Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 10 janvier 2011

14. Mon pire souvenir de voyage


podcast

Ce matin, en cherchant des photos à mettre sur mon blog, je suis retombée sur des images d’un hôtel que je ne suis pas prête d’oublier.

vietnam 086.jpg

C’était dans le nord du Vietnam, avant d’arriver à Dien Bien. Nous avions fait étape dans une petite ville en sursis. En effet, un projet de barrage devrait — si ce n’est encore fait — faire disparaître toutes les maisons sous l’eau.

vietnam 073.jpg

Nous étions en janvier 2007, et déjà la ville avait un  air  fantômatique. Les habitants ne semblaient plus vouloir entretenir ce qui devait, à terme, être englouti.

Pour l’heure, le minibus nous laisse devant un ensemble de petits bungalows en bois, répartis dans la forêt dense. Le soir n’allait pas tarder à tomber et il était temps d’aller jeter un œil rapide dans la rue principale.

 

vietnam 075.jpg

 Une grande bâtisse  abandonnée non loin de là donnait à l’ensemble une impression glauque. Quelques Vietnamiens, accroupis au bord de la route, vendaient des légumes. Mon attention fut soudain attirée par des hurlements. Je me retournai alors et aperçus une femme, assez jeune, mais en guenilles et le visage ensanglanté qui vociférait au milieu de la chaussée. Elle hurlait des paroles que j’étais bien incapable de comprendre et s’approchait furieusement de moi. C’est alors que je remarquai qu’elle avait les deux mains liées par une cordelette. Je fis mine de ne pas prêter attention et elle se dirigea alors vers d’autres personnes devant moi.

Notre guide, qui était souriant, toujours, mais d’une incompétence totale, eut l’air surpris de notre étonnement. Il nous expliqua que c’était sans doute une voleuse – ce qui expliquait qu’on lui attachait les mains. Cela n’eut pas l’air de provoquer la moindre réaction chez lui. Il est vrai que l’apéro du soir et la bouffe  semblaient être les seules choses qui comptaient pour lui. Quand on songe qu’il eut le culot de nous abandonner en pleine montagne à la tombée du soir, dans une région que nous ne connaissions naturellement pas, tout cela pour rentrer au chaud ! C’est ce jour-là que j’étais revenue à Sa Pa en moto.

Il était assez extraordinaire ce guide. Quand on lui posait une question à laquelle il ne savait répondre ou bien encore parce qu’il n’avait pas envie, il déclarait qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui disait !

 Mais revenons à Lai Chau, nom de la ville où nous venons de poser les bagages. Les chambres étaient donc réparties dans des bungalows sur pilotis. L’aspect extérieur laissait voir que ces constructions n’étaient pas de toute première jeunesse. Le fait que ce soit sur pilotis m’a tout de suite fait penser à des bestioles peu avenantes que l’on essaie d’isoler par ce mode de construction. Mais bon, j’essayais de penser à autre chose.

vietnam 066a.jpg

L’intérieur de ma chambre était plutôt kitsch, il y avait deux grands lits recouverts de plusieurs épaisseurs  de dentelles, des coussins, des tentures sur les murs, bref du tissu partout ou presque. La salle de bain était très sommaire et je remarquai qu’on voyait le jour à travers la cloison en bois. Enfin le robinet avait bien du mal à produire un mince filet d’eau, juste de quoi se laver les dents. Mais bon, cela ne m’inquiéta pas plus.

Où je commençai à me sentir mal à l’aise, c’est quand, au moment où je me baissai pour défaire la valise, j’aperçus sur le sol deux ou trois bestioles qui prenaient le large à toute allure. Elles étaient si rapides que je n’eus même pas le temps de pouvoir en écraser une. Elles s’étaient glissées sous un des lits (naturellement celui que j’avais choisi pour dormir). Vous imaginez bien que je décidai aussitôt de déménager et je choisis l’autre lit. Après avoir balancé tous les coussins, puis tapé énergiquement sur le lit –pour voir si rien de douteux n’en sortait -, je finis quand même  par aller voir le guide qui, comme prévu, était attablé avec des autochtones en train de boire la boisson du coin (alcool dans lequel baignaient de gros vers blancs).  Il n’avait que faire de mon  histoire de bestioles, néanmoins il prévint un serveur qui, muni de sa lampe-torche, vint faire une inspection des lieux. Naturellement, il ne vit rien.

Je n’avais franchement aucune envie de me déshabiller, j’imaginai déjà que, dans la nuit, les bestioles allaient revenir, grimper sur le lit … Je fus parcourue de frissons. Et qui dit qu’il n’y a pas aussi des serpents ? C’est donc tout habillée et en gardant aussi mes chaussures que je me suis allongée sur le lit (je me suis bien gardée de soulever les draps car j’avais la frousse d’y découvrir des bêtes),  puis j’ai coincé la moustiquaire sous le matelas, j’ai laissé la lampe de chevet allumée. De temps à autre, je jetai un œil vers le sol. Quand je fermai les yeux, j’imaginai aussitôt que les bestioles revenaient, une, deux, trois, dix … cent peut-être ? Elles allaient finir par monter sur le lit et me recouvrir. J’ouvrai alors aussitôt un œil et vérifiai une nouvelle fois. Je finis quand même  par m’endormir quand, soudain, je fus réveillée par un bruit étrange venant du plafond : on aurait dit que des centaines de bestioles étaient en train de le dévorer, des bruits de mandibules affamées résonnaient dans le silence de la nuit. Le bruit ne faisait que croître. C’était effrayant !

À trois heures du matin, n’y tenant plus, je suis sortie sur la terrasse qui donnait devant ma chambre et, à l’aide de ma lampe, je me suis plongée dans la lecture du guide du routard, attendant patiemment le lever du jour !

Je viens de retrouver cet hôtel sur Internet et je constate que mon impression a été partagée par un autre client, ICI. 

13. Horreur et fascination -4-

podcast

Nouvelle étape dans la découverte de ce pays. Après une visite dans le sud, Pierre Loti revient une dernière fois «dans la région où souffle le vent sec de la famine».

 « Me voici dans A… la musulmane.

Et, pour qui vient comme moi de l’ … brahmanique, ce qui frappe d’abord, c’est le changement absolu dans la conception des monuments religieux, les mosquées remplaçant les pagodes ; l’art sobre, précis et svelte, succédant à l’énormité et à la profusion. […]

Les Grands Mogols ! On dirait aujourd’hui un nom de vieux conte oriental, un nom de légende.

Ils vécurent ici, ces souverains magnifiques, maîtres du plus vaste empire qui ait existé au monde. Et un de leurs écrasants palais domine cette ville d’A…, qu’ils retrouveraient à peu près telle qu’ils l’ont laissée, sauf le délabrement et la misère que sans doute ils n’avaient point connus.

Sous son ciel de poussière ardente, sous ses tourbillons de corbeaux, d’aigles et de vautours, l’immense ville est bien restée l’A… d’autrefois. […]

Les singes ont depuis des siècles envahi A…, vivant à l’état libre sur les toits, comme les perruches ; certains quartiers en ruine leur sont même presque abandonnés et ils y règnent sans conteste, pillant les jardins ou les marchés d’alentour.

ville3.jpg

Ce palais d’A…, de loin, c’est presque une montagne, construite en blocs de grès rouge et hérissée de créneaux féroces. Quand on regarde ces murailles couleur de sanguine, si lourdes et si impressionnantes, on se demande comment la cour des fastueux empereurs pouvait trouver derrière de tels remparts, un cadre à souhait pour le déploiement de son luxe fantastique. Cependant, si l’on contourne la route du côté de la rivière — du côté de la Iummah très sacrée qui coule dans son ombre —, on entrevoit comme des Alhambras en dentelle blanche, comme des palais de rêve léger, posés par-dessus cette forteresse de Titans et en contraste imprévu avec la massive austérité d’une pareille base : c’était là-haut que vivaient les Grands Mogols et leurs sultanes, dominant tout, presque dans l’air, inaccessibles et cachés au milieu de la blancheur et de la transparence des marbres purs.

Nulle part, dans l’…, la vie des oiseaux n’est innombrable et encombrante comme ici. Leurs cris, à cette heure, sont les seuls bruits qui montent jusqu’à moi ; mais ils emplissent le silence de ces terrasses, ils font vibrer tous ces pâles marbres sonores. Aux approches du crépuscule, un triage par espèce s’opère dans le tourbillon ailé ; tel arbre, au-dessous de moi, commence à devenir noir de corbeaux ; un autre est entièrement garni de perruches, qui font comme des feuilles trop vertes sur ses branches mortes. Et des aigles au corps blanc, de grands vautours chauves, dans le carrousel abandonné, se promènent par terre, comme des bêtes de basse-cour.

Au loin dans les plaines, on voit des coupoles blanches, de cette blancheur diaphane des marbres qu’aucune peinture, aucun revêtement ne saurait imiter ; elles émergent ça et là du brouillard de poussière qui traîne sur le sol, et qui bleuit ou s’irise avec le soir. Ce sont les demeures actuelles des princesses qui jadis promenaient ici, dans ce haut palais, leurs mousselines lamées d’or, leurs pierreries, leurs belles gorges dévoilées. Et le plus grand de ces dômes est le Taje, l’incomparable Taje, où la grande sultane Montaz-i-Mahal dort depuis deux cent soixante dix ans. »

taj.jpg

Et voilà, nous y sommes !   Où ça, me direz-vous ?

carteinde.jpg

En Inde, et plus précisément en Inde du nord. Si tout se passe comme je veux, je devrais partir fin mai pour un périple qui me conduira d’abord à Delhi. Ensuite le voyage se poursuit en train de nuit jusqu’à Jodhpur. Nous visiterons successivement Ranakpur, Kumbalgarh, Udaipur, Chittorgarh, Bündi, Jaipur,  pour finir en beauté au pied du Taj-Mahal à Agra.

dimanche, 09 janvier 2011

12. La préfecture est bien gardée

prefecture.jpg.jpgVoici une histoire qui n'a pas fini d'alimenter les potins : durant les fêtes de fin d'année, notre préfet tourangeau, Mr Joël Fily, est parti réveillonner au Maroc. Jusque là, rien de bien extraordinaire. Mais où l'affaire devient très amusante, c'est lorsqu'on apprend (et pas par les journaux locaux qui restent bien silencieux sur ce coup-là !) que, pendant ce temps, alors que Mr le préfet trinquait à la nouvelle année ... Mais je vous laisse découvrir la suite de l'anecdote chez celui qui en parle, ICI.  (note du samedi 8 janvier 2011).

Dommage de ne pas avoir été prévenus à temps, car plus on est de fous, plus on rit !

11. Les rapaces

En avril 2008, une belle exposition de rapaces avait eu lieu dans le parc de la Rabière, à Joué-les-Tours. Les oiseaux étaient sur des perchoirs placés au milieu d'une pelouse. C'était l'occasion rêvée de pouvoir les photographier, surtout que j'avais un nouvel objectif offert par Peggy pour Noël :

ph1.jpg

ph2.jpg

ph3.jpg

ph4.jpg

ph5.jpg

ph6.jpg

ph7.jpg

vendredi, 07 janvier 2011

10. Horreur et fascination -3-


podcast

Pierre Loti change de lieu :

« Cent lieues plus loin vers le nord. Depuis O… , les déserts succédaient aux déserts. La terre semblait maudite. Sous une couche de cendre blanchâtre, comme semée par quelque éruption volcanique immense, tout ce qui avait été jungles, villages ou cultures se confond en une même teinte morne. Et enfin voici, après tant de désolations, une ville qui parait en pleine activité orientale et charmante. Les avenues qui viennent aboutir à ses hauts remparts crénelés, à ses portes ogivales, sont peuplées de cavaliers en robe blanche, de femmes en longs voiles jaunes ou rouges, de chars à bœufs, de files de chameaux en harnais de fête : des couleurs et de la vie, comme aux temps d’abondance […]

La première porte franchie, il en apparait une autre, découpée dans une muraille intérieure qui est peinte en rose jusqu’à la pointe de ses créneaux — en rose de ruban, avec un semis de fleurs blanches [… ] Et sur l’épaisse poussière des tas humains sont là encore, noirâtres et comme vautrés dans de la cendre, plus affreux devant le rose charmant et les bouquets de ce mur. On dirait des squelettes sur lesquels de la basane serait collée ; les ossatures s’indiquent avec une précision horrible ; les rotules et les coudes font de grosses boules, comme des nœuds sur des bâtons, et les cuisses, qui n’ont qu’un os, sont plus minces que les bas de jambes qui en ont deux. Il y en a de groupés par famille, et il y en a d’isolés qu’on abandonne ; les uns agonisent, étendus en croix ; les autres se tiennent encore accroupis, immobiles et stupides, avec des yeux de fièvre et des lèvres retirées sur des dents longues. Dans un coin, une vieille femme sans chair, probablement seule au monde, pleure, en silence, sur des guenilles.

Quand enfin, au sortir de ces doubles portes, l’intérieur de la ville se découvre, c’est une surprise et un enchantement. […]

Des rues d’un kilomètre de long, alignées au cordeau, larges comme deux fois nos boulevards et bordées de hauts palais dont la fantaisie orientale a varié les façades à l’infini. Nulle part plus extravagante superposition de colonnades, d’arceaux festonnés, de tours, de balcons, de miradors. Tout cela pareillement rose, tout cela d’une même teinte d’étoffe ou de fleur ; et la moindre moulure, la moindre arabesque, relevée d’un filet blanc. Sur les parties sculptées, on dirait qu’on a cloué des passementeries blanches, tandis que, sur les parties plates, reprend l’éternel camaïeu avec ses mêmes bouquets surannés.

Et tout le long de ces rues s’agitent des foules, dans un immense éblouissement de couleurs.

Des marchands par milliers, ayant par terre leur étalage d’étoffes, de cuivre et d’armes, encombrent les deux côtés des trottoirs, tandis que parmi eux se démènent les  femmes, aux voiles bariolés de grands dessins fantasques et aux bras nus cerclés d’anneaux jusqu’à l’épaule. […]

Et des gens promènent en laisse, pour leur donner l’habitude du monde, les panthères apprivoisées du roi, qui marchent sournoises et comiques, coiffées de petits bonnets brodés, avec une rosette sous le menton, posant l’une après l’autre leurs pattes de velours avec des précautions infinies, comme par peur de casser des œufs. Pour plus de sûreté, on les tient aussi par leur queue annelée, et quatre serviteurs encore les suivent en cortège.

Au carrefour central, où les plus belles rues viennent aboutir, le luxe si particulier de cette ville arrive à ses plus étranges effets. […]

 

ville2.jpg.jpg

Rose et semée de fleurs blanches, la façade du palais du Roi, qui dépasserait en hauteur nos façades de cathédrale, et qui est la répétition, la superposition d’une centaine de kiosques pareils, ayant chacun les mêmes colonnades, les mêmes grillages, les mêmes petits dômes compliqués — avec, tout en haut, des oriflammes aux couleurs du royaume, que le vent desséchant fait claquer dans l’air. Roses à bouquets blancs, les palais, les maisons, qui de tous côtés s’alignent en fuite vers les lointains poudreux des rues.

 

La foule est là plus parée de bijoux, plus animée, à ce carrefour, plus bruyante, dans toute la diversité de ses couleurs de fête. Plus nombreux aussi, les rôdeurs de la faim — les petits enfants surtout, car au milieu de cette place on fait cuire en plein vent des gâteaux de riz, des galettes au sucre et au miel, et cela les attire ; on ne leur en donne pas, bien entendu, mais ils demeurent quand même, tout tremblants de faiblesse sur leurs petites jambes, et les yeux dilatés dans la fiévreuse convoitise des pâtisseries. […]

Et, au-dessus de la clameur des foules, il y a la clameur des corbeaux, sur les toits et dans l’air assemblés par milliers. Cet éternel ensemble de croassements qui … domine tous les autres bruits terrestres, s’enfle ici en crescendo, arrive à un vrai délire : les temps de la famine, quand on commence à sentir partout l’odeur de la mort, sont des temps d’abondance et de joie pour les corbeaux, les vautours et les mouches. […]

C’est maintenant la brusque tombée du jour ; le camaïeu rose à bouquets blancs commence de pâlir partout à la fois, sous un ciel couleur de pervenche, tellement saturé de poussière que la lune argentée y paraît blême. Les tourbillons d’oiseaux noirs s’abattent ensemble pour dormir ; sur les corniches des palais roses, ils s’alignent, innombrables, pigeons et corbeaux, à se toucher, formant de longs cordons sombres. Mais des vautours et des aigles s’attardent en l’air et planent encore. Et les singes libres, qui habitent sur les maisons, se poursuivent, très agités à l’heure du couchage, hauts sur pattes et queue relevée, petites silhouettes étranges qui courent au bord des toits.[…]singes.jpg.jpg

Les marchands se hâtent de replier leurs étoffes multicolores, de ramasser dans des corbeilles leurs cuivres brillants, leurs plateaux et leurs vases. Ils regagnent leurs demeures, découvrant peu à peu les groupes de décharnés qui gisaient parmi leurs gais étalages. Ces derniers vont demeurer seuls ; pendant la nuit, ils seront les maîtres du pavé.

Ils s’isolent, les groupes agonisants ; autour d’eux, le vide se fait et les révèle plus nombreux. Bientôt on ne verra plus que leurs formes cadavériques et leurs guenilles, dont le sol restera jonché.»

À suivre