dimanche, 31 janvier 2021
Joueuse
Je viens de terminer la lecture du livre Joueuse de Benoît Philippon. On est loin du Cantal où Mamie Luger menait sa vie trépidante.
Dans Joueuse, nous découvrons le monde très particulier des joueurs de poker. Autant dire que l'atmosphère est très tendue, le revolver n'étant jamais bien loin. Ça se passe bien souvent dans les arrières salles enfumées d'un sordide troquet de banlieue.
L'héroïne s'appelle Maxine, elle se sert des cartes pour régler ses comptes avec la gente masculine. On saura tout à la fin la vraie raison de son mobile. Elle est dans son genre une Mamie Luger moderne. Autour d'elle gravitent Zack et Baloo, deux amis au passé douloureux.
Je n'ai pas éprouvé le même plaisir à lire cette histoire — bien sombre à mon goût — que j'en avais ressenti à la lecture de Mamie Luger. D'ailleurs, à un moment, j'ai hésité à continuer car je craignais le pire et en ce moment j'ai surtout besoin de choses gaies. Bref, j'ai repris mon courage. Ouf, les choses s'arrangent pour nos trois personnages.
Si vous aimez les polars, cela devrait vous plaire, le style est endiablé, on a l'impression d'être à côté des personnages en action.
Ça commence ainsi :
Le père ne voulait pas que son fils trime comme un con. Faire les trois-huit, compter les mois avant la retraite, compter les semaines avant les vacances, compter les heures avant la fin de la journée. "Tant qu'à compter, compte les cartes", il lui disait. Tout ce qui se joue avec de l'argent au bout, son père l'a enseigné à Zack quand il était gamin. Dès que ça nécessitait réflexe, stratégie, veine, arnaque, il lui expliquait les rouages. Son vieux lui a tout appris, de l'appât du gain à la méfiance de l'adversaire. Il lui rabâchait que la société est fondée sur le mensonge : " L'État t'arnaque, les impôts te volent, ton patron te ment, ta femme te trompe, y a pas de raison de rentrer dans le rang. T'es pas un mouton. Sauf si t'as un penchant pour les abattoirs. Tu veux finir à l'abattoir, toi ? " [ ... ]
Ils ont commencé tout doux, ils jouaient le repas à la bataille. Si Zack perdait, il bouffait pas. Résultat, le gamin a perdu quatre kilos entre cinq et six ans. Le message a bien passé. Après c'est son père qui a appris le régime, c'était une question de survie pour l'enfant en pleine croissance.
Pourquoi la mère ne s'érigeait-elle pas contre cette dérive vers la maltraitance ? Parce qu'un cancer du sein trop tardivement détecté l'avait emportée et quelle n'avait, de ce fait, plus son mot à dire. Le père dévasté par cet abandon, aussi fulgurant qu'injuste, a reporté son attention sur son alcoolisme et sur l'éducation de son fils.
Plus Zack grandissait, plus la leçon se durcissait.
09:55 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 06 janvier 2021
Lecture décoiffante
Il y avait longtemps, trop longtemps même, que je n'avais éprouvé un tel plaisir à lire un roman. Dès le début, on entre dans le vif du sujet, à savoir la vie d'une vieille dame de 102 ans surnommée Mamie Luger. Et on va de surprise en surprise ! C'est tout simplement captivant, très drôle, et on en redemande à la fin. En cette période si morose, que ça fait du bien de rire !
L'auteur s'appelle Benoît Philippon. Mamie Luger est son deuxième roman, après "Cabossé" sorti en 2016. Enfin, en 2020 est paru "Joueuse".
Mais revenons à notre mamie, prénommée Berthe. L'histoire débute ainsi :
" 6h08
Blam ! Blam !
Berthe recharge. Ses membres tremblent. Beaucoup d'émotions pour une vieille de cent deux ans. Elle pense à sa camomille qui prend la poussière sur l'étagère de sa cuisine et se dit qu'elle s'en ferait bien une tasse. Les sirènes qui résonnent au loin ne sonnent peut-être pas encore le glas, mais reculent inéluctablement la perspective du réconfort d'un bon pisse-mémère.
De Gore gît à quelques pas de la niche de son chien. Du sang autour de lui. Il a un trou dans le dos, un autre dans le cul, en plus de l'officiel. Merde, elle y a peut-être été un peu fort. Berthe ne l'a jamais aimé, de Gore. Le digne descendant de sa raclure de père. Elle ne pensait pas pour autant qu'il finirait au bout de son canon. Même si l'idée l'a souvent titillée."
05:00 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : livre, philippon, mamie luger
mardi, 24 novembre 2020
L'histoire d'un livre ...
qui a bien failli ne jamais être édité !
Il s'agit d'un très gros ouvrage intitulé "Vie et destin" (en russe Жизнь и судьба), écrit par l'écrivain d'origine ukrainienne Vassili Grossman. L'histoire se déroule durant la bataille de Stalingrad pendant la seconde guerre mondiale. Cette œuvre intense peut être considérée comme le magnum opus de Grossman.
Qui était Vassili Grossman et pourquoi ce livre fut censuré ?
Vassili Grossman est né le 29 novembre 1905 à Berditchev (en Ukraine). Issu d'une famille juive non pratiquante, il fait tout d'abord ses études à Kiev, puis à Moscou. En 1929, il obtient son diplôme d'ingénieur chimiste et se retrouve employé dans une mine à Donetsk. C'est un serviteur loyal du régime communiste sans toutefois s'engager dans le parti, malgré les nombreuses sollicitations.
Lorsque les troupes allemandes envahissent l'Union soviétique, il s'engage comme journaliste pour couvrir les évènements. C'est ainsi qu'il participe à la bataille de Stalingrad (de juillet 1942 à février 1943).
Dans son livre, il dépeint la société soviétique durant la guerre avec réalisme, sans aucune concession pour le régime en place.
Il commença l'écriture de son livre en 1948 pour l'achever en 1962. Il envoya alors son manuscrit au rédacteur en chef du mensuel de l'Union des écrivains. Ce dernier prit peur à la lecture et en informa aussitôt le K.G.B. Deux jours plus tard, deux officiers se présentèrent chez Grossman pour saisirent les copies, les brouillons et même les rubans encreurs de sa machine à écrire. Ce livre ne devait en aucun cas être publié ! Vassili Grossman mourut deux ans plus tard, en 1964, d'un cancer du rein.
Alors, me direz-vous, comment se fait-il qu'aujourd'hui le livre a été récupéré ?
Et bien voilà ... Vassili Grossman avait confié deux copies de son livre à des amis sûrs. Il faudra attendre 1970 pour que ces brouillons soient microfilmés et quittent clandestinement l'Union soviétique grâce à l'aide d'Andreï Sakharov. Certains passages étaient manquants et un long travail de reconstitution fut mis en œuvre. Et finalement en 1980 le livre fut édité pour la première fois en Suisse dans sa presque totale intégralité.
Quant aux Russes, ils ne purent en prendre connaissance qu'à partir de 1989 ! Je me demande d'ailleurs, quelle fut leur réaction.
C'est au printemps dernier que j'ai entendu parler de ce livre. Malheureusement impossible d'en trouver un seul exemplaire : épuisé, épuisé ...
Puis, en juillet dernier, il y a eu une réédition et j'ai donc aussitôt commandé un exemplaire en livre de poche. Il est arrivé chez moi il y a maintenant deux semaines, un peu cabossé par le transport, mais bon, ce n'est pas grave.
J'ai donc entamé la lecture de ce pavé (1172 pages quand même !). J'en suis à la page 109 mais je dois dire que je commence à m'emmêler les pinceaux parmi tous les personnages du roman.
Un avant-goût peut-être ? L'histoire commence ainsi :
" Le brouillard recouvrait la terre. Les phares de la voiture se reflétaient dans les lignes à haute tension qui s'étiraient le long de la route.
Il n'avait pas plu mais, à l'aube, l'humidité s'abattit sur la terre et les feux dessinaient des taches rougeâtres sur l'asphalte mouillé. On sentait la respiration du camp à de nombreux kilomètres : les fils électriques, les routes, les voies de chemin de fer se dirigeaient tous vers lui, toujours plus denses. C'était un espace rempli de lignes droites, un espaces de rectangles et de parallélogrammes qui fendaient la terre, le ciel automnal, le brouillard.
Des sirènes lointaines poussèrent un hurlement doux et plaintif.
La route venait se serrer contre la voie, et la colonne de camions chargés de sacs de ciment roula un certain temps à la hauteur du train de marchandises interminable. Les chauffeurs en uniforme ne regardaient pas les wagons, les taches pâles des visages.
La clôture du camp sortit du brouillard : des rangs de barbelés tendus sur des poteaux en béton. Les alignements de baraques formaient des rues larges et rectilignes. Leur uniformité exprimait le caractère inhumain du camp.
Parmi les millions d'isbas russes, il n'y a pas et il ne peut y avoir deux isbas parfaitement semblables. Toute vie est inimitable. L'identité de deux êtres humains, de deux buissons d'églantines est impensable. La vie devient impossible quand on efface par la force les différences et les particularités."
Pour en savoir davantage :
Plaque commémorative en hommage à Vassili Grossman, Donetsk (Ukraine).
11:14 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vassili grossman, russie, stalingrad
mercredi, 18 décembre 2019
Tours qui disparaît -1-
" Tours qui disparaît " est un recueil de 100 planches représentant des habitations du vieux Tours à la fin du XIXe siècle. C'est l'œuvre du tourangeau Edouard Gatian de Clérambault qui fut président de la Société Archéologique de Touraine de 1910 à son décès, survenu en 1917. Je reviendrai ultérieurement sur cette famille dans ma rubrique généalogique.
J'avais déjà eu l'occasion de voir quelques-unes de ces planches dans divers ouvrages sur Tours, mais cette-fois-ci, j'ai la totalité. En effet ce livre fait partie d'une collection réimprimée que l'on peut obtenir facilement. Pour ma part je l'ai commandé à la FNAC et je l'ai reçu hier.
Chaque planche est accompagnée d'une note explicative fournissant quelques détails supplémentaires.
Ce livre a été édité en 1912 ; il faut donc s'attendre à ce que bon nombre de ces maisons aient disparu aujourd'hui.
Je vous montre un exemple :
Planche VI : rue de l'Arbalète.
Hôtel portant le numéro 5 de la rue; en face de lui se trouvait autrefois une auberge où pendait encore, en 1749, l'enseigne de "l'Arbalète", qui a donné son nom à la rue. Il dépendait du fief de la Trésorerie de Saint-Martin.
Les trois corps de bâtiments qui composent cet hôtel appartenaient en 1700 à la veuve Turquantin et aux sieurs Gilles Chateignier et de Grandmaison. On y remarque la porte en chêne sculpté de la tourelle contenant l'escalier, un petit oratoire voûté à nervures prismatiques, et une frise sculptée à la hauteur du premier étage, sur le bâtiment oriental.
On a quelquefois confondu la rue de l'Arbalète avec la rue de Picardie, actuellement rue Henry- Royer. Au XVe siècle plusieurs seigneurs et maîtres d'hôtel du Roi avaient des hôtels dans cette rue et dans celle de Picardie.
De nos jours la rue de l'Arbalète existe toujours. Elle est parallèle à la rue de la Rôtisserie, tourne en coude pour devenir la rue Henry Boyer qui aboutit dans la rue de Châteauneuf.
Par-contre, je ne suis pas certaine que l'hôtel soit encore debout. Il va falloir que j'aille jeter un œil.
En faisant ma généalogie, j'ai retrouvé une ancêtre, Suzanne Guiet, qui était servante à l'auberge de l'Arbalète !
Ce renseignement était inscrit sur l'acte de mariage de sa fille Louise qui s'est mariée le 5 novembre 1685 paroisse Sainte-Croix.
18:09 Publié dans Livres, Tours, ma ville | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tours, gravures, gatian de clerambault
dimanche, 08 décembre 2019
À méditer
On peut dire sans se tromper que Aldous Huxley fut un visionnaire !
À lire :
09:20 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, science fiction, aldous huxley