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jeudi, 19 décembre 2013

224. Les petits travaux disparus, épilogue.


podcast

Avec ma sœur, je repris le chemin du « Petit Verger », lieu où habitait notre frère. Nous allâmes souvent faire des petites visites à Madeleine. Un beau jour j’appris qu’elle allait avoir un bébé en octobre. Quelle émotion, quelle joie !

J’étais toute rêveuse … Je connaissais le mystère, je savais qu’il fallait un père, que la mère se prépare, qu’il fallait un certain temps pour que tout se trouve à point et qu’ensuite elle avait son petit. J’avais fait le rapprochement avec les animaux, c’était tellement naturel et évident que je ne m’étais pas tourmentée à ce sujet. J’allais donc devenir tante, ma sœur aussi, et maman se réjouissait à l’idée d’être bientôt grand-mère.

Ce doit être à cette époque que les électriciens commencèrent à installer des poteaux avec des fils sur le bord des routes et dans les champs ; Nous trouvions que ce n’était vraiment pas beau !

Et pourtant, cela ne faisait que commencer. Toute une équipe d’électriciens vinrent installer les fils et les lampes à la ferme. Quelle différence de lumière ! Tout était clair et il n’y avait qu’à appuyer sur un bouton.

Maman parla d’acheter un fer à repasser que l’on brancherait ; un des électriciens avait fait valoir cette commodité. Maman rangea les lampes à pétrole et les chiffons dans un coin et l’on s’habitua vite, très vite …

Elle avait eu beaucoup de travail avec ma maladie, elle en avait fait des tours dans ma chambre avec toujours la cour à traverser. Elle n’avait pas pu aider à faire les tas de gerbes au moment des moissons ; Elle était fatiguée et avait un tas de soucis.

Elle avait donc pris un homme de journée, le père Henri, qui avait trois filles d’environ mon âge. Il aida Roger et Aimé à faire les moissons chez nous et au Petit Verger. C’était un homme sérieux et consciencieux. Il vint pendant des années chez nous et m’apprit à travailler.

Les vendanges se firent et Mimi reprit le chemin de l’école ; elle était devenue beaucoup moins craintive et se mettait bien à ses études. Moi, j’avais beaucoup de chagrin de ne plus aller à l’école …

Je faisais apporter des livres de bibliothèque par ma sœur et je lisais en cachette car maman ne voulait pas me voir inoccupée. Je me dépêchais de faire ce qu’elle me disait puis je lisais un peu.  J’avais trois livres en route : un dans le cellier, un dans la laiterie et un autre dans ma chambre, bien cachés. Personne n’a jamais trouvé mes livres ! C’était pour moi une sorte de liberté !

Et ce fut la naissance tant attendue. Le 14 octobre 1931 ma première nièce vint au monde au Petit Verger. À cette époque les naissances avaient lieu dans la maison familiale. Nous allâmes voir Madeleine et son bébé quelques jours plus tard. Nous étions muettes d’émotion : un bébé dans une famille, quoi de plus beau ?

J’en fis des visites à cette petite Rolande, maman ne savait pas toujours que j’étais partie, je faisais vite, je courais bien à l’époque !

 

Voilà donc ce que fut mon enfance, nous vivions avec la nature qui commande tout et que les hommes ne savent pas beaucoup écouter. J’ai écrit l’histoire de ma jeunesse pour ceux que j’aime, pour mes petits-enfants, afin qu’ils respectent toujours tout ce qui touche à la nature que j’aimais déjà toute petite. J’ai été heureuse dans ma famille, en toute simplicité, sans le confort, mais ne manquant de rien, élevée avec le sentiment de participer à la vie de la ferme, de la maison. Cette participation est importante pour un enfant, c’est une préparation à la vie …

Pendant des années je rêvai de ma chère Barbinière et il y avait toujours papa. Puis, un jour, j’en suis partie pour venir vivre à Champroux que je me suis mise à aimer ! Mais c’est une autre histoire …

 

FIN  

Je referme le cahier toute songeuse. Yvonne m'avait donné ce texte en 1978. À cette époque j'avais trente ans et j'étais bien trop occupée par mon travail, ma vie de couple et l'éducation de ma fille pour trouver le temps de lire ces souvenirs. Et puis, il y a quelques semaines en faisant un peu de rangement, j'ai retrouvé ce document. Je l'ai donc découvert en même temps que vous , au fil des pages ...

Aujourd'hui, je ne vois plus les choses de la même façon. Ma vie professionnelle est achevée, ma fille n'a plus besoin de moi depuis longtemps . J'en suis maintenant à l'heure du bilan. J'ai la certitude que le temps passé chez cette femme m'a profondément marquée à jamais. Grâce à elle, j'ai appris à regarder la nature et à l'aimer ; J'ai aussi appris qu'il faut des fois peu de choses pour être heureux ; que l'argent, s'il est nécessaire pour vivre, n'en est pas pour autant  source de bonheur. Être ou avoir ? La question ne se pose même pas ! 

Hier, j'avais rendez-vous avec Jacques, le fils d'Yvonne. Je ne l'avais pas revu depuis 1963 ... Autant dire qu'on ne risquait pas de se reconnaître ! Il a hérité de la douceur de sa mère. Il m'a confié la suite des écrits d'Yvonne, période 1934-1945. 

Sans doute, vous confierai-je quelques extraits ultérieurement. Mais avant, je vous propose de lire (ou relire peut-être) une nouvelle que j'ai écrite il y a quelques années et qui retrace mes vacances chez "tante" Yvonne, comme je l'appelai. Il s'agit de La mauvaise étoile, vous comprendrez mieux le titre à la fin de cette nouvelle !   

" Il n’a jamais demandé à venir au monde Jean-Elie. Mais voilà, il a fallu qu’un homme et une femme se rencontrent, un jour, qu’ils aient envie l’un de l’autre et toc…notre petit bonhomme est arrivé. Seulement personne n’était là pour l’accueillir. Les autres, pour des raisons qu’il ne connaîtra jamais, ne voulurent pas de lui.

Alors il se retrouva placé dans des foyers, de ci, de là, au gré des places et des humeurs des assistantes sociales. Le temps passa doucement, semant son lit de tristesse dans le cœur de cet enfant petit et malingre.

Un jour, il fut décidé qu’il irait vivre à la campagne. Il n’était pas associable et cela libérerait une place pour un autre enfant en attente.

C’est ainsi qu’à la veille de la rentrée des classes de mille neuf cent cinquante huit, Jean Elie fit la connaissance de son futur lieu de vie.

Construite sur le plateau, cette petite ferme toute en longueur était exposée plein sud face à la Loire, bien plus loin en contrebas. Tout autour il n’y avait que des champs, pas d’arbres pour se protéger du soleil ou du vent. Elle aurait pu s’appeler «  Les hauts de Hurlevent », mais elle portait un nom plus poétique, «  Champroux ».

Les propriétaires de ce lieu étaient deux paysans, Yvonne et son mari Roger. Ils avaient une cinquantaine d’années et vivotaient des ressources assez maigres de leur exploitation. La mère de Roger habitait une petite maison toute décrépie située un peu plus loin. Elle y vivait, indépendante, ne s’occupant que des lapins de la ferme pour lesquels, chaque jour avec sa faucille, elle allait couper de l’herbe dans les prés voisins. Elle prenait également ses repas avec le couple.

Yvonne était mince, grande, un visage toujours souriant et un caractère à toute épreuve. Elle avait été une excellente élève à l’école primaire où elle avait obtenu sans aucune difficulté son certificat d’études.  Son institutrice aurait souhaité qu’elle puisse continuer ses études, mais à la campagne, c’est la terre qui compte avant tout et les deux bras d’Yvonne furent jugés indispensables pour les travaux des champs. Alors Yvonne s’est résignée, elle a épousé un gars du coin, un paysan comme elle et deux enfants sont nés de leur union. Tout d’abord Yolande, puis vint ensuite le petit Jacques. Tout aurait pu continuer ainsi, dans une relative douceur de vie, même si la vie de la campagne était dure en ces temps peu éloignés de nous.

Mais un beau jour Roger dut partir à la guerre…Il ne revint que cinq ans plus tard.

À suivre

Commentaires

Merci pour cette jolie saga campagnarde. De manière étrange, j'ai vu un peu le même phénomène se produire aux Marquises. A mon arrivée, il y a trente ans, il n'y avait ni eau ni électricité dans les maisons. Pas de téléphone non plus et encore moins de télévision. L'unique radio BLU tronait à la poste et permettait de relayer les messages via RFO. C'était l'époque de "Allo les iles". Les gens allumaient leurs transistors à six heures du soir et écoutaient les messages...Mémé Teuhira est morte à Hanavave.Le service religieux aura lieu demain à l'église d'Omoa. Je répète...Le hors bord de la famille Tetuanui à Vaipaee est tombé en panne. Oncle Mate, peux-tu nous envoyer un nouveau boitier électronique depuis Papeete? Je répète...Les gens allaient à moitié nus et vivaient dans de petites maisons faites de quatre planches de contre plaqué à moins qu'ils n'utilisent des feuilles de pandanus tresséés.Il n'y avait qu'un minuscule avion en provenance de Tahiti tous les quinze jours et un cargo par mois. Il règnait sur tout cela une insouciance et une légèreté qu'on serait bien en peine de retrouver aujourd'hui, alors même que les gens disposent de revenus confortables leur permettant d'acquérir de couteux 4X4 (mais pour aller où?),de se construire de véritables palais et d'aller faire leurs courses à Hawaii ou a Los Angeles.Non, on n'a pas trouvé de pétrole entre-temps, il se trouve juste que le niveau d'étude ayant progressé, 80% de la population active travaille dans la fonction publique qui paye (encore)très bien. Mais ils tirent de ces tronches, forcément avec tous les crédits qu'ils ont sur le dos...

Écrit par : manutara | vendredi, 20 décembre 2013

Je viens de tomber sur ce commentaire d'un Français installé à Tahiti:
" Actuellement retraité et ce depuis de nombreuses années, je réside à TAHITI depuis 9 ans. Pas d'impots sur le revenu - ITR de 75% a vie - pas de cotisation générale de solidarité à payer - pas d'impots locaux - pas de redevance télé - pas de forfait hospitalier - simplement une retenue à la source sur la retraite (insignifiante) - prix de l'immobilier : exemple 1 maison vide de 3 chambres, living, 2 salles d'eau, garage, buanderie pour 750 euros."
J'ai d'ailleurs entendu dire que la Polynésie voit débarquer de plus en plus de retraités de la métropole. Qu'en est-il exactement ? Trouve-t-on facilement des locations ?
QUEL EST LE REVERS DE LA MÉDAILLE ? parce qu'il y en a sûrement un ...
Allez, dis-moi tout avant que j'arrive avec ma petite valise !

Écrit par : tinou | vendredi, 20 décembre 2013

Oui j'ai entendu dire à la télé que c'était le prix d'un réduit de 3 mètres carrés à Paris.
Sinon, ce que dit ce monsieur est vrai.En plus, des tas de logements se sont libérés depuis le départ d'une bonne partie des militaires ces deux dernières années. Il y a effectivement pas mal de retraités qui débarquent à Tahiti. Bon ceci dit, pour moi, Tahiti c'est déjà l'antichambre de l'enfer. Des voitures, des centaines de milliers de voitures,la surpopulation, le bord de mer bétoné et inaccessible, le lagon pollué. Non, non, très peu pour moi. Ah les Marquises, c'est autre chose. Des étendues désertiques, des jungles impénétrables,des pics acérés, des baies désertes et tout ça à trois heures d'avion de Tahiti, la banlieu, quoi...

Écrit par : manutara | vendredi, 20 décembre 2013

@ manutara : ah oui, ça doit être splendide ... Mais c'est si loin !

Écrit par : tinou | samedi, 21 décembre 2013

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