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mercredi, 18 décembre 2013

223.Les petits travaux disparus -17-


podcast

Un jour mon parrain et ma marraine vinrent avec la bicyclette neuve, rutilante, de couleur bleue et de marque Peugeot. Quelle joie ! Toute fière je montai aussitôt dessus pour faire des tours dans la cour. Maman n’en revenait pas !

Je garai mon vélo dans ma chambre au pied de mon lit … Maman n’était pas d’accord mais je tins bon ; Je ne voulais pas qu’il attrape la poussière.

Ma première visite fut pour Grand-père et Grand-mère ; Je partis par un chaud après-midi. Au bout de l’allée il y avait un virage bref pour prendre la route. Je le ratai … Et ce furent les orties qui me reçurent ! J’avais les bras et les jambes qui me dévoraient. Je revins en pleurs à la maison et maman me frictionna avec du vinaigre. Je repartis bientôt, en faisant attention cette fois-ci. Je me sentais heureuse de pédaler sur la route, mais à cette époque les routes n’étaient pas goudronnées, il y avait des pierres et il était donc facile de tomber.  J’arrivai aux Doguins, mes grands-parents étaient heureux de ma joie et me firent des recommandations de prudence. Je pensai alors à papa, j’aurais voulu qu’il sache …

Combien de fois je pleurais, seule, surtout jamais devant maman. Elle avait assez de sa peine, elle n’avait pas besoin de la mienne en plus.

Malheureusement ce grand chagrin de perdre un être cher, proche, je devais le revivre plusieurs fois dans ma vie. Que les choses de la vie, c'est-à-dire des petits ennuis, ont peu d’importance à côté de la  mort qui, elle, est irrémédiable.

Il faut aimer ceux qui restent pour s’en sortir.

Les premiers jours des vacances coïncidaient toujours avec les moissons. Nous nous réjouissions, ma sœur et moi, d’être ensemble, j’avais encore très envie de jouer à la balle, au palet, faire un peu de gymnastique apprise à l’école.

Roger allait souvent le matin faucher de la luzerne pour les vaches. J’allais avec lui, je ratissais les petits rangs de luzerne pour en faire des tas qu’il mettait ensuite avec sa fourche dans le tombereau. Quand le chargement était fait, je grimpais sur l’herbe, lui aussi, et nous revenions tous les deux sur le tombereau de luzerne. J’étais moins timide, je bavardais, mais lui n’était pas très causeur … Que dire à une gamine de treize ans ?

Ce jour-là, Aimé était venu pour aider Roger à aller chercher la faucheuse-lieuse remisée dans une cave à Vaugareau pour la préparer en vue des moissons. Il fallait la graisser soigneusement, monter les toiles, affûter les scies. Maman nous donna la permission d’accompagner les hommes et les chevaux à Vaugareau. Il faisait très beau,  pourtant je ne me sentais pas en forme comme à l’habitude … En revenant derrière la lieuse, je me sentais très lasse et j’avais très mal à la tête. Je dus m’asseoir plusieurs fois au bord de la route, mais pourtant je ne pouvais pas rester là. Mimi avait l’air inquiet. En arrivant chez nous, alors que les hommes étaient déjà en train de préparer la lieuse, les mains pleines de cambouis, Mimi courut chercher maman en s’écriant :

— Yvonne est malade !

J’allai vite au lit, maman mit sa main sur mon front brûlant –nous n’avions pas de thermomètre-  et dit que j’avais beaucoup de fièvre, que j’aurais sûrement la rougeole, Mimi l’ayant eue quelques semaines auparavant. Puis elle envoya chercher le docteur Boisdron.

Il me dit de rester au lit très sagement sans prendre froid.

Je restai donc au lit avec la fièvre qui ne me lâchait pas. Je dormis beaucoup et je perdis la notion du temps. Le docteur revint plusieurs fois … J’avais toujours soif et ne mangeais presque rien. Un jour, j’entendis le docteur dire à maman qu’il faudrait me mettre en observation à l’hôpital car il ne savait pas ce que je couvais : soit la rougeole, soit la scarlatine, soit la diphtérie … Maman était bien ennuyée.

Je rêvais beaucoup que je discutais avec la mort qui m’avait pris papa mais qui ne me prendrait pas, que j’étais trop jeune.

À cette époque il n’y avait pas encore d’antibiotiques, ni de pénicilline, ni d’assurances sociales. La pharmacie était chez le docteur, sa femme s’en occupait.

Et puis, un matin, après avoir ouvert les volets, maman s’écria en me regardant :

— Mais, tu as la rougeole !

Effectivement j’eus une belle rougeole. Quelques jours plus tard je me sentai beaucoup mieux et voulus me lever, mais j’étais encore très faible. J’allai à la fenêtre ; Au-dehors, il y avait du soleil, c’était l’été.

Ma bicyclette était là, au pied de mon lit, et je me demandais si je saurais encore en faire. Rien que d’y penser me donnait le vertige !

Et puis le mal à la tête revint, maman s’inquiéta à nouveau et … J’eus les oreillons !     

Le docteur revint et je dus rester encore au lit. Je me tourmentais car je savais que ma maladie coutait cher à maman.

J’étais restée au lit un mois, je n’en revenais pas. Bientôt je pus me lever dans ma chambre pour prendre l’air, appuyée à la porte basse et un jour je sortis pour aller déjeuner avec tout le monde dans la cuisine. J’étais si heureuse ! Mais je ne me reconnaissais pas : j’avais beaucoup maigri, grandi, je me sentais maladroite, ce n’était plus vraiment moi.

Les bauges étaient faites, les poussins étaient devenus des poulets et mon chien pleurait de joie, il ne me quittait plus.

Je repris assez vite mes forces et mes jeux avec ma sœur qui avait maintenant huit ans.

À suivre  

 

   

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