samedi, 15 février 2020
La route des os
Encore une bien sinistre escale dans la Russie soviétique : la région de Kolyma, située tout à l'est de la Sibérie.
À partir de 1929, des milliers de détenus furent envoyés dans ce trou perdu pour travailler dans les mines car la région est riche en minerais divers.Ces malheureux étaient d'abord transportés en train (dans des wagons à bestiaux) jusqu'à Vladivostock. De là, ils prenaient un bateau qui les emmenait au nord jusqu'à un petit port de pêche du nom de Magadan. Le voyage durait une quinzaine de jours !
Dans un premier temps, ils construisirent la ville, puis il fallut construire une route permettant d'accéder dans le centre du pays. Cette route qui mène jusqu'à Iakoutsk fait plus de 1000 kilomètres de long. La route porte le sinistre nom de route des os car les déportés morts étaient enterrés sous la route. Ceux qui avaient survécu à ce travail dantesque se retrouvèrent ensuite dans les mines. La cadence de travail était infernale : 14h par jour dans le froid extrême, affamés. Les équipes se relayaient; il n'y avait aucun temps mort.
Les camps situés dans la région de Kolyma fermèrent en 1953 après la mort de Staline.
La route des os de nos jours :
Parmi les survivants, il y a Eddie Rosner, de son vrai nom Adolf Ignatievitch Rosner, un Polonais trompettiste de jazz. Son histoire est assez extraordinaire, découvrez-la ICI.
Aujourd'hui voici à quoi ressemble la ville de Magadan : l'ombre du ghetto plane encore, certains essaient de protéger les lieux en mémoire à tous les morts. D'autres voudraient passer à autre chose ...
Quelques lectures :
10:17 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rissie, goulag, magadan, kolyma
vendredi, 14 février 2020
Bienvenue sur les îles Solovski !
J'ai une amie qui part fin mars en Russie en compagnie de sa fille. Elle a organisé elle-même son voyage d'une quinzaine de jours : quelques jours à Moscou, puis direction Irkoutsk en prenant le transsibérien. Visite de la région autour du lac Baïkal puis retour à Moscou en avion. De là elles iront en train jusqu'à Saint-Pétersbourg.
Passionnée d'histoire, elle se documente beaucoup sur la Russie. C'est elle qui m'a indiqué le documentaire Goulag, une histoire soviétique, diffusé mardi dernier sur la chaîne ARTE.
Hier, j'ai regardé la première partie de ce film. C'est terrifiant !
Tout commence dans les années 1920 sur les îles Solovski, perdues au fin fond du grand nord. À voir les photos récentes des lieux, le cadre est enchanteur.
Mais c'est oublier que c'est là précisément que fut mis en place par le régime soviétique le premier camp de travail forcé :
Certes, plusieurs voix à l'époque avaient déjà dénoncé les horreurs du camp ( je pense en particulier au livre de Raymond Duguet, Un bagne en Russie rouge, livre qui fut naturellement dénoncé par les communistes comme un ramassis de mensonges).
Pour enrayer toute polémique à venir, les Soviétiques tournèrent alors un film de propagande montrant la vie dans le camp : une vraie colonie de vacances avec baignade, lieux de lecture, spectacles et j'en passe. Vingt ans plus tard les Nazis réitérèrent le même procédé en filmant le camp de Therezin en République tchèque. CIRCULEZ ! IL N'Y A RIEN À VOIR !
Des écrivains russes, comme Maxime Gorki, contribuèrent à la désinformation. Ayant lui-même visité le camp, il se contenta de dire que les conditions de vie y était rude, certes, mais que bon, après tout, il était bien que les travailleurs fautifs ( fautifs de quoi ? Certains ne savaient même pas la raison de leur arrestation ) se repentent en œuvrant pour la bonne cause.
Une anecdote me revient à l'esprit. Mes parents avait un client arménien. Plusieurs membres de sa famille avaient la nostalgie du pays. Aussi, en 1946, quand Staline ouvrit les portes de son paradis soviétique, il décidèrent de rentrer au pays. L'Arménie était devenue depuis 1936 une république socialiste soviétique. Mais méfiants quand même, ils avaient convenu d'envoyer des photos sur lesquelles ils indiqueraient leur situation : s'ils étaient debout, c'est que tout allait bien ; s'ils étaient assis, c'est que la situation n'était pas bonne. Quand les photos arrivèrent en France ... Ils étaient tous couchés dans l'herbe !
Et que dire de ces familles ayant naïvement cru au message de Staline et qui se retrouvèrent privés de leurs papiers, coincés définitivement en U.R.S.S quand ils n'étaient pas envoyés eux aussi dans des camps.
À ce propos, je vous conseille la lecture de :
- Piégés par Staline, de Nicolas Jallot, Editions Belfond.
- Ma vie volée, de Renée Villancher.
Je mets également en lien (en bas de la note ) le témoignage d'Edmond Zajac.
Il faudra quand même attendre 1962, avec la parution du premier roman d'Alexandre Soljenitsyne, " Une journée d'Ivan Denissovitch " , pour qu'en occident on commence à chuchoter qu'il se passe de bien étranges choses en U.R.S.S.
La parution de L'archipel du goulag en 1973 fut un véritable tsunami dans le monde entier. Vous imaginez quel fut l'embarras du parti communiste français ! Ne pouvant nier l'évidence, ils tentèrent de s'en prendre à l'écrivain lui-même : C'est un monarchiste ! Il est antisémite ! Un anticommuniste à la solde de l'impérialisme !
La notoriété fulgurante de Soljénitsyne lui sauva probablement la vie. Il n'était plus possible de se débarrasser de lui en le renvoyant dans un camp. Il fut donc expatrié et trouva refuge en Suisse, dans un premier temps, puis aux États-Unis.
Quant au camp des Solovski, il ferma ses portes en 1939. Les déportés furent déplacés beaucoup plus à l'est en Sibérie. Une école des Cadets fut créée à la place pour la formation des jeunes engagés volontaires de 1941 à 1945.
Aujourd'hui je vais regarder la deuxième partie.
11:08 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, solovski, goulag