lundi, 24 novembre 2008
Blanche, 5
09:45 Publié dans Photos de famille | Lien permanent | Commentaires (0)
Le mauvais chemin (2)
C’était en fin d’après midi. Tout était bien calme dans le quartier. Dans le café quelques vieux discutaient à une table et le patron, tout en essuyant les verres, écoutait leur conversation. Soudain deux tractions noires passèrent au ralenti devant le café. A l’intérieur de chacune d’elles il y avait trois hommes, la mine sombre, le regard à moitié caché par un feutre. L’une des voitures s’arrêta le long du trottoir un peu plus loin tandis que l’autre continuait sa route.
Ça ne présage rien de bon, se dit en lui-même le cafetier. Les vieux avaient regardé passer les tractions. Eux aussi avaient reconnu les voitures de la Gestapo. Une espèce d’angoisse saisit alors tous les clients qui finirent rapidement leur verre et rentrèrent bien vite chez eux. Environ une demi-heure plus tard, la porte du café s’ouvrit et le patron reconnut le vieux Michaud, un retraité de la cité. Sa maison était contiguë à celle de Marcel. Il était tout essoufflé, sans doute avait-il marché très vite. Lui qui ne pouvait se déplacer sans sa canne, il avait dû faire un réel effort car il était en sueur. Il s’avança jusqu’au comptoir et bredouilla : « La Gestapo est chez Marcel ! J’ai entendu sa mère crier et j’ai vu la voiture dans la rue… Ils sont en train de tout casser à l’intérieur de la maison. Je suis passé dans le jardin par derrière pour sortir. Il faut prévenir Marcel qu’il ne rentre pas chez lui car ils l’attendent. »
Comment faire ? Marcel n’était pas encore rentré du boulot ; il revenait toujours aux environs de vingt heures et il était déjà dix-neuf heures trente. Le patron eut alors une idée :
« Vous connaissez le chemin qu’emprunte Marcel quand il revient ?
— Oh oui, ça c’est facile vu qu’il a ses habitudes de bistro. Il prend par la place Rabelais , puis la rue du Plat d’Etain.
— Bon, dit le patron, on va envoyer quelqu’un pour tâcher de l’intercepter.»
Il sortit dans la cour et aperçut son fils en train de nettoyer son vélo. « Louis, viens là deux minutes. J’ai à te parler.» Il lui expliqua la situation et le chargea d’aller au devant de Marcel avec son vélo.
« Tu vas jusqu’à la place Rabelais et si tu ne l’as pas croisé avant, tu attends. Tu as compris ?
— Oui, oui, » fit le gamin, ravi qu’on lui confie une telle mission d’importance. Il prit aussitôt son vélo et fila en direction de la rue du plat d’Etain. Au même instant Marcel venait de quitter l’entrepôt.
A suivre
07:48 Publié dans Petites nouvelles de rien du tout | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 23 novembre 2008
Van Gogh en Touraine
Au début de l'été 1990, Maurice Pialat est venu en Touraine pour tourner "Van Gogh". Le tournage a eu lieu principalement dans le Richelais. Quelques figurants locaux apparaissent dans le film, parmi lesquels François Pagé, artiste-peintre ayant fait ses études à l'école des Beaux-Arts de Tours.
Il joue le rôle d'un peintre et figure en bonne place dans la distribution. Il participa à la décoration du silo à grain situé près de la gare de Richelieu et qui fut transformé en bordel pour les besoins du film.
Mais ce que je ne savais pas, et je viens de l'apprendre en lisant le livre sur "Le cinéma en Touraine", c'est que c'est lui l'auteur du trompe-l'œil que l'on peut voir à Loches, sur le mur de l'ancienne école primaire et qui représente Jacques Villeret !
Pour en savoir plus sur François Pagé.
17:54 Publié dans Sur l'écran noir | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, film, van gogh, pialat, touraine
samedi, 22 novembre 2008
Blanche, 4
16:53 Publié dans Photos de famille | Lien permanent | Commentaires (2)
Le mauvais chemin (2)
Dans le journal du lendemain, un article mentionnait le sabotage d'une voie ferrée durant la nuit. Les dégâts, sans être importants, bloquaient cependant le trafic des marchandises pendant un certain temps. Le cafetier repensa alors aux propos de Marcel, la veille au soir et il fit tout de suite le rapprochement. Il n'avait pas tort... En quittant discrètement sa maison, Marcel avait été rejoindre deux acolytes de boulot, deux têtes brûlées comme lui et qui voulaient, à leur façon, résister à l'occupant. Ils auraient pu intégrer un réseau de résistance, il y en avait un dans la région. Mais on n'avait pas voulu d'eux, les responsables les ayant jugés trop dangereux pour les autres. Donc ils opéraient tous les trois en marge du groupe existant. De plus ils connaissaient très bien le réseau ferroviaire pour y travailler quotidiennement et quand ils en avaient l'opportunité, ils dérobaient à l'entrepôt le matériel nécessaire à leurs actions.
Le soir même, Marcel se rendit au café après son travail. Personne ne lui prêtait attention et cela le contraria. Il avait envie de crier: « Eh les gars! C'est moi qui ai fait sauter la voie ferrée cette nuit! Comme ça, les Boches, ils peuvent plus nous piquer ce qui est à nous! » Il passa commande d'un petit blanc. Le patron le servit au comptoir et lui dit tout bas: « Retrouve-moi dans la cour dans dix minutes. »Puis il prit son panier à bouteilles et fit mine d'aller chercher du vin à la cave. Marcel but tranquillement son verre et quelques instants plus tard se dirigea vers les toilettes situées dans la cour. Les deux hommes se retrouvèrent face à face.
« C'est toi qui as fait sauter la voie cette nuit ?
— Oui, ah ! Enfin quelqu'un qui porte de l'intérêt à ce que je fais avec mes potes !
— Là n'est pas le problème Marcel. Tu sais très bien que les Allemands sont de plus en plus sur la défensive depuis qu'ils perdent la guerre sur le front de l'est. Tu parles beaucoup trop. Tu dois te méfier de tout le monde, même de tes voisins les plus proches ! Tu te rappelles quand les Allemands sont arrivés dans la région ? J'étais mobilisé et j'ai dit à ma femme et à mon fils d'aller se réfugier à Bayonne. Quand ils sont revenus, la maison avait été cambriolée. Ce ne sont pas les Allemands qui nous ont volés, non, non, ce sont bel et bien les voisins ! Tu ne me crois pas, hein...et pourtant c'est vrai. L'autre jour, ma femme est allée chez madame P... faire retoucher une robe et qu'est-ce qu'elle a vu sur la table de la cuisine ? Une de nos petites cuillers en argent, elles étaient facilement reconnaissables car elles étaient gravées. Elle a fait celle qui n'avait rien vu, mais tu parles d'un choc ! Alors, quand je te dis de faire gaffe, j'ai mes raisons. Et puis, pense à ta mère ! Qu'est-ce qu'elle deviendrait s'il t'arrivait malheur ? »
Marcel écoutait, l'air penaud comme un gamin qui se fait réprimander par son instituteur. Au fond de lui, il savait que le cafetier avait raison. Il avait manqué un père à Marcel, le sien était mort accidentellement quand il était tout jeune et sa mère n'avait pas eu l'autorité suffisante pour apprivoiser ce jeune chien fou qu'il était devenu. Il jura sur la tête de sa mère de se contrôler, de boire un peu moins...
Cela dura quelques mois, puis les mauvaises habitudes reprirent le pas et de nouveau il joua les fanfarons. Mais entre temps la situation s'était modifiée. Le réseau des résistants avait mené des actions d'ampleur où il y avait eu des soldats allemands blessés et tués. Des otages français avaient alors été fusillés. Le journal continuait d'annoncer épisodiquement des sabotages ferroviaires et Marcel de se vanter à haute voix que c'était lui et ses potes les instigateurs ! Jusqu'au jour où...
A suivre
16:37 Publié dans Petites nouvelles de rien du tout | Lien permanent | Commentaires (0)