dimanche, 01 décembre 2013
204. Les petits travaux disparus -4-
" J’ai un bon souvenir de ces moments avant le repas du soir où nous nous retrouvions tout à coup rassemblés sous la lampe avec le feu pétillant dans la cheminée.
L’année de mes sept ans je commençais à lire, je m’intéressais mieux à l’école. J’étais beaucoup moins timide et j’y allais quelques fois seule, je n’attendais pas toujours les « hou hou » des autres enfants. Ils étaient plus âgés que moi et il y avait des disputes entre eux. Je me sentais à part, étant plus jeune. Maman me grondait, elle n’aimait pas me savoir seule, mais moi, je me sentais déjà indépendante …
Cette année là, maman tomba gravement malade et elle dut être opérée ; à cette époque on n’opérait pas si couramment. Un jour elle partit aux Dames Blanches . nous étions tous désemparés et tristes. Mélina avait tout à faire, elle s’organisa. C’était pendant les vacances ; Elle pensa que je pouvais garder les vaches dans un champ destiné à être entouré pour faire un pacage. Il fallait garder les vaches et elle n’avait pas le temps. Mes frères travaillaient avec les chevaux dans les champs. Les moissons, les vignes, le jardin avec papa …
Donc me voilà partie garder les six mères vaches … Mais il y avait la Cailleau ! Elle n’aimait pas les enfants ni les chiens, elle fonçait toujours sur ce qui bougeait. Alors papa lui installa une planche attachée à ses cornes afin qu’elle ne voit pas de face. Elle était superbe, elle avait un beau petit veau, c’était une belle normande.
Mélina me donna un bâton solide, me recommanda de l’avoir toujours dans les mains sinon les vaches n’auraient pas peur de moi. Elle me montra les limites du champ, me dit qu’elle regarderait au coin de la maison de temps en temps pour voir si tout se passait bien et elle me laissa.
J’avais un peu peur mais j’étais très fière. Je connaissais bien nos vaches : Cailleau, très gourmande, mangeait sans arrêt, sa langue ramassant l’herbe à gauche, à droite. Il y avait Rusée, Fleurie, Câline, Giroflée, Rosalie. Elles avaient faim.
Je n’eus pas d’ennuis ; de temps en temps Mélina me faisait un grand bonjour du bras et je lui répondais. (Voilà comment commença mon gardiennage que je continuerai pendant des années). Je me sentais grande ! Maman serait très fière.
Je ne m’ennuyais jamais, il y avait toujours quelques hommes travaillant avec des chevaux dans les champs voisins. Je regardais les alouettes hautes dans le ciel chantant leur joie. J’écoutais les bruits, couchée à même la terre. Je surveillais les vaches les plus curieuses : Rusée était toujours en bordure, prête à faire des sottises. Je courais alors avec mon bâton en équilibre sur le bout du doigt ou en faisant des moulinets.
Quand il était l’heure, Mélina appelait et les vaches relevaient la tête rapidement, comprenant très bien qu’il fallait rentrer dans le pré où elles allaient boire dans les bassins remplis d’eau tirée au puits. En rentrant des champs, je devais garder ma petite sœur qui n’avait que deux ans.
Un jour Mélina décida que nous irions voir maman à la clinique. Papa nous conduisit à Luynes en carriole jusqu’à la gare où l’on prenait le tramway qui allait à Tours. Nous descendions au bout du pont de fil. Le tramway continuait vers Choiseul pour prendre le pont Wilson et la rue Nationale dans la ville. Nous devions traverser le pont de fil à pied. Je me revois regardant la Loire sur ce pont en planches qui bougeaient un peu sous nos pas. C’est que nous n’allions pas souvent à Tours ! C’était tout un évènement pour moi. En plus j’étais émue car je ne savais pas comment j’allais trouver maman. J’avais un tas de choses à lui raconter. Il faisait très chaud, Mélina dut porter Mimi dans ses bras.
Il y avait une autre personne dans un lit auprès de celui où était maman et cela me surprit, je ne savais plus que dire. Maman était maigre, ce n’était plus maman … Celle de chez nous, celle que je retrouvais en rentrant de l’école. Je fus déçue, vaguement inquiète.
Au soir, Mélina dit à papa que ça allait et qu’elle rentrerait la semaine prochaine ; Alors je me rassurais.
En effet, maman revint à la maison mais je continuais d’aller aux champs seule le matin. Le soir, c’était Mélina ; elle s’asseyait dans l’herbe et cousait.
Mélina adorait ma sœur, la prenait dans ses bras, l’embrassait, la bourrait de dragées, de pralines, et moi jamais, je n’avais rien. Elle ne m’embrassait pas et surtout elle ne me donnait pas de pralines ni de dragées. C’était ça le pire pour moi. J’allais quelques fois voir dans son armoire, mais la boîte était toujours en haut. Maman savait ces gâteries envers Mimi et ça l’ennuyait beaucoup car ça rendait la petite capricieuse et moi un peu jalouse, quoique assez indifférente envers Mélina. Je ne l’aimais pas et elle non plus peut-être. Seulement je ne comprenais pas pourquoi. Je n’avais que sept ans …"
À suivre
Les Dames Blanches : ancienne clinique située dans la rue Georges Courteline à Tours, tenue par des sœurs qui portaient de grandes cornettes blanches. C’est là que je suis née en 1949 … Puis ce fut le tour de Peggy, en 1972. À cette date, les sœurs étaient toujours présentes mais elles ne portaient plus de cornettes.
Aujourd’hui les bâtiments de la clinique ont été rasés pour laisser place à une maison de retraite haut de gamme.
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samedi, 30 novembre 2013
203. Les petits travaux disparus -3-
Il y avait des enfants un peu plus grands que moi qui venaient de Vaugareau dans la vallée et nous, nous étions à la Barbinière, sur la côte, un peu en retrait. Nous devions prendre un petit chemin vert piéton pour arriver sur la route. Maman avait demandé à Jean et à Jeanne -des jumeaux enfants d’une amie de maman- et à quelques autres de me prendre en passant. Ils faisaient « hou hou » très fort et je me retrouvais avec eux. Au début j’étais très timide et puis je me suis habituée. Au repas de midi j’allais chez une cousine pour déjeuner mais je ne m’y plaisais pas, elle n’aimait pas les enfants et je le sentais ; finalement je ne mangeais rien ou peu, je m’ennuyais.
Il n’y avait pas de cantine à l’école et comme papa était au conseil municipal, lors d’une réunion il a proposé d’organiser une cantine pour les enfants de la campagne ; Il fournirait lui-même les légumes pour faire un bon potage. Dans l’école on trouva un local où furent installés une cuisinière, une table et des bancs. Les grands avec la maîtresse firent la soupe. Nous devions mettre le couvert, faire la vaisselle, remettre tout en ordre après avoir mangé la soupe et nos tartines. Ce que nous avons été heureux dans cette cantine ! À tour de rôle, une grande surveillait, mais ce n’était pas très sérieux, nous étions assez libres.
Heureux enfants ! Aujourd’hui tout doit être réglementé, des tables et des chaises d’une certaine dimension, une salle proportionnée et insonorisée, des règles d’hygiène draconiennes où c’est tout juste si les cuisiniers ne sont pas attifés comme des chirurgiens. Quant à la bouffe, n’en parlons même pas !
Je n’ai pas dû apprendre grand-chose la première année, je me suis simplement habituée.
J’aimais assez la maîtresse, mais le soir j’étais folle de joie de rentrer chez nous. Mes camarades me laissaient en haut de la côte et je descendais par le chemin. De là je voyais toute la ferme, la cour avec un bâtiment à droite, la façade à l’ouest qui comprenait la cuisine, une écurie, un hangar, une autre écurie de chevaux, un autre bâtiment face au midi avec l’étable, la grange, le cellier et nos chambres. Derrière l’étable et la grange il y avait la laiterie, le toit à porc et aux chèvres, le puits, le jardin et les cabinets …
Ah, la cabane au fond du jardin ! J’ai connu ça aussi chez elle et son mari. Un trou profond dans le sol, entouré de planches pour poser les pieds et, accroché à un fil de fer, le journal coupé en petits feuillets.
Nous devions passer entre les bâtiments par une « ruette » -un grand couloir avec un caniveau qui partait de la cuisine-. Cette ruette était glaciale l’hiver. Très souvent je voyais maman préparer les lampes pour le soir ; Elle les emplissait de pétrole, les essuyait bien ; Elle faisait ça dehors à couse de l’odeur. Elle remplissait aussi la lampe tempête pour l’étable et les chevaux. Il n’y avait pas encore l’électricité en campagne, ni lampe de poche comme maintenant. Il fallait aussi rentrer le bois à la cuisine. Oui, chez nous il y avait un coin « tas de bois » rempli de rondins fins et gros pour la cheminée. Mes frères faisaient cette corvée, ensuite, quand j’eus dix ans, c’était moi. Nous n’avions pas encore de cuisinière et maman faisait la cuisine dans une marmite. Elle en avait une grosse et une petite.
Il y avait aussi un coin « eau » sur une petite table : c’était une seille pleine cachée sous un torchon pour la protéger de la poussière. Nous avions intérêt à faire le plein d’eau avant la nuit car le puits était assez loin. Cela est devenu ma corvée sitôt que j’ai su tirer de l’eau au puits.
Dehors, à gauche de la porte de la cuisine il y avait une sorte d’évier en pierre où était toujours posé un godet que nous remplissions d’eau. Du fond du godet partait un tuyau par où coulait l’eau sous laquelle nous nous savonnions les mains. L’eau sale s’écoulait dans le caniveau.
L’été mes frères et papa faisaient leur toilette dehors ; nous et maman faisions notre toilette dans une grande bassine dans la chambre.
En 1960, les choses avaient peu évolué à la campagne. Quand j’y allais en vacances, on faisait toujours sa toilette dans la cuisine et pour se laver complètement, Yvonne mettait une grande lessiveuse d’eau à bouillir dans la buanderie.
Le soir maman et Mélina trayaient et distribuaient nourriture et litière. Mes frères s’occupaient des chevaux, des cocottes et des moutons. Papa lisait le journal et nous, nous jouions toutes les deux, ma petite sœur étant devenue une belle petite fille avec de jolies boucles.
À suivre
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vendredi, 29 novembre 2013
202. Les petits travaux disparus -2-
" Enfin la joie me revint et je m’habituais à ces nouvelles personnes. Je comprenais bien que maman devait s’occuper du bébé et de la maison. J’accompagnais souvent la bonne à l’étable, à l’herbe, ou courais après mes frères. J’adorais mes frères !, L’aîné, Aimé, seize ans, conduisait déjà les chevaux. Je ne me rappelle pas avoir joué avec lui. Ce qui m’intriguait et me fascinait le plus, c’étaient les bagarres entre lui et mon second frère, Raymond, treize ans et demi. C’était à qui des deux serait le plus fort ! Cela se passait presque toujours dans la grange, quelquefois au sujet du coupe-paille. Ray ne voulait pas pousser la paille et comme Aimé tournait la manivelle, il fallait bien que quelqu’un pousse la paille … Alors c’était la bagarre. J’avais un peu peur mais je restais là, surveillant si quelqu’un arrivait ; je donnais aussitôt l’alerte et la bagarre cessait. J’avais compris très vite que je ne devais pas moucharder si je voulais avoir le droit de jouer avec Raymond ; Il avait un grand sac de billes et billons de toutes les couleurs et pour en posséder je savais me taire.
Cette année là, il m’est arrivé une aventure que je n’ai jamais oubliée :
En automne, n'ayant pas encore de pacages, nous allions conduire les vaches aux champs. J’étais avec Mélina, assise dans le bas du champ des « Maltrets », à environ trois cents mètres de la ferme , gardant nos vaches, quand je m’aperçois qu’il manquait Cailleau, une superbe génisse de dix-huit mois, blanche avec des petites taches rouges, très fière.
Je partis à sa recherche ; en effet, je la trouvais tout en haut, cachée à notre vue par le dos d’âne du champ ; elle mangeait tranquillement. Je voulus lui faire faire demi-tour … Mais en vain ! Moi, petite bonne femme de cinq ans, ne lui faisait pas peur.
Tout à coup, agacée, elle fonça sur moi et me renversa sur le dos avec sa tête. J’eus un peu peur et voulus me relever, mais elle refonça sur moi, cela plusieurs fois de suite. Je m’aperçus que si je ne bougeais pas, elle non plus, me tenant en respect … Mais elle ne s’en allait pas !
Ce manège dura un moment et j’ai dû me mettre à pleurer.
C’est maman qui, de chez nous, allant chercher de l’eau au puits, aperçut la Cailleau, seule, la tête posée sur quelque chose de bleu … Tout à coup elle comprit ce qui se passait, accourut et me prit dans ses bras. Je me sens encore emportée par maman. Mélina arrivait en même temps. Je n’avais pas eu si peur que ça, d’ailleurs je n’ai jamais eu peur des vaches par la suite."
Ce n’est pas mon cas ! Lorsque j’allais en vacances chez Yvonne, il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir à garder le troupeau de sept à huit bêtes dans un champ non clôturé. Armée de ma badine et un livre sous le bras, je partais donc peu rassurée je l’avoue. Il y avait une vache particulièrement récalcitrante, qui n’en faisait qu’à sa tête malgré toutes mes gesticulations. Ma plus grande hantise c’était de la voir aller sur la route ! Par chance, ça n’est jamais arrivé.
" Il y avait un chien à la maison mais il n’était pas souvent en liberté. Il était méchant parait-il.
C’est pourquoi nous ne l’emmenions pas nous aider à garder les vaches. Il était attaché au bout d’une grande chaîne à la niche que papa lui avait construite ; Il gardait la cour. Ce grand chien noir au poil ras s’appelait Vermouth et moi j’étais son amie ; Souvent je lui portais sa soupe ou sa tartine enduite de sauce ou encore les restes de notre repas. Il était doux avec moi.
Quand il pleuvait, mon plaisir était de rentrer avec mon chien dans la niche et tous les deux nous regardions tomber la pluie.
Au printemps suivant, maman alla rendre visite à ses parents habitant à environ deux kilomètres. Je revois ma petite sœur assise dans son landau vert, haut sur roues, et moi trottinant à côté.
Un jour, en revenant, Mimi – comme j’appelais ma petit sœur- se mit à jeter ses chaussons par-dessus bord. Je ramassais plusieurs fois de suite, mais, hop, un moment d’inattention et elle n’avait plus qu’un chausson … J e me souviens que maman voulait me faire faire demi-tour pour chercher ce chausson, mais je n’étais pas disposée à obéir. J’ai fait la comédie, maman était très fâchée et nous avons dû retourner assez loin pour le retrouver.
À la rentrée en octobre 1924 j’avais six ans et ce fut donc l’école. À cette époque les enfants allaient à pied en classe ; heureusement nous n’habitions qu’à deux kilomètres en prenant un chemin après un bout de route départementale. Maman m’apprit à faire attention pour traverser. Il n’y avait aucune maison … Maintenant c’est le nouveau Luynes : le domaine de Vaugareau, la salle des sports, le tennis, la piscine se trouvent justement sur le chemin que je prenais alors, qui traversait les champs et les vignes et qui descendait en pente dans Luynes, au pied du château dont nous avions la vue magnifique du côté-ouest. "
À suivre
17:44 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 28 novembre 2013
201. Les petits travaux disparus -1-
La dernière fois que je vis "tante Yvonne", c'était un jour d'août 1978. Ce jour là mes parents l'avaient invitée à déjeuner dans leur maison de Cormery et j'étais allée la chercher en voiture à Luynes.
En 1980, au moment du décès de maman, elle m'avait écrit une lettre très touchante à laquelle je n'avais pas pu répondre. Et puis, nos chemins se sont définitivement séparés ...
Ce matin je ne fus pas donc pas étonnée d'apprendre qu'elle était décédée depuis plus de dix ans. Je me suis surtout reprochée d'être restée silencieuse durant toutes ces années.
Elle habitait toujours la vieille ferme sur le plateau ; c'est là que j'ai passé mes vacances de 1958 à 1962. Yvonne n'avait aucun lien de parenté avec ma famille. Mes grands-parents maternels avaient fait sa connaissance et celle de son mari durant la guerre alors qu'ils cherchaient à se ravitailler. Une solide amitié s'était alors nouée entre eux.
La dame à qui j'ai téléphoné ce matin m'a dit que le fils d'Yvonne vivait à Saint-Cyr. Il doit avoir environ 75 ans. Je l'ai peu connu, il était alors mobilisé en Algérie.
Aujourd'hui me restent alors les souvenirs d'enfance bien gravés dans ma mémoire et aussi un dossier intitulé "Les petits travaux disparus". C'est une copie manuscrite des souvenirs d'enfance d'Yvonne. Elle m'en avait donné un exemplaire. J'ai envie de partager ce récit avec vous :
" En ce début d’année 1978, qui va être l’année de mes soixante ans, je me sens comme une adolescente qui se prépare à rentrer dans la vie des adultes, c'est-à-dire avec un peu d’inquiétude.
Je vais donc entrer dans le « troisième âge », puisqu’on a tendance actuellement à faire des sélections, des catégories. Avant de me laisser aller dans ce 3e âge j’ai envie de faire un retour en arrière, de retrouver la petite fille des années 1923 à 1930.
La vie a beaucoup changé depuis cette époque. J’ai des petits enfants, je pense et je compare souvent leur enfance à la mienne. Je trouve que la mienne était bien riche et je vais essayer d’en parler …
Quand je pense aux enfants habitant ces grands immeubles de béton, le nez devant la télévision, ou parqués dans un semblant de jardin-gazon, avec le bruit infernal des voitures, je trouve avoir été une petite fille libre avec des responsabilités, apprenant tout de la nature qui est bien le meilleur professeur …
Mes souvenirs les plus précis datent de la naissance de ma petite sœur. Pour cet évènement attendu, mes parents m’avaient mise chez mes grands-parents paternels, à une vingtaine de kilomètres de Luynes, à Parçay-Meslay, ce qui était une grande distance pour moi qui n’avais jamais quitté la maison et qui ne connaissais pas mes grands-parents ou si peu …
Pourtant je me suis assez vite habituée, sachant que je devais obligatoirement rester là puisque nous devions avoir un bébé à la maison et qu’à ce moment là mes parents viendraient me chercher. Je me revois les soirs d’été, couchée sur le dos à côté de Grand-père, allongé dans l’herbe encore chaude, gardant Bichette, une superbe jument demi-sang Bai-cerise qui broutait tout autour de nous. Grand-mère allait presque tous les samedis au marché de Tours avec Bichette, mais ce n’était pas toujours facile car Bichette était capricieuse et si elle n’était pas décidée, elle faisait demi-tour sur la route et revenait chez elle sans que Grand-mère puisse la retenir ; ce jour là il fallait la dételer.
Quelques fois j’allais rejoindre ma cousine de neuf ans qui gardait ses vaches dans un champ de trèfle luzerne, mais auprès d’un champ de blé prêt à être moissonné ce qui donnait beaucoup de surveillance à ma cousine, les vaches ayant toujours envie d’aller traîner dans le blé. J’allais la trouver mais je n’étais guère rassurée, ces bêtes inconnues me faisaient peur, je n’avais cependant pas peur des nôtres. Nous nous amusions alors à nous cacher dans le blé pour faire peur aux effrontées ! J’avais tout juste cinq ans.
Mon oncle, ma tante et mes cousines habitaient une ferme à cinq cents mètres de chez Grand-père. Je n’ai pourtant pas osé y aller seule, j’avais peur de leurs chiens. Je jouais avec César, le chien de Grand-mère ; il était vieux et n’avait pas de queue. Je m’amusais des heures entières avec des plats en porcelaine qu’une dame avait donnés à Grand-mère pour ses petites filles. Le soir nous allions chercher du vin aux caves par un sentier tortillant à travers champs. Je me revois sautillant devant ou derrière Grand-mère. Mes grands-parents n’étaient pas débordant de tendresse mais je me sentais aimée et en sécurité.
Un beau jour de 15 août ma petite sœur est née. Quand la nouvelle m’est parvenue je ne savais que dire ! J’étais aussi un peu inquiète car je sentais qu’il y aurait quelque chose de nouveau à la maison, que ma petite vie serait changée … Après beaucoup de questions et d’impatience il fut convenu que mes grands-parents me reconduiraient dans quelques jours chez nous, en carriole anglaise à laquelle on attelait Bichette. Quelle joie, que de choses à voir en carriole ; on a le temps de tout voir et d’entendre le trot régulier, vif, fier du cheval, voir ses oreilles toujours en alerte, voir le paysage aussi loin que porte la vue.
Maintenant les enfants sont en auto. Que voient-ils ? La route défiler à toute vitesse, aucune sensation si ce n’est d’aller plus vite, ou bloqués dans un bouchon et entendre s’énerver les parents au volant. Quel dommage !
Bien sûr, revoir maman, papa, mes frères me fit une grande joie ; mais en faisant connaissance de ma petite sœur que je trouvais vraiment petite, je fus très déçue. J’avais espéré un bébé moins fragile qui aurait joué un peu … En plus, je dus faire connaissance d’une personne étrangère à la maison, une bonne, Mélina, une célibataire d’une trentaine d’années à qui je trouvais l’air sévère. Je me rappelle avoir été me cacher dans un taillis touffu de lilas sous l’escalier en pierres conduisant au grenier pour pleurer. Comme un enfant peut être ingrat ! Oui, j’avais envie de repartir avec Grand-père et Grand-mère …"
À suivre
12:08 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 08 décembre 2012
282. Identifiées !
Ces deux jeunes filles sont sur la couverture de mon livre, L'âme du vieux Tours.
Hier je reçois un message des Éditions Sutton. Dans ce message, Nicolas m'informe que les deux jeunes personnes ont été reconnues !
Voici le message qu'il a reçu :
Monsieur,
Je me présente, Sandrine L., et par le plus grand des hasards, en allant faire une course chez mon buraliste, alors que je ne regarde jamais du côté des livres, je vois en couverture ma maman Michelle L., qui habite actuellement à Saint-Avertin, ainsi que ma tante Marcelline qui demeure à Saint-Gaudens.
Histoire incroyable ! J'en ai donc acheté 3, un pour moi, un pour ma maman et un pour ma tante. Cette photo a ému toute ma famille.
En fait, je vous écris, suite à mon appel téléphonique aux Éditions Sutton, afin de faire part de cette magnifique découverte. Pour plus de précision, cette photo a été prise rue du Petit Saint-Martin à Tours, devant chez ma grand-mère maternelle.
Je tiens à remercier de la part de ma mère et ma tante les Éditions Sutton.
Veuillez agréer, Monsieur, mes sincères salutations.
J'en connais un qui va être ravi de pouvoir mettre un prénom à ces deux jeunes filles. C'est Paul ! Je vais l'informer de la nouvelle dès aujourd'hui.
02:21 Publié dans Correspondance | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre, photo, ame, vieux tours, martinaud, leger