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dimanche, 17 octobre 2010

390. Lettre à un défunt

En souvenir des bons moments passés ensemble, je te dédie ce morceau :


podcast

On m’a annoncé ton décès vendredi soir. Il parait que tu es mort mercredi d’un cancer du poumon. Cette annonce m’a laissée totalement indifférente et cette absence de sentiments est très surprenante. Il est vrai que je ne t’ai pas revu depuis sept ans. Sept années d’un silence assez incompréhensible d’ailleurs.

Je t’avais téléphoné pour avoir des nouvelles et nous nous étions retrouvés dans un restaurant place de la gare. À vrai dire, nous n’avions plus grand-chose à nous dire si ce n’est ressasser les souvenirs d’une jeunesse lointaine. Seulement René n’était plus là pour écouter vos délires d’adolescents. Votre amitié remontait aux bancs du lycée. Elle résista au temps, malgré quelques périodes de silence. Je me souviens particulièrement de ces ruptures car j’en fus la cause bien involontaire. Tu n’as sûrement pas oublié non plus !

La première fois, ce fut en 1981 : à l’époque tu vivais seul et tu n’avais pas la télé. Il avait été convenu que tu viennes à la maison pour voir le débat politique entre Giscard et Mitterrand. J’avais eu des consignes :

— Tu évites de faire des remarques ! m’avait conseillé René, sachant que nous n’avions pas les mêmes idées politiques.

J’avais fait de mon mieux, mais ce fut plus fort que moi, je ne pus m’empêcher de m’exclamer :

— Quel hypocrite ce Mitterrand !

Tu te levas alors, outré, et sans un mot tu disparus en claquant la porte. On fut trois ans sans te voir.

Ton absence manqua forcément à René qui n’avait que toi comme ami. Donc il alla te chercher un jour. Et tu refis ton apparition dans notre vie.

Tu avais refait ta vie avec une petite jeune et tu  aimais donner l’image du patriarche. Quand nous partîmes nous installer à la campagne, tu  trouvas le moyen, un an plus tard, d’acheter une maison à seulement quelques kilomètres de chez nous. Ce fut l’époque où René commença à déprimer et on te vit alors de moins en moins.

Pour tes cinquante ans, une fête avait été organisée et nous y avions été conviés. René était très malade, il ne sortait plus de la maison et n’avait pas envie de se montrer. Tu n’as pas compris notre absence et  tu t’en es offusqué. On resta cinq ans sans nouvelles. Cette fois encore ce fut René qui fit le premier pas.

Les retrouvailles ne manquaient pas de charme, vous en aviez des choses à vous dire ! Et puis les vieilles histoires revenaient sur le tapis :

— Tu te souviens quand …

Quand René est mort, tu fus le premier à être prévenu.

Aujourd’hui, c’est ton tour. Mais ce n’est pas ta famille qui m’a prévenue. Je n’existe pas pour elle. Dans un sens, ce n’est pas faux, elle n’a jamais partagé nos souvenirs communs. Elle ne t’a sans doute jamais vu quand, abandonné par ta femme, tu errais dans les rues, saoul du matin jusqu’au soir. Il en a coulé de l’eau sous les ponts depuis quarante ans. Je n’ai plus personne maintenant avec qui parler de notre jeunesse, tu étais le dernier …

Je n’irai pas à ton enterrement. Je n’ai pas envie de revoir les membres de ta famille avec lesquels je n’ai aucun lien d’affection. Et puis, entendre des éloges funèbres, ça n’est pas mon truc.

J’en connais un qui va être content de te voir arriver dans les flammes de l’Enfer ! Il doit s’ennuyer tout seul. Embrasse-le de ma part.

Un de ces jours, je viendrai moi aussi vous retrouver …

Commentaires

Je reste convaincue (bien que n'étant pas du tout croyante) que quelque part, les gens se retrouvent... Disons que cela permet de "philosopher" le décès des gens qui, même s'ils sont devenus lointains, nous touche un peu.
Mais cela remue des choses qui parfois font mal, et renvoient aux souvenirs de ce qui fût.
De mon côté, je préfère penser qu'ils vont ailleurs, plutôt qu'en enfer ou paradis.

Bises dame Tinou que je sens un peu remuée par cela.

Il fait beau, profites en ! Mets le nez dehors ;)

Écrit par : Christine | dimanche, 17 octobre 2010

Salut Tinou,

Tu vois, je continue à te lire régulièrement.
Avec ce petit texte plein de tristesse contenue, je te le redit encore une fois : "quand vas-tu te décider à écrire un bouquin ?".
Déjà, quand tu écrivais l'histoire de Célestine Chardon ...
Je vois un tas de gens de toutes conditions qui passent à la télé ou bien qui écrivent des bouquins et les mettent directement en rayon, et beaucoup de ces gens-là n'ont pas la qualité de ton écriture !

Amitiés de gégé

Écrit par : gégé | dimanche, 17 octobre 2010

Je suis tout à fait d'accord avec ce que dit gégé !!!!
Il faut que tu écrives, dame tinou !!!!

Écrit par : Christine | dimanche, 17 octobre 2010

Décidemment, passé un certain âge, nous finissons tous par ne plus dialoguer qu'avec des morts, ce qui, somme toute, est assez reposant...

Écrit par : manutara | dimanche, 17 octobre 2010

@ Christine: je ne crois pas du tout en un éventuel au-delà, mais l'idée que cela puisse exister ne me déplait pas ! C'est tout de même plus réjouissant que le grand NEANT.

@ Gégé : mais j'écris ! La preuve tu me lis. Ça me suffit amplement. Et ce p'tit café, c'est pour quand ? Fais-moi signe.

@ manutara :oui, c'est reposant, un peu trop même. Ton passage ici me fait très plaisir !

Écrit par : tinou | lundi, 18 octobre 2010

Un p'tit coucou à toi Tinou ainsi qu'à Gégé...... ;-)))

Écrit par : Jean Louis | lundi, 18 octobre 2010

Les commentaires sont fermés.