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mercredi, 09 novembre 2016

Les fantômes -3-


podcast

Alors que le fantôme d'Urbain Grandier s'estompe peu à peu, j'entends maintenant des chuchotements qui s'amplifient au fur et à mesure que nous traversons la ville de Loudun :

— Vous vous rendez compte ! 12 personnes ! Même le chien y est passé !

— Ça vous étonne ? Moi, pas ! Cette mort n'avait rien de normal. Et puis, comme on dit, il n'y a jamais de fumée sans feu ...

Trois cents ans après l'affaire des possédées, voilà que surgit soudain une nouvelle affaire dans cette petite ville si calme -en apparence seulement-. Il faut toujours se méfier des petites villes tranquilles ; elles cachent bien souvent de lourds secrets, des rancœurs, des haines qui, un jour, explosent sans qu'on sache vraiment pourquoi.

Tout débute le 25 octobre 1947 : Ce jour-là, Léon, 53 ans, meurt à son domicile, d'une crise d'urémie selon son médecin, en laissant son épouse Marie, 51 ans, veuve pour la seconde fois.

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La semaine précédant sa mort, il avait reçu la visite de quelques amis parmi lesquels Louise Pintou, sa locataire, une veuve employée des Postes et dont la Rumeur ( eh oui, toujours elle !) disait qu'elle était la maîtresse de Léon.

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Quelques jours seulement après l'enterrement de Léon, Louise confie à un proche, Auguste Massip, propriétaire du château de Montpensier et connu  pour être un maniaque de la délation - :

— Léon m'a dit, avant de mourir, que Marie lui a servi de la soupe dans une assiette où se trouvait déjà un autre liquide.

Massip se précipite sur un dictionnaire médical et les symptômes de la mort de Léon lui font alors penser à un empoisonnement à l'arsenic. Le 4 novembre, il envoie une lettre au procureur de la République pour lui faire part de ses doutes. Mais l'affaire est classée sans suite après que les gendarmes signalent que :

" Mme Pintou est fréquemment en congés pour neurasthénie et Mr Massip est un illuminé qui a la manie d'écrire à toutes les autorités , même au Président de la République, pour y exprimer sa pensée."

Tout semble revenir au calme mais ça n'est que pour mieux rebondir. La rumeur s'enfle, gagne peu à peu la population loudunaise. On chuchote à l'oreille à la sortie de l'église :

— Il parait que Marie Besnard a empoisonné son mari !

Il faut cependant attendre le 17 octobre 1948. Ce jour-là le château de Montpensier, propriété du sieur Massip, brûle. Puis, peu après, Louise Pintou est victime d'un cambriolage (ou rien n'a été volé). Ces deux-là décident d'agir et le 5 février 1949 ils portent plainte contre ... MARIE BESNARD, l'accusant d'être "une sorcière".  

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Une commission rogatoire est ouverte par un juge d'instruction de Poitiers le 9 mai 1949 mais les charges n'étant pas suffisantes pour une inculpation, le juge ordonne deux jours plus tard l'exhumation du corps de Léon. Les analyses révèlent un taux d'arsenic anormalement élevé dans les viscères.

On s'intéresse alors de plus près aux autres morts de la famille (au total 12 personnes décédées entre 1927 et 1949). Pour le juge d'instruction chargée de l'enquête, deux mobiles paraissent évidents : l'argent et la passion.

Le 21 juillet 1949 Marie Besnard est inculpée pour empoisonnement avec des circonstances aggravantes de parricide et de matricide et, le jour même, elle est déférée à la prison de la Pierre levée à Poitiers.

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Je vous passe les détails de cette affaire, sachez seulement qu'il y eut en tout trois procès :

Le premier s'ouvre à la Cour d'Assise de Poitiers le 20 octobre 1952.

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Le deuxième procès à lieu à Bordeaux et débute le 15 mars 1954. À la suite de quoi Marie Besnard est mise en liberté provisoire contre une caution de 1.200.000 francs.

Le chanteur Charles Trenet se propose de payer la caution !

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Finalement la somme est ramenée à 200.000 francs -somme payée par des cousins de Marie-et cette dernière  retourne chez elle, à Loudun. Imaginez un peu l'ambiance dans la ville ! Elle retrouve sa maison pillée, dévastée.

Le troisième procès s'ouvre le 20 novembre 1961 et Marie Besnard est acquittée au bénéfice du doute. Elle redevient "la bonne dame de Loudun".

Cette histoire aura tenu la France en haleine pendant plus de treize ans. Je me souviens très bien du dénouement ; nous suivions avec intérêt le compte-rendu des audiences donné par Frédéric Pottecher à la télévision.

En 1962, Marie Besnard publie ses mémoires. Elle meurt à Loudun le 14 février 1980, refusant d'être inhumée et faisant don de son corps à la science !

De temps à autre, on reparle de cette affaire, la preuve, en 2014 :

Des archives de Marie Besnard, « l’empoisonneuse de Loudun », vendues aux enchères à Poitiers.

Le procès de Marie Besnard, « l’empoisonneuse de Loudun », fascine toujours autant ! Un petit carnet à spirale écrit de la main de la « Bonne Dame de Loudun » (un autre de ses surnoms), une quarantaine de lettres reçues pendant les années 50, dont des courriers de ses avocats et le carnet de famille du couple Besnard... Toutes ces archives ont été vendues aux enchères pour 520 €, à Poitiers.

 

 
Un journal intime daté de 1971.

La pièce maîtresse de cette vente aux enchères était un petit carnet contenant le journal intime et quotidien, daté de 1971. Il a été acquis avec le lot d'archives et le livre écrit par Marie Besnard, « Mes Mémoires », dédicacé en 1976 par un libraire de Poitiers, spécialisé en documents anciens.

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Ouf, le car quitte enfin Loudun, on peut clore ce chapitre !

FIN

Pour en savoir davantage :

— Arsenic et vieilles dentelles

 

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