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mercredi, 14 octobre 2009

363. Carnet de voyage à Istanbul -16-

Lundi 28 septembre, première partie.


podcast
 

Ce matin j’ai prévu d'aller à Eyüp, ce faubourg d’Istanbul situé au fond de la Corne d’Or, là où l’écrivain Pierre Loti aimait à se rendre pendant ses séjours dans la ville. Comme je vous l’ai dit précédemment, je me suis renseignée pour savoir où prendre le bateau qui mène à Eyüp ; c’est en effet le moyen le plus rapide pour se rendre à cet endroit.

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Les départs ont lieu toutes les heures et le trajet dure environ une demi-heure.  Le bateau s’arrête sur les deux rives six ou sept fois avant d’atteindre le terminus.

Pour cette visite, je laisse ma place de guide à Pierre Loti lui-même. En effet, qui, mieux que lui, peut décrire cet endroit si surprenant ? Hum ? Je vous le demande…

 

«Mardi 13 mai 1890.— Je prends le récit de cette deuxième journée à cinq heures seulement — pour l’arrêter avant la nuit.

À cinq heures donc, en caïque, tournant le dos toujours aux quartiers neufs, je remonte vers le fond de la Corne-d’Or, me rendant au faubourg d’Eyoub. (Pour qui ne connait pas Constantinople, les caïques sont ces espèces de périssoires longues et minces, arquées en croissant de lune, où l’on navigue couché — et que l’on trouve sur tous les quais par centaines, comme à Venise les gondoles.)

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Aujourd’hui il en subsiste un nombre infime, richement décorées et destinées à promener les riches touristes sur la Corne-d’Or.

Cette Corne-d’Or devient plus paisible à mesure que l’on s’éloigne de l’entrée, encombrée de paquebots, et la partie de Stamboul que je longe à présent est de plus en plus antique, délabrée, morte :ce sont les très vieux quartiers, d’où la vie s’est retirée peu à peu, pour se porter ailleurs sur l’autre rive. Jamais, du reste, je ne leur avais tant trouvé cet air de ruines envahies par les arbres ; leurs toits noirâtres disparaissent presque sous la fraîche verdure de mai. Et Eyoub est au bout, touchant aux rideaux de cyprès noirs, aux grands bois funéraires.

Un vent très vif et presque froid se lève, comme chaque soir à l’heure où baisse le soleil ; sur toute la surface de l’eau remuée, de petites lames se forment.

Eyoub, le saint faubourg, est toujours le lieu rare du suprême recueillement, de la suprême prière. À l’entrée de l’avenue exquise qui longe les saints tombeaux, je mets pied à terre sur des dalles verdies par les siècles : l’avenue, devant moi, s’enfonce en profondeur, toute blanche à travers l’espèce de bois sacré plein de sépultures, blanche de ce même blanc verdâtre que prennent à l’ombre les marbres très vieux ; elle s’en va finir là-bas à l’impénétrable mosquée, dont on aperçoit confusément le dôme, sous un bouquet de platanes et de cyprès immenses. Elle est bordée, de droite et de gauche, par des kiosques, en marbre blanc ajouré, remplis de catafalques et de morts, ou par des murs percés d’arceaux en ogives à travers lesquels on aperçoit les cimetières : étranges tombes aux dorures fanées, apparaissant dans la nuit verte de dessous bois, mêlées à des fouillis d’herbes, de rosiers sauvages, de ronces…

Les passants sont toujours très rares dans cette avenue des morts : quelques derviches qui reviennent de prier, ou quelques mendiants qui vont s’accroupir là-bas aux portes de la mosquée.» Extrait de «Constantinople fin de siècle».

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Ce que j’avais donc pris de loin pour des rochers, n’étaient en fait que des tombes de marbre à perte de vue ! Des stèles par milliers qui s’entassent les unes contre les autres comme si elles semblaient vouloir se réconforter entre elles. C’est un lieu qui reste assez surréaliste malgré la disparition d'une bonne partie de ce cimetière, qui a laissé la place à de hideuses batisses modernes. Progrès oblige ! 

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Plus on grimpe et plus la vue sur la Corne-d’Or devient grandiose. Quelque part dans le cimetière se trouve la tombe de la belle Circassienne qui lui avait inspiré son premier roman, « Aziyadé ». En 1905 Pierre Loti fit enlever la stèle originale de la tombe pour la remplacer par une réplique fidèle. En 1981 la stèle disparut, il ne subsiste plus que la dalle. La vraie stèle, quant à elle,  se trouve dans la maison natale de Loti à Rochefort

L’avenue débouche bientôt sur le haut de la colline. Un peu plus loin sur la droite un panneau indique Le café de Pierre Loti.

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C’est très émue (oui, je suis très émotive parfois) que je découvre alors la petite terrasse d’où la vue sur la Corne- d’Or est sans doute la plus belle qui soit. Je m’attarde un long moment, assise devant un café, à observer le spectacle qui m’est offert. Quelle vue avait Loti quand il venait dans cet endroit ? J’ai retrouvé une image de l’époque :cimetiere.jpg

 

Avant de quitter les lieux je fais un tour à la boutique de souvenirs. Il n’y a personne et j’ai ainsi tout le loisir de farfouiller dans les livres. Finalement mon choix se porte pour quatre ouvrages :

Il me manque cependant deux ouvrages, « Fantôme d’Orient » et «Suprêmes visions d'Orient».

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téléph.jpgPour redescendre la colline, j’emprunte le téléphérique et dix minutes plus tard me revoici sur les rives de la Corne d’Or. Je retraverse le large pont peint en bleu et interdit à la circulation et je m’en vais attendre le bateau de 11h20…

Ah, j'oubliais : les stèles des femmes sont ornées de motifs floraux tandis que celles des hommes sont coiffées d'un turban ou d'un caftan.

 

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