samedi, 22 novembre 2008
Le mauvais chemin (2)
Dans le journal du lendemain, un article mentionnait le sabotage d'une voie ferrée durant la nuit. Les dégâts, sans être importants, bloquaient cependant le trafic des marchandises pendant un certain temps. Le cafetier repensa alors aux propos de Marcel, la veille au soir et il fit tout de suite le rapprochement. Il n'avait pas tort... En quittant discrètement sa maison, Marcel avait été rejoindre deux acolytes de boulot, deux têtes brûlées comme lui et qui voulaient, à leur façon, résister à l'occupant. Ils auraient pu intégrer un réseau de résistance, il y en avait un dans la région. Mais on n'avait pas voulu d'eux, les responsables les ayant jugés trop dangereux pour les autres. Donc ils opéraient tous les trois en marge du groupe existant. De plus ils connaissaient très bien le réseau ferroviaire pour y travailler quotidiennement et quand ils en avaient l'opportunité, ils dérobaient à l'entrepôt le matériel nécessaire à leurs actions.
Le soir même, Marcel se rendit au café après son travail. Personne ne lui prêtait attention et cela le contraria. Il avait envie de crier: « Eh les gars! C'est moi qui ai fait sauter la voie ferrée cette nuit! Comme ça, les Boches, ils peuvent plus nous piquer ce qui est à nous! » Il passa commande d'un petit blanc. Le patron le servit au comptoir et lui dit tout bas: « Retrouve-moi dans la cour dans dix minutes. »Puis il prit son panier à bouteilles et fit mine d'aller chercher du vin à la cave. Marcel but tranquillement son verre et quelques instants plus tard se dirigea vers les toilettes situées dans la cour. Les deux hommes se retrouvèrent face à face.
« C'est toi qui as fait sauter la voie cette nuit ?
— Oui, ah ! Enfin quelqu'un qui porte de l'intérêt à ce que je fais avec mes potes !
— Là n'est pas le problème Marcel. Tu sais très bien que les Allemands sont de plus en plus sur la défensive depuis qu'ils perdent la guerre sur le front de l'est. Tu parles beaucoup trop. Tu dois te méfier de tout le monde, même de tes voisins les plus proches ! Tu te rappelles quand les Allemands sont arrivés dans la région ? J'étais mobilisé et j'ai dit à ma femme et à mon fils d'aller se réfugier à Bayonne. Quand ils sont revenus, la maison avait été cambriolée. Ce ne sont pas les Allemands qui nous ont volés, non, non, ce sont bel et bien les voisins ! Tu ne me crois pas, hein...et pourtant c'est vrai. L'autre jour, ma femme est allée chez madame P... faire retoucher une robe et qu'est-ce qu'elle a vu sur la table de la cuisine ? Une de nos petites cuillers en argent, elles étaient facilement reconnaissables car elles étaient gravées. Elle a fait celle qui n'avait rien vu, mais tu parles d'un choc ! Alors, quand je te dis de faire gaffe, j'ai mes raisons. Et puis, pense à ta mère ! Qu'est-ce qu'elle deviendrait s'il t'arrivait malheur ? »
Marcel écoutait, l'air penaud comme un gamin qui se fait réprimander par son instituteur. Au fond de lui, il savait que le cafetier avait raison. Il avait manqué un père à Marcel, le sien était mort accidentellement quand il était tout jeune et sa mère n'avait pas eu l'autorité suffisante pour apprivoiser ce jeune chien fou qu'il était devenu. Il jura sur la tête de sa mère de se contrôler, de boire un peu moins...
Cela dura quelques mois, puis les mauvaises habitudes reprirent le pas et de nouveau il joua les fanfarons. Mais entre temps la situation s'était modifiée. Le réseau des résistants avait mené des actions d'ampleur où il y avait eu des soldats allemands blessés et tués. Des otages français avaient alors été fusillés. Le journal continuait d'annoncer épisodiquement des sabotages ferroviaires et Marcel de se vanter à haute voix que c'était lui et ses potes les instigateurs ! Jusqu'au jour où...
A suivre
16:37 Publié dans Petites nouvelles de rien du tout | Lien permanent | Commentaires (0)
Gloire et décadence
Effervescence rue du Commerce à Tours en ce début de soirée devant l’hôtel Gouin. Nous sommes le 15 juin 1935 et va débuter le tournage du premier long métrage parlant dans la ville, Marie-des-Angoisses, d’après le roman de Marcel Prévost.
Arrive alors la belle Mireille Balin qui fut la star des années d’avant-guerre. On retrouve autour d’elle Pierre Dux, Françoise Rosay et d’autres acteurs moins connus.
Mais revenons à Mireille Balin. Elle tourna plusieurs films avec Jean Gabin dont le plus célèbre fut Pépé le Moko, film de Julien Duvivier tourné en 1936.
Durant la guerre, elle s’éprend d’un jeune officier autrichien de la Wehrmacht, Birl Desbok. A la Libération, elle tente de s’enfuir avec lui en Italie, mais ils sont arrêtés. La suite est une longue descente en enfer pour cette femme. Battue et violée par ceux qui l’ont arrêtée, baladée dans la ville de Nice sous les huées et emprisonnée. Quand elle sort de prison, le 3 janvier 1945, c’est une femme brisée et ruinée. Elle est hébergée chez sa cousine Thérèse à Paris. Mais cette dernière décède dans un accident d’avion en 1957.
En 1961, Mireille Balin est alors recueillie par l’association «La roue tourne» qui lui permet d’avoir un toit pour s’abriter. Elle meurt dans la misère totale et dans l’oubli le 9 novembre 1968. Sans l’aide de l’association, elle aurait été enterrée dans la fosse commune.
Elle repose maintenant au cimetière de Saint Ouen, carré 31, et depuis 1973 elle n’est plus seule. Un autre acteur célèbre est venu la rejoindre : il s’agit de Jean Tissier.
Triste histoire, n’est-ce pas ?
Un livre a été publié sur la vie de cette actrice. Il s’agit de « Mireille Balin ou la beauté foudroyée» paru aux Éditions de la Manufacture en 1989 et écrit par Daniel Arsand. Hélas, ce livre est devenu introuvable !
08:03 Publié dans Sur l'écran noir | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, mireille balin, tours
vendredi, 21 novembre 2008
De l'utilité du portable
Hier après-midi, j’attendais mes deux cousines. Je les avais invitées à prendre le café à la maison. J’avais pris soin d’expliquer le chemin à Colette qui était déjà venue une fois. Quant à Ginette, elle connaissait la résidence puisque sa petite-fille y habite également.
Il était 14h30 et j’attendais le coup de sonnette, connaissant l’exactitude de Colette.
14h35, toujours personne. Etonnant, pensai-je…
Aussi, pour plus de sécurité, je suis sortie en dehors de la résidence et j’ai guetté la voiture.
Soudain elles arrivent. Ouf, tout est parfait !... Ah mais, que se passe t-il donc ? La voiture continue sa route. Je me mets alors à crier, à faire de grands gestes au milieu de la route, espérant qu’elles me verraient dans le rétroviseur. Peine perdue. La voiture a bientôt disparu dans le virage.
Mes cousines n’ont pas de portable. C’est bien dommage car un coup de fil m’aurait permis de les prévenir.
Alors il ne me restait plus qu’à imaginer ce qu’elles allaient faire. En arrivant au bout de la rue, elles se rendraient bien compte qu’elles avaient raté l’entrée de la résidence, puisqu’elles étaient dans la bonne rue. Donc, en principe, 5minutes plus tard j’aurais dû les voir revenir dans l’autre sens. Mais rien… Au bout d’un quart d’heure, j’en ai eu marre d’attendre dans le froid et sous le crachin. J’ai aussi pensé qu’elles pouvaient essayer de m’appeler depuis une cabine (à condition d’en trouver une qui fonctionne). Je suis donc rentrée à la maison vérifier si je n’avais pas eu d’appel. Rien.
Je ressors, il est 14h55… Je pense avec regret que c’est fichu quand la voiture réapparait soudain dans le même sens que précédemment. Comme j’étais au bord du trottoir, j’étais persuadée qu’elles m’avaient vue. Je fais un grand signe de la main. Mais bizarrement la voiture ne semble pas ralentir. Il a fallu que j’emploie les grands moyens, c'est-à-dire que je me mette carrément au milieu de la chaussée pour qu’enfin Colette m’aperçoive et freine à mort !
On se reverra maintenant après les fêtes, pour la galette.
Aujourd’hui je n’ai rien fait, enfin, si, j’ai terminé le patchwork et j’ai commencé le quiltage.
J’ai reçu un livre sur la Touraine au cinéma. Je vais en commencer la lecture dès ce soir et j’aurai l’occasion de vous en reparler.
Si cela vous intéresse vous pouvez le trouver sur le site des Éditions Sutton.
Pas de nouvelles de ma fille. Je suppose qu’elle a beaucoup de travail en ce moment.
Thierry a entrepris une nouvelle sculpture, en voici une photo. C’est le dormeur.
A part ça, rien de neuf.
18:49 Publié dans Croque mots | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : patchwork, livre, cinéma, touraine editions sutton
jeudi, 20 novembre 2008
Le timbre du mois
13:40 Publié dans Evènementiels | Lien permanent | Commentaires (2)
Le mauvais chemin (1)
« Tais-toi Marcel, tu es bourré ! Tu dis n’importe quoi ! » Difficile de le faire taire, le Marcel, quand il a bu un petit coup de trop. Et pourtant, il doit arrêter là, il parle trop, il va s’attirer des ennuis. C’est ce que tous les clients pensent en ce soir d’hiver, dans ce bistro de quartier, dernier refuge des travailleurs avant de retrouver femme et enfants au foyer familial. Et Marcel est content parce que tout le monde l’écoute. Alors il fait le fanfaron, il en rajoute. Il se donne de l’importance, lui le petit employé des chemins de fer qui passe ses journées à poser des rails. Et puis il n’est pas pressé de rentrer chez lui, personne ne l’attend sauf sa mère. Sa mère, il y pense tout à coup et il sait qu’elle doit encore se faire du mouron à cause de lui. Alors il se dépêche d’ingurgiter un dernier canon et se tournant vers les gens attablés : « Bon, salut la compagnie ! Je vous quitte. Et rappelez-vous, cette nuit ça va encore chauffer ! » et tout en titubant légèrement il tire la porte puis descend les deux marches du café.
Marcel habite dans la cité ouvrière située à une centaine de mètres de là. L’air froid lui remet quelque peu les idées en place. Qu’a- t-il dit au juste ? Il ne sait plus trop, mais après tout cela n’a pas grande importance. Que risque t-il ? Tous les gens qui étaient présents, il les connaît, ce sont des voisins et il n’a rien à craindre d’eux. Il y avait bien Bibendum, assis en retrait à une table, mais il avait l’air dans ses rêves et puis il ne pige pas bien le français. Hans, que tous les gens du quartier appellent Bibendum en raison de sa ressemblance avec le gros bonhomme d’une marque de pneus, est le soldat allemand préposé à la garde de l’abattoir. C’est vrai qu’il est bien inoffensif, il n’a qu’une seule idée en tête : sauver sa peau et rentrer chez lui, là-bas, dans son petit village bavarois où il menait une vie paisible auprès de sa femme et de son fils. Et puis cette maudite guerre est arrivée… Son fils a péri quelque part, on ne sait pas où précisément, sur le front de l’est. Et lui, il a été incorporé dans les services auxiliaires à cinquante ans passés. Et tous les soirs il doit monter la garde devant ce foutu abattoir pour éviter les vols. Dans ses lettres, sa femme lui a dit qu’elle était aidée dans les travaux de la ferme par un soldat français fait prisonnier au début de la guerre. Que n’aurait-il donné pour échanger sa place avec le Français…Il aimait bien venir au café et observer ces Français, très gesticulateurs et braillards. Il aurait aimé pouvoir partager un verre avec eux, mais dès qu’il faisait mine de s’approcher d’eux, aussitôt un silence pesant s’instaurait. A plusieurs reprises il avait apporté de la viande au patron du café, croyant lui faire plaisir. Mais ce dernier avait toujours refusé l’offre, non pas qu’il n’en ait pas eu envie, mais par crainte des représailles. A cette époque, il fallait se méfier de tout le monde. On était si vite classé comme « collabo ».
Marcel franchit le seuil de la petite maison. Sa mère, heureuse de le voir, le réprimanda cependant : « Tu étais encore fourré au café, n’est-ce pas ? Tu vas finir par t’attirer des ennuis.» Ils dînèrent en silence, puis Marcel ressortit dans le jardin afin de couper un peu de bois pour alimenter la cuisinière. Il n’y avait plus de charbon depuis déjà un bon bout de temps. Sa mère était déjà endormie quand il prit son vélo et se dirigea sans bruit vers la rue.
A suivre…
05:58 Publié dans Petites nouvelles de rien du tout | Lien permanent | Commentaires (0)