts de 1914-1918 du village, et lors de cette visite chaleureuse, nous lui rapporterons une rose d'un rosier qu'il avait greffé dans cette ferme(en 1943), et qui "existait" encore en 1996.
La famille Allemande nous a montré des photos que mon père leur avait donné, dont une avec ma mère et mon frère ainé, ,,,,,,,Beaux,, très beaux souvenirs
Écrit par : DATHEE | dimanche, 29 décembre 2013
@ DATHEE :bonsoir mon voisin !Oui, je me doute que cela a dû être très émouvant. Merci pour votre témoignage !
Écrit par : tinou | dimanche, 29 décembre 2013
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