mercredi, 04 décembre 2013
208. Les petits travaux disparus -7-
" Avant ce départ, nous avions reçu une invitation des grands-parents et de mon oncle et ma tante de Parçay-Meslay pour déjeuner tous ensemble.
Quelle affaire, pour nous les petites, d’aller à Parçay ! Nous en étions folles de joie.
D’abord il fallait se lever tôt. Nos parents avaient fait tout le travail et donner les soins aux animaux avant le départ. Papa attelait Cocotte, une belle et très intelligente jument bai-cerise. Elle aimait la carriole, elle savait où elle allait car tous les ans nous allions chez mon oncle …
Nous nous installions derrière, nos parents assis sur des tabourets et en route !
J’entends encore le trot joyeux et régulier de notre jument. Papa lui parlait, elle remuait ses oreilles en réponse. Mes frères, eux, venaient en bicyclette.
Nous regardions de tous nos yeux et j’expliquais à ma petite sœur :
— Regarde, la Loire, elle vient de loin et s’en va dans la mer.
Nous avions le temps d’admirer Tours, notre ville, sur l’autre rive, et le va-et-vient sur les ponts ; Nous tournions pour monter la Tranchée et là Cocotte allait au pas. Il y avait des voitures, beaucoup de cyclistes, des magasins, enfin un tas de choses.
Ensuite nous prenions la route de Paris, passions devant le camp d’aviation. Nous étions heureuses d‘apercevoir quelques avions. Pour nous chaque petit soldat était un aviateur et ça ne nous gênait pas de leur faire bonjour de la main …
Après la Grange de Meslay nous tournions à droite et nous étions arrivés chez mon oncle, ma tante et nos cousines Renée et Raymonde qui étaient un peu plus âgées que nous, rieuses et gentilles.
Quelle joie ! J’avais une adoration pour mon oncle, le frère de papa. Nous faisions un tour et nous passions ensuite à table. Ma tante était bonne cuisinière, c’était toujours un très bon déjeuner. Assez vite nous allions dehors avec nos cousines ; Ensuite nous descendions jusqu’à La Guillonnière chez nos grands-parents, là où j’avais passé deux mois lors de la naissance de Mimi. J’étais tout fière de connaître parfaitement les lieux.
Malheureusement le temps passait vite et il fallait se dire au revoir ; Mais on convenait que ce serait eux qui viendraient à Luynes la prochaine fois. Et nous repartions avec Cocotte qui savait très bien retourner chez elle …
Ces années-là, papa avait loué au Duc de Luynes des terres près du château. Papa et Aimé partaient tôt le matin avec les chevaux pour labourer ou semer. Il me semble même les avoir vus travailler avec trois chevaux. Papa avait une faucheuse-lieuse et il y avait eu de belles moissons à cette époque. Nous allions en charrette pour le plaisir mais pendant que les hommes chargeaient les gerbes de blé, nous devions glaner. Je devais rapporter des glanes – c'est-à-dire des grosses poignées d’épis- ramassées à même le chaume et cela faisait mal aux mains. En arrivant à la maison je donnais ces glanes aux poulets.
Nous revenions derrière les charrettes chargées en nous amusant à nous accrocher aux lieuses qui attachaient les gerbes en faisant attention à ne pas être vues de nos frères qui se doutaient bien de ces faits …
En arrivant, c’était la collation ; Maman préparait un « miot bien frais (du pain dans du vin sucré et un peu d’eau), du fromage de nos chèvres et des rillettes que papa faisait lui-même.
Oui, tous les ans il tuait le cochon et il faisait toute la cuisine : pâtés, rillettes, jambons, andouilles pendues dans la cheminée, salés. C’était tout un travail.
Le seul point noir de mon enfance c’était justement le jour où l’on tuait le cochon car je le connaissais, ce cochon, j’allais le nourrir avec Mélina ou maman, je lui portais un peu de paille, je le caressais, je lui donnais un nom. Mais quand papa parlait de tuer le cochon, j’en étais malade. Bien sûr je ne le voyais peut-être pas assommé ni tué, mais le voir vidé, le ventre ouvert, attaché par les pattes de derrière sur une échelle la tête en bas ! Les premières années, j’éprouvais une vraie terreur. Je me rappelle m’être cachée dans l’étable sous des bottes de paille. Maman me cherchait partout mais je ne répondais pas … Par la suite maman mettait un vieux drap sur ce pauvre cochon afin que je ne vois pas ce spectacle. Raymond se moquait de moi, mais rien n’y faisait. Pour dire vrai je ne me suis jamais habituée à cette cérémonie ; Pourtant j’aimais bien les rôtis, les rillons etc.
Raymond aimait beaucoup faire le jardin (il aurait voulu être jardinier). Il y avait de tout dans notre jardin ; un petit coin m’était réservé. Je me revois piquer des fleurs, arroser. J’avais le droit lorsque Raymond était présent. Nous puisions alors de l’eau dans la fosse auprès du poulailler ; Il avait enfoncé un pieu pour se tenir d’une main et de l’autre il puisait avec l’arrosoir. Je faisais attention à ne pas tomber dans l’eau trouble de la fosse.
J’aidais à sarcler, à faire des tas de mauvaises herbes qu’on enlevait avec la brouette, j’emportais des légumes à maman. Notre jardin était situé au bord d’une route où il passait toujours quelques personnes. C’était gai. Monsieur Cormier, notre facteur, appuyé sur son vélo, s’arrêtait faire une petite causette en revenant de sa tournée.
Un jour Aimé partit donc pour le Maroc. Nous étions tous tristes, surtout maman. Raymond prit la place de son frère aîné, il mena les chevaux pour tous les travaux des champs, des vignes, mais il trouvait toujours un peu de temps pour son jardin. Quelle histoire il faisait si une poule venait gratter ses plates-bandes. Je devais y veiller … "
À suivre
10:42 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Lorsque j'étais enfant, mes parents aussi tuaient le cochon (aidés d'un boucher)... C'était horrible ! Et cette odeur, partout, envahissante... J'ai aussi connu le fait de tuer le mouton, un de ceux que je voyais aussi tous les jours, dans le champ....
Conclusion : j'aime la viande mais surtout ne pas me dire quel animal je mange sinon, c'est terminé, je bloque littéralement en visionnant l'animal en question.
Le jardin.... eh oui, à l'époque et même à celle de mon enfance, beaucoup de parents jardinaient et bien souvent, gardaient un petit coin pour les enfants. J'ai aussi connu ça, même si le récit ci dessus est à une toute autre époque.
Dans une autre de tes notes, tu parles du poêle à bois... J'ai connu ça, chez mon oncle, qui avait une maison à Chateauroux mais vivait toujours chez sa mère adoptive. Nous allions donc dormir chez lui, où il faisait un froid de canard et où seul le poêle nous tenait apportait encore un peu de chaleur.
J'ai l'impression, qu'il y a encore une quarantaine d'années (même moins) les gens étaient encore heureux de peu de choses et connaissaient la chance et le plaisir de posséder des choses apportant un peu plus de confort. De nos jours, il faut posséder, encore et encore, toujours plus et cela ne rend personne plus heureux...
Tout fout l'camp ma bonne dame !!!
(et dans 40 ans, la génération actuelle dira la même chose)
Écrit par : Christine | mercredi, 04 décembre 2013
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