mardi, 04 octobre 2011
212. Un matin à Bénarès
Les premières lueurs de l'aube viennent éclairer les façades des anciens palais qui connurent leurs heures de gloire et qui, aujourd'hui, ne sont plus que des ruines s'affaissant peu à peu dans les eaux troubles du fleuve nourricier, le Gange.
Dans la demi-pénombre, je descends le ghât. La ronde incessante des horribles corbeaux croassants au-dessus de ma tête me donne la chair de poule. La brume qui recouvrait le fleuve s'estompe petit à petit et sur les berges on aperçoit les premiers arrivants pour le bain rituel. Il est temps de grimper dans la barque qui va très lentement longer toute la rive et me faire découvrir un spectacle à la fois surprenant, éblouissant et affreusement horrible.
À chaque fois que je revois ces photos, je me sens envahie par un étrange sentiment, mélange de fascination et de mélancolie. Il m'arrive même parfois de douter un instant que j'y sois vraiment allée.
Et pourtant ...
20:47 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage, inde, benares
lundi, 03 octobre 2011
211. La boîte
Ce n'est pas nouveau, mais vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de lire cette petite nouvelle :
Coup de sonnette. Le portier se dirigea vers le judas. En voyant la personne qui attendait, son visage s’éclaira d’un large sourire et il ouvrit rapidement la porte :
Bonsoir, il y a bien longtemps qu’on ne vous avait vue ! C’est un grand plaisir.
La femme, indifférente à ces propos, s’avança dans la pièce obscure et se dirigea vers le vestiaire. Elle quitta son manteau, puis ses chaussures. De son grand sac, elle sortit une paire de chaussures à talons hauts qu’elle enfila prestement tout en tendant son vêtement à la fille qui s’occupait du vestiaire.
Son arrivée n’était pas passée inaperçue. Trois hommes au bar qui discutaient s’étaient arrêtés subitement et leurs regards étaient maintenant fixés sur la femme, la déshabillant du regard.
Elle était assez grande, des cheveux courts frisés, deux petites perles d'or aux oreilles. Elle portait un chemisier échancré de soie noire et une jupe moulante qui s’arrêtait juste au-dessus du genou. Elle n’était pas spécialement belle, mais il émanait de tout son être une grande sensualité, tant dans la façon dont elle s’assit sur le haut tabouret que dans la manière lente et très étudiée dont elle porta une cigarette à ses lèvres.
Du feu ? L’un des hommes s’était précipité vers elle, devançant les autres.
Elle ne répondit pas, se contentant d’approcher la cigarette de la flamme qu’il lui tendait. Elle posa une main sur celle de l’homme qui tenait le briquet et un frisson parcourut alors ce dernier. Elle releva la tête, le dévisagea un court instant puis lui répondit d’une voix chaude et grave :
Merci.
Un grand silence régnait dans la boîte. Seule, la musique en fond rappelait qu’on était bien dans une discothèque. La piste était vide à cette heure de la journée.
La femme avait commandé une pina-colada et tout en sirotant son verre, elle détaillait chacun des hommes présents, choisissant sa future proie tout en gardant un air impassible.
Celui qui lui avait donné du feu précédemment s’était déjà installé sur le tabouret tout près, essayant d’engager la conversation :
Vous venez souvent ici ?
Quelle importance ? Le principal n’est-il pas que je sois là à cet instant précis ?
Le ton avait été sec et surprit l’homme qui ne sut quoi répondre.
En voilà un d’éliminé, songea la femme avec un petit sourire méchant tout en continuant à siroter son verre.
Elle fixait maintenant les deux autres qui avaient repris leur conversation, ce qui ne les empêchait pas de jeter de temps à autre un coup d’œil vers elle. Elle était patiente, elle avait le temps, le temps qu’il fallait pour observer l’allure générale, les poses, l’habillement, la gestuelle, tout ce qui fait qu’un homme peut plaire physiquement, peut donner l’envie d’une étreinte le temps d’une ou de plusieurs danses et qui sait, après…
Justement, il y en avait un qui ne lui déplaisait pas. Grand, allure désinvolte, ce petit je ne sais quoi qui lui provoqua un petit frisson dans le bas des reins.
Bon, pas de panique, tout en douceur, songea- t- elle. Elle l’observait fixement au travers de la glace qui se trouvait située derrière le bar. Au bout de quelques minutes, leurs regards finirent par se croiser. Elle ne baissa pas les yeux, lui non plus. Il sourit…Elle fit alors un geste de la main en direction du disc-jockey, dans sa cabine. Celui-ci arrêta aussitôt l’air en cours et en mit un autre.
Oh, elle n’eut pas besoin d’attendre très longtemps. Il était déjà là, devant elle, un sourire inquisiteur :
On danse ?
Sans répondre, elle descendit de son siège et le suivit au milieu de la piste… Hum, le disc-jockey connaissait ses goûts.
L’homme l’avait saisie par la taille, et lui chuchota à l’oreille :
Laisse-toi guider !
Elle ne demandait que ça, la coquine !...
---------
— C'est à vous, madame ! Qu'est-ce que je vous sers ?
— Plait-il ? ... Oh, oui, excusez-moi. Bon, alors vous me mettrez ... euh ... pfff ... disons une baguette !
Je ressors de la boulangerie. Bon alors, où en étais-je ? Ah oui, je suis sur la piste de danse ...
Quand le pouvoir de séduction a malheureusement définitivement disparu, il ne reste que les rêves. C'est toujours mieux que rien.
22:43 Publié dans Petites nouvelles de rien du tout | Lien permanent | Commentaires (4)
210. Bilan d'une décennie -50-
Dimanche 14 janvier 2007 :
La veille au soir, Tien nous a prévenu : Demain vous serez réveillés à 3h45. Un petit déjeuner vous sera servi à 4h30. Ensuite nous partirons pour l’aéroport. Nous devons y être à 5h pour l’enregistrement des bagages.
A 3h30 je suis déjà dans le hall de l’hôtel. J’avais repéré la veille au soir qu’il y avait un ordinateur, l’occasion d’envoyer un mail à ma fille pour lui donner de mes nouvelles et prendre des siennes.
Sur la route menant à l’aéroport, on remarque, malgré l’heure matinale, un trafic intense. Les gens se rendent à la ville pour y vendre leurs produits. Les vélos sont chargés au maximum, la plupart ne sont pas éclairés.
Tien se charge de l’enregistrement de tous nos bagages. C’est l’heure des adieux car nous aurons bientôt un autre guide pour le reste du voyage. Durant la nuit, Tien a gravé pour chacun d’entre nous un CD sur lequel il a mis toutes les photos qu’il a prises du groupe durant cette semaine passée ensemble. Attention très délicate qui, personnellement, me touche beaucoup !
A 6h l’avion décolle. Le vol dure environ 2h30. Destination : Huê.
Avec une population d’environ 400 000 habitants, Huê est une jolie ville au passé culturel très riche. Elle s’étire nonchalamment le long de la rivière des Parfums et la mer n’est qu’à 20km seulement.
Durant la guerre, elle a eu à subir d’énormes destructions. On estime que sur les 300 monuments historiques de la ville, 80 seulement ont pu être sauvegardés.
Mais nous voici dans le hall de l’aéroport. De l’autre côté de la vitre nous apercevons notre nouveau guide. Il s’appelle Thuan.
Il nous conduit bientôt à l’hôtel, le « Gold Hotel » et nous laisse une bonne heure à reprendre quelques forces.
Il pleut sur Huê ou plutôt il tombe un léger crachin, mais la température est très douce, environ 20°. Je repense à Isabelle et son amie que j’avais rencontrées à mon départ de Roissy. Leur séjour doit être maintenant terminé.
La matinée commence donc par la visite d’un des nombreux tombeaux royaux construits dans cette vallée.
Nous visitons le tombeau de l’Eternité dédié à l’empereur Tu Duc qui régna de 1848 à 1883. La construction de son tombeau commença de son vivant , en 1864, pour s’achever en 1867. Les conditions de travail y étaient particulièrement pénibles pour les trois mille ouvriers et ils se révoltèrent en 1867.
L’endroit est un véritable havre de paix : un parc magnifique au milieu duquel se trouve un lac artificiel recouvert de nénuphars. Le parc est agrémenté de pavillons sur pilotis où l’empereur aimait se rendre pour écrire de la poésie.
Un imposant escalier mène à une première bâtisse qui lui faisait office de bureau. On accède ensuite à une autre cour où se trouvaient les appartements privés de l’empereur. A ce sujet, l’empereur eut plus de 100 épouses et concubines, mais, malgré cela, il ne réussit jamais à avoir d’héritiers ! Il aurait attrapé les oreillons dans sa jeunesse ce qui l’aurait rendu stérile.
Ensuite on accède à la cour d’honneur avec ses rangées de mandarins et d’animaux traditionnels (les chevaux et les éléphants). La taille des statues est volontairement petite car il était interdit de représenter les mandarins plus grands que l’empereur et comme celui-ci ne mesurait pas plus de 1m45, vous comprenez.
Un peu plus loin se trouve la stèle en marbre qui vante les mérites de l’empereur ; elle est gravée en caractères chinois et pèse plus de 20 tonnes. C’est une sorte d’autobiographie rédigée par l’empereur lui-même. Enfin on accède au tombeau proprement dit de l’empereur. ( tiens, je n’ai pas photographié ? …)
Tous les bâtiments sont en restauration suite aux dégâts produits par une importante crue de la rivière qui laissa des traces noires que vous apercevez sur les photos.
On était bien dans ce parc, s’il n’y avait eu que moi, on y serait bien resté un peu plus longtemps. Mais d’autres visites nous attendent.
Sur le chemin du retour on s’arrête devant une petite échoppe où une famille fabrique des bâtons d’encens. La petite jeune fille nous fait un peu pitié et dans le coup on achète tout le stock !
Puis nous rentrons à Huê pour le déjeuner.
A suivre
20:48 Publié dans Croque mots | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage, vietnam, huê
samedi, 01 octobre 2011
209. Bilan d'une décennie -49-
Vendredi 12 janvier 2007 :
Après le déjeuner, nous partons visiter le musée historique situé à l’autre bout de l’artère principale de la ville. De part et d’autre du jardin situé à l’entrée se trouvent des vestiges de la bataille ( canons, chars et autres véhicules).
Le musée est bien sûr dédié aux soldats vietnamiens, on y trouve bon nombre de photos des héros Vietminh, des outils ayant servi à la constructions des tunnels, des documents, des cartes…
Dans une salle, une immense maquette retrace le déroulement de la prise de Diên Biên, jour après jour. Les explications sont données en français. C’est extrêmement bien fait.
Après cette visite, on traverse la route et l’on se retrouve au pied de la colline « Eliane ». Sur le côté se tient le cimetière viet, entièrement restauré en 1994, à l’occasion du 40e anniversaire de la bataille.
Puis nous nous rendons au QG du général De Castries et devant le monument aux morts dédiés aux soldats français ( je vous en ai parlé hier).
Tournons donc la page…
Voici Diên Biên en 2007 : une ville en pleine expansion, très commerçante, pas très belle et assez sale.
Comme il nous reste du temps avant le dîner, nous en profitons pour nous balader. Les filles ont soudainement une crise de fièvre acheteuse !
Mais la nuit tombe soudain à 18h et nous nous rendons compte que nous sommes bien loin de l’hôtel. La pénombre qui s’ensuit et les magasins qui baissent leurs grilles peu à peu rendent soudain l’endroit beaucoup moins attrayant ! On ne voit plus très bien sur quoi on met les pieds et c’est pratiquement au pas de course que nous rejoignons les autres pour le dîner.
Samedi 13 janvier 2007 :
Le lendemain matin Tien nous emmène visiter un village situé en dehors de la ville. C’est un endroit assez isolé dans la forêt et où l’ANAPI a construit en 1991 une petite école.
Puis retour à Diên Biên pour une visite du marché. Là j’ai pu découvrir d’où proviennent les gros vers blancs que l’on voit dans les bouteilles d’alcool ! Les femmes les récupèrent dans les tiges des jeunes pousses de bambou.
Ensuite le car nous conduit à l’aéroport où nous devons prendre l’avion pour rejoindre Hanoï. Un pique-nique est prévu dans le hall d’attente.
L’aéroport a été reconstruit sur les bases de l’ancien aéroport français. Pour y accéder, il faut montrer patte blanche car l’accès en est farouchement gardé !
Ah mais… voici notre avion. Il est environ 12h quand l’avion décolle. Nous survolons les rizières, le paysage est magnifique vu de haut. Adieu les plateaux du nord-ouest !
Il est approximativement 13h30 quand nous atterrissons à Hanoï.
Nous voici donc de retour à Hanoï ! L’entrée dans la ville nous permet de constater le vaste chantier en cours : les usines ultra-modernes, les quartiers résidentiels et les hôtels ultra-chics sortent de terre à la vitesse des champignons ! Depuis la levée de l’embargo américain, en 1994, la prude Hanoï tend à devenir une vaste mégalopole où les investisseurs japonais, coréens, américains et dans une moindre mesure, européens, implantent des complexes gigantesques.
Le centre garde heureusement son charme suranné de ville coloniale, avec son immense lac en plein cœur de la ville.
Nous commençons par visiter le musée d’ethnographie du Vietnam., situé à 20minutes du centre. Dans un vaste parc ce musée présente une collection intéressante d’objets artisanaux des différentes ethnies peuplant le Vietnam. On compte 54 ethnies au Vietnam. La plus représentée est l’ethnie des Viet qui compose 86 % de la population du pays. Les 14% restants regroupent 53 ethnies d’origine diverse parmi lesquelles les Hmong, les Yao et les Thaï.
A l’extérieur du musée, on peut admirer une reconstitution de différentes maisons, des barques de pêche, un théâtre de marionnettes sur l’eau. Le jardin est le lieu rendez-vous privilégié des jeunes mariés qui viennent s'y faire prendre en photo.
Retour au car pour une nouvelle visite. Cette fois-ci nous entrons dans le cœur de la ville, en pleine circulation.
Voici le temple de la Littérature. Construit en 1070, ce temple fut consacré au culte de Confucius et accueillit la première université du Vietnam. Ce collège fut par la suite transféré dans la ville de Hué ( en 1802).
Il est composé de cinq cours majestueuses que l’on franchit par trois portes, la porte centrale étant réservée au mandarin.
Dans la troisième cour, on peut découvrir 82 stèles soutenues par des tortues de pierre. Y sont gravés en chinois les noms des lauréats des concours, au total 1307 « docteurs ». Le nom le plus récent date de 1779.
J’avoue bien humblement avoir un peu zappé les explications, occupée surtout à photographier les bonsaïs ! C’est ça le problème des voyages en groupe, on n’a jamais le temps de flâner.
Après cette belle visite (pour ceux qui aiment l’architecture asiatique, ce qui n’est pas obligatoirement mon cas), nous repartons dans le centre pour une promenade à pieds.
Arrivée à un carrefour, je m’arrête deux minutes, le temps d’acheter un ananas tranché ( une soudaine petite envie), quand, me retournant, je m’aperçois avec angoisse que j’ai perdu le groupe ! Dans la cohue j’ai beau regarder à droite, à gauche, devant… Plus de Français ! Un certain vent de panique commence alors à m’envahir : je ne me souviens pas où le car s’est garé, je n’ai pas le nom de l’hôtel où nous devons passer la nuit, je n’ai pas pris le guide du routard ( là au moins je pourrai trouver l’adresse de l’ambassade) et je n’ai aucun numéro de portable des membres du groupe ! Alors je me lance au beau milieu du carrefour, parmi les vélos, scooters, motos pétaradantes qui me passent de tous côtés et cherchant vainement une tête connue ! C’est alors que j’aperçois devant moi, mais assez loin… un béret basque ! C’est le grand Bruno, le kiné, qui avait eu la bonne idée ce jour-là de mettre son béret. Sauvée par un béret au milieu des casques coloniaux et des chapeaux coniques… Merci Bruno !
Cette vidéo, trouvée sur le net, rend bien l'atmosphère du moment :
Vietnam-rues par lavilal
Le jour commence à décliner quand nous faisons une longue balade en cyclopousse à travers les vieux quartiers. Chaque rue regroupe une corporation différente.
Après le dîner (dont je n’ai aucun souvenir), le car nous fait faire un tour dans Hanoï. Au passage nous pouvons voir un gigantesque monument de marbre et de granit : il s’agit du mausolée de Hô Chi Minh. On retrouve tout à fait l’architecture des grands monuments de l’âge d’or du communisme. Quand on songe que Hô Chi Minh, mort en 1969, souhaitait se faire incinérer sobrement, qu’il voulait que ses cendres soient dispersées sur trois collines du Vietnam (au nord, au centre et au sud) afin de symboliser la réunification du pays … On est loin de ça ! Il repose dans ce sanctuaire, momifié comme le fut Lénine.
Un peu plus loin, on passe devant la maison du général Giap, le vainqueur de Diên Biên Phu. Il est toujours en vie et on peut l’apercevoir de temps en temps se promener tranquillement dans son jardin.
Voilà, la visite d’Hanoï s’arrête ici. Il est certain que nous n’avons pas tout vu et que cette ville mérite au moins qu’on y séjourne une semaine. Ce sera l’occasion d’y revenir !
L’hôtel nous attend pour une COURTE nuit : le réveil est prévu en effet à 3h45… Pourquoi une heure aussi matinale ?
Vous le saurez demain !
A suivre
05:18 Publié dans Croque mots, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage, vietnam, hanoi