mardi, 20 décembre 2016
La dernière heure -2-
Je reprends le récit des dernières heures d'Urbain Grandier, telles que nous les décrit Michel Carmona dans son livre " Les diables de Loudun".
"18 août 1634 : la lecture du jugement s'achève une heure plus tard [ ...]
Le jugement condamne Urbain Grandier, avant d'être porté sur le bûcher, à subir la question ordinaire et extraordinaire — en d'autres termes, la torture. [ ... ]
Le supplice consiste à tenir les jambes du malheureux dans des planches et à insérer entre ces planches des coins de plus en plus gros, de façon à comprimer les jambes jusqu'à briser les os. C'est ce qu'on appelle la "question des brodequins ordinaire et extraordinaire". Le notaire constate avec un rien de dépit que, malgré trois grands quarts d'heure de supplice, Grandier continue à nier.
Au seuil de la mort, le malheureux reconnaît d'autres crimes "plus grands et plus honteux" — les crimes de chair qu'il a déjà confessés dans ses interrogatoires. Aucun intérêt pour les juges qui savent déjà tout cela, mais espèrent autre chose. [ ... ]
Les bourreaux portent Grandier dans une autre chambre pour le réchauffer — nous sommes pourtant en plein été —. Grandier qui n'a jamais perdu connaissance, parle de Dieu, cite les prières de la Semaine Sainte, cette Passion du Christ auquel ses douleurs, aujourd'hui, l'identifient. Et sans cesse il en appelle au "Dieu du ciel et de la terre" qu'il supplie de l'assister.
Vers deux heures de l'après-midi [ ... ] on apprête Urbain Grandier. Avec sa chemise enduite de soufre, la corde au cou, il est porté dans la cour où l'attend un tombereau attelé de six mules. Auprès de lui, le Père Lactance, qui ne le quittera plus. Grandier, épuisé par la torture, est allongé sur le plancher du tombereau, la face tournée vers le ciel.
Vers quatre heures de l'après-midi le cortège s'ébranle. Une première halte l'arrête devant l'église Saint-Pierre-du-Marché dont Urbain Grandier était curé. Le jugement l'a condamné à faire amende honorable devant cette église du Seigneur qu'il a insultée par ses crimes. Le Père Lactance souffle à Grandier les mots de la formule rituelle : "Cor mundum crea in me, Deus". [ ... ]
Une deuxième halte répète la scène devant la chapelle des Ursulines. Puis, à cinq heures, le cortège arrive sur la place Sainte Croix où se dresse le bûcher. Urbain Grandier est attaché au poteau. Le Père Lactance exorcise le bois qui va servir à le brûler. Il exhorte Grandier à recommander son âme à Dieu, lui présente un crucifix. En cet instant, témoignera le Père Lactance, une mouche grosse comme une noix tombe rudement sur le livre des exorcismes.
Urbain Grandier, prié une dernière fois de se convertir à Dieu, répond simplement :
— Je vais tout à cette heure au paradis.
Puis Grandier demande au Père Lactance le baiser de paix. Celui-ci refuse. Urbain Grandier insiste trois fois, quatre fois, revient à la charge. En vain. Le Père Lactance, maintenant, s'écarte. On va mettre le feu au bûcher. Lactance alors se ravise, donne à contrecœur à Grandier le baiser de paix et lui dit :
— Monsieur, voilà le feu. Il n'y a plus de salut pour vous, convertissez-vous !
Devançant le bourreau, semble-t-il, le Père Lactance prend un bouchon de paille, y met le feu, le glisse sous les fagots. Deux capucins l'assistent et en font tout autant. Les flammes s'élèvent. Le Père Lactance avait craint jusqu'au bout que le Diable, malgré les exorcismes répétés, n'empêche le feu de se propager. Allons, ses alarmes, finalement, n'étaient pas fondées. Les flammes jaillissent, le bois crépite.
Avait-on promis à Grandier de l'étrangler dès que le feu aurait été allumé ? Les témoignages divergent. Le fait est que les choses vont si vite que la corde qui le liait au poteau se consume en quelques instants ; Grandier tombe dans le brasier. La mort, sans doute, fut presque instantanée.
Certains, plus tard, affirmeront avoir entendu Grandier dire " Ah mon Dieu !" avant que le silence ne l'enveloppe.
Extraits tirés du livre Les diables de Loudun, de Michel Carmona.
Voici donc la triste fin d'Urbain Grandier, curé de Loudun, le 18 août 1634.
06:20 Publié dans Gens peu ordinaires | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Superstition, crédulité ,croyance ;même démarche de l'esprit.
Écrit par : pépé | mardi, 20 décembre 2016
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