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mercredi, 11 décembre 2013

217. Les petits travaux disparus -12-

Tout commença à changer lorsqu’on parla d’installer l’électricité dans les campagnes. Que de commentaires là-dessus … Et d’espoir aussi. On en ferait des choses avec l’électricité !

Jusqu’à maintenant, il fallait tout faire tourner à la manivelle, à la force des bras : coupe-racines, coupe-paille, concasseur. Je vois encore mes frères concasser de l’avoine, de l’orge, pour faire la farine des chevaux et des vaches. Moi aussi j’ai tourné la manivelle, c’était dur.

Tous les printemps c’était la naissance des chevaux, des petits de nos chiens. Nous en étions folles de tendresse ; Quoi de plus adorable, de plus gracieux que ces petits cabris. Pourtant un jour il fallait s’en séparer et c’était toujours un gros chagrin …

Mes parents allaient au marché à Tours tous les samedis en carriole tirée par Cocotte. Ils portaient des lapins, des légumes, et les petits biquets.

Maman faisait des fromages du lait des chèvres et cette année-là elle décida que je porterais des fromages deux fois par semaine chez ses clients à Luynes en allant à l’école. J’étais un peu inquiète, j’avais déjà ma sœur à surveiller. Je ne pouvais plus courir à ma guise et en plus je devais transporter un panier rempli des petits pots blancs recouverts d’une feuille d’oseille. Non, je n’étais pas enchantée du tout !

Je devais d’abord aller chez deux dames, ensuite à la gendarmerie où maman avait des clientes jeunes et gentilles qui me donnaient soit une pièce, soit des gâteaux. Les deux dames étaient assez revêches et pas généreuses du tout : jamais rien pour moi.

Je décidai donc que je n’irais qu’à la gendarmerie, cela me gagnerait du temps et avec les pièces je pourrais acheter des caramels.

Mais un jour ces deux dames délaissées rencontrèrent maman et lui demandèrent pourquoi elles n’avaient plus de fromages ! Ce fut toute une histoire, maman me gronda un peu mais ne m’obligea pas à retourner chez ces dames.

Le jour des fromages, il fallait partir plus tôt et Mimi trottait à mes côtés. J’étais quand même assez contente de mon petit commerce.

Comme nous étions heureuses le soir de rentrer chez nous, à notre Barbinière. Du haut de la « rote » nous apercevions maman aller et venir dans la cour ou en train de préparer les lampes.

En mai-juin c’était la rentrée des fourrages (sainfoin, luzerne). Les hommes déchargeaient ensuite les charrettes dans la cour, ça sentait bon partout !

Maman faisait son travail toujours très tôt le soir : elle devait traire les vaches, soigner la cochon, les lapins, les biques, ramasser les œufs. C’est vite devenu mon occupation, j’aimais dénicher les œufs, dans les cachettes un peu dans tous les coins de la ferme.

En fin d’année scolaire il y avait la distribution des prix, des chants et des danses et c’était les  vacances ! Nous allions pouvoir rester chez nous, c’était la joie …

Nous participions alors aux moissons, mais pour nous c’était encore un jeu. Nous allions en charrette, notre grand plaisir. Puis c’était la collation avec les hommes ; Nous avions le droit de bavarder, ce repas n’était pas sérieux.

Quand il faisait très chaud, nous faisions la sieste dans notre chambre au frais ou sous un cerisier auprès du puits.  Avec Mimi je m’amusais à toutes sortes de jeux.

Mais quand le trèfle, le sainfoin et la luzerne avaient repoussé, il fallait conduire les vaches dans les champs et les garder. Alors tous les soirs je prenais mon sac contenant des livres de bibliothèque, mon chien me suivait et, mon bâton à la main, j’allais devant en appelant les vaches. Maman les suivait et une fois la route traversée, je me retrouvais sur le lieu où je devais les garder, aux Mortiers, où se situe le domaine de Vaugareau. Je crois que ce champ se trouvait exactement où est construit maintenant l’institut médico-éducatif. À cette poque il y avait aussi quelques vignes, dont une qui appartenait à Grand-père et deux autres à papa.

Maman revenait me chercher environ une heure et demie après. J’ai bien souvent entendu dire :

« juste bon ou bonne qu’à garder les vaches », en parlant dédaigneusement de quelqu’un qui n’a pas l’air très malin. Cette réflexion m’a toujours hérissée car je ne suis pas d’accord … Faîtes donc garder des vaches en liberté auprès des vignes ou d’un champ de betteraves ou de citrouilles par quelqu’un qui se croit très malin mais qui n’en a pas l’habitude. Ce n’est pas si facile que ça !

J’avais six mères vaches à surveiller. Quand elles paraissaient bien calmes, engouffrant la luzerne d’un coup de langue à gauche, à droite, je m’installais alors pour lire, mon chien surveillant le troupeau.  Quelques fois, il se couchait près de moi et s’endormait …

Tout à coup c’était le désastre ! Coco partait à toute allure pour leur faire faire demi-tour.  Quand elles étaient dans les citrouilles ou les betteraves, c’était vite fait, mais allez donc faire faire demi-tour à une vache dans une vigne ! C’était les fils de fer et des ceps cassés et une future réprimande pour moi !

J’aurais bien aimé emmener ma sœur avec moi, mais elle n’aimait pas, elle avait peur. Je réussis pourtant à la décider car je me rappelle nos jeux auprès des vignes : nous enlevions l’intérieur des feuilles, ne laissant que les nervures ce qui faisait de la dentelle.

Un samedi matin, maman étant partie au marché à Tours, j’entrepris de laver la cuisine à grande eau. Je savais depuis peu tirer de l’eau au puits. Je n’épargnai pas l’eau et j’en mis trop. Je n’arrivais bientôt plus à l’envoyer dehors, c’était une vraie inondation ! Cela me prit une partie de la matinée. Quand mes parents arrivèrent du marché, la cuisine était propre et fraîche, mais j’étais exténuée !  Maman m’embrassa très fort.

J’aimais beaucoup notre cuisine : il y avait deux fenêtres, l’une à l’ouest, l’autre à l’est. C’était une pièce claire avec une table, des bancs, quelques chaises, une maie, le lit de mes frères (des rideaux qui faisaient alcôve le cachaient un peu), une petite armoire, des placards. La porte donnait sur la cour d’où nous entendions tous les bruits de la ferme : le chien, les chats, les poules, les vaches remuant leurs chaînes, les chevaux grattant d’un pied impatient pour avoir leur foin.  Cocotte connaissait l’heure exacte à ce sujet.

Fin septembre nous ramassions le maïs à graines, nous épluchions les épis qui avaient des chevelures blondes ou brunes et même rousses. C’était nos poupées !

L’école reprenait le 1er octobre, c’est pourquoi je ne me souviens pas beaucoup des vendanges car nous allions en classe. Je sais seulement l’absence de papa et de mon frère le soir. Ils étaient à la cave qui était située à Luynes, là où habite actuellement mon frère, pour mettre le raisin dans la cuve. Maman nous faisait manger avant leur retour.

Joséphine se maria et nous quitta ; elle nous manqua beaucoup.

Je rentrai alors en 1ère division avec ma meilleure amie Lulu qui habitait aux Lapidaires où son père travaillait sur les pierres précieuses. C’était une petite parisienne qui connaissait un tas de choses. Nous étions devenues inséparables. ..

 

À suivre

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