vendredi, 29 novembre 2013
202. Les petits travaux disparus -2-
" Enfin la joie me revint et je m’habituais à ces nouvelles personnes. Je comprenais bien que maman devait s’occuper du bébé et de la maison. J’accompagnais souvent la bonne à l’étable, à l’herbe, ou courais après mes frères. J’adorais mes frères !, L’aîné, Aimé, seize ans, conduisait déjà les chevaux. Je ne me rappelle pas avoir joué avec lui. Ce qui m’intriguait et me fascinait le plus, c’étaient les bagarres entre lui et mon second frère, Raymond, treize ans et demi. C’était à qui des deux serait le plus fort ! Cela se passait presque toujours dans la grange, quelquefois au sujet du coupe-paille. Ray ne voulait pas pousser la paille et comme Aimé tournait la manivelle, il fallait bien que quelqu’un pousse la paille … Alors c’était la bagarre. J’avais un peu peur mais je restais là, surveillant si quelqu’un arrivait ; je donnais aussitôt l’alerte et la bagarre cessait. J’avais compris très vite que je ne devais pas moucharder si je voulais avoir le droit de jouer avec Raymond ; Il avait un grand sac de billes et billons de toutes les couleurs et pour en posséder je savais me taire.
Cette année là, il m’est arrivé une aventure que je n’ai jamais oubliée :
En automne, n'ayant pas encore de pacages, nous allions conduire les vaches aux champs. J’étais avec Mélina, assise dans le bas du champ des « Maltrets », à environ trois cents mètres de la ferme , gardant nos vaches, quand je m’aperçois qu’il manquait Cailleau, une superbe génisse de dix-huit mois, blanche avec des petites taches rouges, très fière.
Je partis à sa recherche ; en effet, je la trouvais tout en haut, cachée à notre vue par le dos d’âne du champ ; elle mangeait tranquillement. Je voulus lui faire faire demi-tour … Mais en vain ! Moi, petite bonne femme de cinq ans, ne lui faisait pas peur.
Tout à coup, agacée, elle fonça sur moi et me renversa sur le dos avec sa tête. J’eus un peu peur et voulus me relever, mais elle refonça sur moi, cela plusieurs fois de suite. Je m’aperçus que si je ne bougeais pas, elle non plus, me tenant en respect … Mais elle ne s’en allait pas !
Ce manège dura un moment et j’ai dû me mettre à pleurer.
C’est maman qui, de chez nous, allant chercher de l’eau au puits, aperçut la Cailleau, seule, la tête posée sur quelque chose de bleu … Tout à coup elle comprit ce qui se passait, accourut et me prit dans ses bras. Je me sens encore emportée par maman. Mélina arrivait en même temps. Je n’avais pas eu si peur que ça, d’ailleurs je n’ai jamais eu peur des vaches par la suite."
Ce n’est pas mon cas ! Lorsque j’allais en vacances chez Yvonne, il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir à garder le troupeau de sept à huit bêtes dans un champ non clôturé. Armée de ma badine et un livre sous le bras, je partais donc peu rassurée je l’avoue. Il y avait une vache particulièrement récalcitrante, qui n’en faisait qu’à sa tête malgré toutes mes gesticulations. Ma plus grande hantise c’était de la voir aller sur la route ! Par chance, ça n’est jamais arrivé.
" Il y avait un chien à la maison mais il n’était pas souvent en liberté. Il était méchant parait-il.
C’est pourquoi nous ne l’emmenions pas nous aider à garder les vaches. Il était attaché au bout d’une grande chaîne à la niche que papa lui avait construite ; Il gardait la cour. Ce grand chien noir au poil ras s’appelait Vermouth et moi j’étais son amie ; Souvent je lui portais sa soupe ou sa tartine enduite de sauce ou encore les restes de notre repas. Il était doux avec moi.
Quand il pleuvait, mon plaisir était de rentrer avec mon chien dans la niche et tous les deux nous regardions tomber la pluie.
Au printemps suivant, maman alla rendre visite à ses parents habitant à environ deux kilomètres. Je revois ma petite sœur assise dans son landau vert, haut sur roues, et moi trottinant à côté.
Un jour, en revenant, Mimi – comme j’appelais ma petit sœur- se mit à jeter ses chaussons par-dessus bord. Je ramassais plusieurs fois de suite, mais, hop, un moment d’inattention et elle n’avait plus qu’un chausson … J e me souviens que maman voulait me faire faire demi-tour pour chercher ce chausson, mais je n’étais pas disposée à obéir. J’ai fait la comédie, maman était très fâchée et nous avons dû retourner assez loin pour le retrouver.
À la rentrée en octobre 1924 j’avais six ans et ce fut donc l’école. À cette époque les enfants allaient à pied en classe ; heureusement nous n’habitions qu’à deux kilomètres en prenant un chemin après un bout de route départementale. Maman m’apprit à faire attention pour traverser. Il n’y avait aucune maison … Maintenant c’est le nouveau Luynes : le domaine de Vaugareau, la salle des sports, le tennis, la piscine se trouvent justement sur le chemin que je prenais alors, qui traversait les champs et les vignes et qui descendait en pente dans Luynes, au pied du château dont nous avions la vue magnifique du côté-ouest. "
À suivre
17:44 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Amusant de voir que vous avez le même style de narration .... quand je lis Yvonne, j'ai presque l'impression de te lire.
Écrit par : Christine | samedi, 30 novembre 2013
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