jeudi, 22 avril 2010
166. La pression commence à grimper
En regardant les traînées blanches laissées dans le ciel par un avion, je réalise soudainement que dans un mois, à la même heure, je serai à la gare de Saint-Pierre-des-Corps ! J'ai déjà réservé la chambre d'hôtel (toujours au même endroit, à savoir Le Mesnil-Amelot). Le lendemain dans la matinée je décolle en direction de Moscou... J'ai déjà programmé un rendez-vous chez le coupe-tifs, une coupe assez courte de façon à être tranquille. Reste le dentiste pour le 3 mai (juste le plombage sur la dent qu'il m'a dévitalisée hier). Je dois aussi prévoir un rendez-vous chez ma toubib pour vérifier mes vaccinations et comme elle s'affole toujours pour un rien, elle va me faire une liste de médicaments qu'elle jugera indispensable.
Quoi d'autre ? Ah oui, la valise... Oh bah ça, le dernier jour, pas de souci. Je n'emporte pas grand chose comme vêtements, je ne pars pas pour une croisière. Deux ou trois pantalons, cinq ou six tee-shirts, un pull pour la Mongolie, sous-vêtements, trousse de toilette et le tour est joué. Non, le plus important est l'attirail photo : les objectifs, les cartes, les piles de rechanges, les piles à recharger, le chargeur , l'adaptateur de prises électriques, la rallonge, le téléphone portable et sa prise pour le recharger, le numéro PUK pour ne pas tomber en panne comme au Maroc.
Pour m'occuper dans le train, j'ai prévu d'emporter mon baladeur, deux jeux de cartes, des mots croisés, de la lecture et puis mon journal de bord. Il va falloir que je le tienne à jour car Monsieur Encyclopédie ambulante m'attend au virage !
Ah, et puis j'aurai aussi toutes les enveloppes de Thierry à poster dans les différents pays. Il n'est pas certain que je mette une carte postale dans chaque enveloppe (je préfère prévenir à l'avance).
Enfin, chose importante à noter sur mon carnet : la phrase en anglais pour demander une place côté couloir dans l'avion au retour à Pékin :
Please, Could I have an aisle seat ?
Bon, voilà... Sinon, à la maison, j'espère que Peggy n'oubliera pas les chats et peut-être aussi un petit coup de jet d'eau sur les fleurs si ce n'est pas trop demandé.
Allez, j'ai encore le temps, n'y pensons pas trop pour le moment ! Il sera toujours temps de s'exciter ! D'ailleurs je n'ai toujours pas mon passeport ...
17:10 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : voyage, russie, mongolie, chine, transsibérien
vendredi, 26 mars 2010
118. Arrestation en Sibérie
" C'est à Ilanski (gare d'Ilanskaïa), à 4 377km de Moscou, que j'ai connu le meilleur et le pire de mon périple transsibérien. Arrivé à 10h15 par le train à destination d'Irkoutsk, je croyais les 15minutes d'arrêt suffisantes pour jeter un coup d'œil au musée installé dans le dépôt de locomotives, près de la gare. La porte du dépôt, un ensemble de bâtiments de brique rouge assez joli et agrémenté d'un jardin fleuri, était ouverte. Quand j'ai tenté de me renseigner au bureau sur le musée, l'employé m'a répondu par un haussement d'épaules. En partant, j'ai commis l'erreur fatale de photographier un château d'eau et une affiche commémorant le centenaire du lieu. Un instant plus tard, deux hommes se sont emparés de moi. Pensant à des voleurs, j'ai crié, ce qui n'a fait qu'entraîner l'intervention d'un troisième larron. Ils m'ont alors tiré vers ce qui semblait être le bureau de la sécurité, convaincus d'avoir mis la main sur un ШПИОН (espion).
Devant le départ imminent de mon train, j'ai senti croître la panique et imploré mes gardiens, qui faisaient leur numéro de méchants flics, de me laisser au moins récupérer mes bagages. Le plus brutal m'a alors menacé de m'attacher à la chaise avec des menottes si je ne me taisais pas. Je me suis tu une minute puis ai recommencé à crier !
Sortie en hâte, la carte de visite d'un contact de l'ambassade de Grande-Bretagne a provoqué une série de coups de téléphone, mais hélas ! pas à Moscou. Tout ce que je portais sur moi - à part l'appareil photo incriminé - se résumait à un passeport, un calepin et moins de 1 000 roubles. Le reste, y compris mon ordinateur, mes notes et la quasi-totalité de mon argent liquide, poursuivait sa route vers les profondeurs de la Sibérie.
Le policier le plus brutal m'a ensuite conduit au poste de police, où d'autres personnages de ce mauvais film sont entrés en scène. Je devais réaliser plus tard que j'avais eu de la chance qu'ils fassent preuve d'humour et de patience envers un étranger affolé qui venait de manquer son train et de perdre tous ses bagages.
Svetlana, l'agent local de l'OVIR (service des visas) a surgi au bout d'un moment avec plusieurs policiers en civil, brandissant des protokol et me demandant mes papiers. Elle, au moins, souriait. J'ai appris, photos de trafiquants arrêtés à l'appui, qu'Ilanski était une sorte de plaque tournante du trafic de drogue et que je ne pouvais me rendre à la poste pour appeler Moscou sans courir le risque d'être agressé.
Le téléphone du poste de police ne permettait pas les communications longue distance, d'où l'impossibilité de contacter l'ambassade ou même le guide qui m'attendait à Irkoutsk. Je n'avais pas d'autre alternative que de signer le protokol, c'est-à-dire en substance d'avouer ma culpabilité. Après quoi, les policiers ont enfin résolu de me mettre dans le train suivant, le firmenny n° 8 en provenance de Novossibirsk. Là, les chefs de train, une dominatrice peroxydée en uniforme gris et un sosie de la mère de Brejnev en chemise de nuit, ont catégoriquement refusé de me laisser monter, malgré l'insistance de la police, invoquant je ne sais quelle règlementation absurde à laquelle elles ne pouvaient déroger. Quand le train s'est éloigné, nous maudissions tous ces deux femmes.
Dans l'intervalle, une employée avait retrouvé la trace de mes bagages qui devaient être déchargés à Nijneudinsk, à 5 heures de trajet à l'est, où je pourrais les récupérer et obtenir un autre billet pour Irkoutsk.
Le train suivant, Penze-Vladivostok, était beaucoup moins confortable, car constitué presque exclusivement de voitures platskartny (wagon de 3e classe sans compartiments). Le chef du train, accommodant, me dénicha toutefois une place parmi la cinquantaine de passagers qui voyageaient à bord de ce dortoir roulant. Ironie du sort, j'avais jusqu'alors soigneusement évité ce type de train.
Léonid, un prêtre moldave qui retournait chez lui sur l'île de Sakhaline avec sa famille, m'assura dans un anglais parfait que Dieu n'agissait jamais sans motif. En l'occurrence, il m'envoyait sans doute cette épreuve pour me faire découvrir les plaisirs insoupçonnés d'un voyage en platskartny, meilleur moyen de rencontrer des Russes et de faire l'expérience de leur formidable hospitalité.
Nous avons atteint Nijneudinsk à 20h et, accompagné de Léonid, je me suis rendu dans les locaux de la militsia. Tout le monde était au courant de mes mésaventures, mais on m'informa que mes bagages avaient continué vers Irkoutsk. Après avoir dépensé 350 roubles pour un nouveau billet, je n'avais plus que 200 roubles en poche. Si mes bagages avaient disparu à jamais comme le prétendait Marina, la jolie provodnitsa blonde de mon wagon , je me retrouvais sans rien. Devant mon désespoir, Léonid m'a remonté le moral et invité à manger avec les siens.
À 4h30, le train est arrivé en gare d'Irkoutsk, où mon guide patientait depuis 23h. Il n'avait pas mes bagages et ignorait tout de mes déconvenues. Sur le chemin de la Militsia, une blonde sculptutale (et sa camarade trapue) nous a interceptés. Ces provodnitsa de Minsk, d'où venait mon train initial, avaient été chargées par leurs collègues de mes bagages et attendaient patiemment que je me manifeste. Rejoignant leur train garé pour la nuit, nous avons dû réveiller le chef de train grognon pour nous entendre dire que la militsia avait ramené mes sacs à la gare.
À 5h30, je passais enfin mes biens en revue d'après une liste détaillant jusqu'aux moindres sous-vêtements sales et pièces de monnaie dissimulées dans les poches secrètes de mon sac à dos.
« C'est la manière russe » m'a alors dit mon guide, une réflexion à laquelle je ne pouvais qu'applaudir. Une telle honnêteté m'a stupéfié, d'autant que la somme intégralement restituée représentait davantage que les salaires annuels des nombreuses personnes réunies dans la pièce ! "
Récit de voyage écrit par Simon Richmond , retranscrit dans « Transsibérien, un voyage mythique en train », paru dans la collection lonely planet.
Bon, après avoir pris connaissance de cette histoire je peux vous garantir que :
QUAND LE TRAIN ARRIVERA EN GARE D'ILANSKI, JE NE DESCENDRAI PAS !
19:25 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : récit, voyage, transsibérien, simon richmond, lonely planet
mardi, 26 janvier 2010
32. Le Transsibérien
C’est en mars 1891 que le tsar Alexandre III proclama officiellement la construction de la voie ferrée la plus longue du monde, une ligne reliant Moscou à Vladivostok. Jusqu’alors le train s’arrêtait à Iekaterinbourg, au pied de l’Oural. Les travaux de construction commencent simultanément à l’est et à l’ouest.
Le tsar chargea son fils, le grand duc Nicolas, de poser la première pierre à Vladivostok :
Votre Altesse Impériale,
Ayant donné l’ordre de construire une ligne de chemin de fer continue à travers la Sibérie, afin de raccorder les riches provinces sibériennes au réseau de l’intérieur, je vous charge de faire part de mon dessein à votre arrivée dans les dominions russes, après votre inspection des pays étrangers de l’Orient. Parallèlement, je souhaite que vous posiez la première pierre à Vladivostok pour la construction de la ligne de l’Oussouri …
Votre participation à la réalisation de cet ouvrage sera le gage de mon ardent désir de faciliter les communications entre la Sibérie et les autres contrées de l’empire, et de mon souci extrême d’assurer la paix et la prospérité dans ce pays.
Je vous prie de croire à mes sentiments respectueux
Alexandre
Évolution des travaux :
Le Sibérien occidental, 1892-1896. Ce tronçon, long de 1440km part de Tcheliabinsk, passe par Omsk, franchit l’Ob et arrive à Novossibirsk. Ce fut la ligne la plus facile à réaliser. Les paysans sibériens travaillent bénévolement, mais beaucoup disparaissent du chantier au moment des récoltes.
Le Sibérien central, 1893-1898. D’une longueur de 1920km, ce tronçon relie l’Ob à la ville d’Irkoutsk. La main-d’œuvre se fait plus rare, il y a des problèmes de ravitaillement et le relief est beaucoup plus accidenté.
L’Oussouri, 1893-1897. À l’est, la ligne part de Vladivostok, traverse la vallée de l’Oussouri et rejoint la ville de Khabarovsk , 800km plus loin vers l’ouest. Plus de 8000 ouvriers sont recrutés parmi la population locale (la plupart sont des Coréens ou des Chinois). Les responsables de la construction font alors appel aux forçats. Environ 15 000 détenus et exilés seront employés à la construction, moyennant une réduction de peine.
La boucle autour du lac Baïkal, 1901-1904.
On revient à l’ouest, près d’Irkoutsk. Le lac Baïkal, long de 640km sur une largeur de 100km, est un obstacle de taille. Les rives du lac sont en effet surplombées de hautes falaises. En attendant que le contournement soit effectué, une ligne de ferry est mise en place. Les passagers sont transférés à bord d’un brise-glace, tandis qu’un deuxième brise-glace transporte le train sur l’autre rive.
Le contournement du lac par le sud compte près de 33 tunnels, plus de 100 ponts et viaducs.
Le Transbaïkal, 1895-1900. Ce tronçon, long de 1072km, relie la rive orientale du lac Baïkal à la ville de Sretensk, à travers une épaisse forêt. La voie franchit les monts Iablonovyi qui culminent à 5630m.
L’Amour, 1907-1916. Ce dernier tronçon d’une longueur de 2080km fut en partie construit par les forçats. Les matériaux venant à manquer sont importés de Grande-Bretagne et des États-Unis.
Les embranchements :
Le Transmandchourien : ce tronçon relie Tarskaya (en Russie) à Shengyang (en Chine).
Le Transmongolien : cette ligne, longue de 2080km, fut construite le long de l’ancienne route empruntée par les caravaniers qui transportaient le thé de Chine en Mongolie. En 1949 la ligne entre Oulan-Oude et Oulan- Bator est mise en circulation. Les Chinois entament les travaux entre Beijing et Oulan-Bator et la ligne est inaugurée en 1956. Les mauvaises relations sino-soviétiques amenèrent la fermeture de cette ligne qui ne reprit ses activités que dans les années 1980.
Le Turkestan-Sibérien :
Cette ligne, longue de 1680km, part de Novossibirsk et rejoint Alma-Ata au Kazakhstan. Depuis 1996 c’est Le Kazakhstan qui gère la ligne qui se poursuit jusqu’à Bichkek au Kirghizstan.
La ligne Baïkal-Amour
Cette ligne d’une longueur totale de 4300km part d’Irkoutsk, longe le lac Baïkal par le nord, puis aboutit à Sovetskaïa-Gavan, sur les rives du Pacifique. Les travaux commencèrent dans les années 30. Durant la seconde guerre mondiale, les rails furent arrachés et servirent à construire une ligne de soutien pour la ville assiégée de Stalingrad. Le projet reprit jour en 1974. La construction nécessita le travail de 100 000 ouvriers parmi lesquels 20 000 « bénévoles » des jeunesses communistes. Cette ligne fut inaugurée en 1991, même si sa construction n’est pas encore totalement achevée.
Le Transcoréen
Pour l’instant il ne s’agit que d’un projet, une ligne qui rejoindrait Séoul à Wonsan (Corée du nord) puis se raccorderait ensuite au Transsibérien à Vladivostok.
Durant l’été 2001, le président de la Corée du nord, Kim-Jong-il emprunta le Transsibérien. Un train lui fut spécialement réservé, composé de 21 wagons blindés. Il était accompagné d’une bonne centaine de gardes du corps et se rendit de Pyongang à Moscou. Ce voyage ne se fit pas sans perturbations, les lignes étant immobilisées et toutes les gares fermées lors du passage du train !
Dans une prochaine note, je vous parlerai du voyage que je vais effectuer en mai prochain.
07:18 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voyage, train, transsibérien, russie