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mercredi, 12 novembre 2008

La boîte


podcast

Avant toute chose, il faut que vous mettiez la musique, c'est utile pour recréer l'ambiance de ce qui suit :

Bon, on y va ?

 

Coup de sonnette. Le portier se dirigea vers le judas. En voyant la personne qui attendait, son visage s’éclaira d’un large sourire et il ouvrit rapidement la porte :

 Bonsoir, il y a bien longtemps qu’on ne vous avait vue ! C’est un grand plaisir.

La femme, indifférente à ces propos, s’avança dans la pièce obscure et se dirigea vers le vestiaire. Elle quitta son manteau, puis ses chaussures. De son grand sac, elle sortit une paire de chaussures à talons hauts qu’elle enfila prestement tout en tendant son vêtement à la fille qui s’occupait du vestiaire.

Son arrivée n’était pas passée inaperçue. Trois hommes au bar qui discutaient s’étaient arrêtés subitement et leurs regards étaient maintenant fixés sur la femme, la déshabillant du regard.

Elle était assez grande, des cheveux courts frisés, deux petites perles d'or aux oreilles. Elle portait un chemisier échancré de soie noire et une jupe moulante qui s’arrêtait juste au-dessus du genou. Elle n’était pas spécialement belle, mais il émanait de tout son être une grande sensualité, tant dans la façon dont elle s’assit sur le haut tabouret que dans la manière lente et très étudiée dont elle porta une cigarette à ses lèvres.

Du feu ? L’un des hommes s’était précipité vers elle, devançant les autres.

Elle ne répondit pas, se contentant d’approcher la cigarette de la flamme qu’il lui tendait. Elle posa une main  sur celle de l’homme qui tenait le briquet et un frisson parcourut alors ce dernier. Elle releva la tête, le dévisagea un court instant puis lui répondit d’une voix chaude et grave :

Merci.

Un grand silence régnait dans la boîte. Seule, la musique en fond rappelait qu’on était bien dans une discothèque. La piste était vide à cette heure de la journée.

La femme avait commandé une pina-colada et tout en sirotant son verre, elle détaillait chacun des hommes présents, choisissant sa future proie tout en gardant un air impassible.

Celui qui lui avait donné du feu précédemment s’était déjà installé sur le tabouret tout près, essayant d’engager la conversation :

Vous venez souvent ici ?

Quelle importance ? Le principal n’est-il pas que je sois là à cet instant  précis ?

Le ton avait été sec et surprit l’homme qui ne sut quoi répondre.

En voilà un d’éliminé, songea la femme avec un petit sourire méchant tout en continuant à siroter son verre.

Elle fixait maintenant les deux autres qui avaient repris leur conversation, ce qui ne les empêchait pas de jeter de temps à autre un coup d’œil vers elle. Elle était patiente, elle avait le temps, le temps qu’il fallait pour observer l’allure générale, les poses, l’habillement, la gestuelle, tout ce qui fait qu’un homme peut plaire physiquement, peut donner l’envie d’une étreinte le temps d’une ou de plusieurs danses et qui sait, après…

Justement, il y en avait un qui ne lui déplaisait pas. Grand, allure désinvolte, ce petit je ne sais quoi qui lui provoqua un petit frisson dans le bas des reins.

Bon, pas de panique, tout en douceur, songea t-elle. Elle l’observait fixement au travers de la glace qui se trouvait située derrière le bar. Au bout de quelques minutes, leurs regards finirent par se croiser. Elle ne baissa pas les yeux, lui non plus. Il sourit…Elle fit alors un geste de la main en direction du disc-jockey, dans sa cabine. Celui-ci arrêta aussitôt l’air en cours et en mit un autre.

Oh, elle n’eut pas besoin d’attendre très longtemps. Il était déjà là, devant elle, un sourire inquisiteur :

On danse ?

Sans répondre, elle descendit de son siège et le suivit au milieu de la piste… Hum, le disc-jockey connaissait ses goûts.

L’homme l’avait saisie par la taille, et lui chuchota à l’oreille :

Laisse-toi guider !

Elle ne demandait que ça, la coquine !...

___________________________________

 

Bon, on va peut-être s’arrêter là, non ? En tout cas, moi j’ai bien aimé, j’ai rêvé quelques minutes, le temps d’écrire cette note, d’écouter la musique de John Lee Hooker et croyez-moi, ça fait un bien fou !

Bon, je retourne à mon patchwork.

lundi, 10 novembre 2008

Jean-Élie (4)

Les enfants partirent en début d’après midi, en plein soleil. Jean-Elie avait l’habitude de marcher et il avançait d’un bon pas. C’était différent pour Danielle, une enfant de la ville, plutôt habituée aux transports en commun. Elle  eut vite fait d’être essoufflée, mais ne voulant pas paraître fatiguée, elle se força à suivre son compagnon de route, écarlate et en sueur sous un soleil de plomb. Ils atteignirent bientôt le cœur du village, niché au creux d’un vallon verdoyant. Les flonflons de la fête battaient à tout rompre et ils durent se faufiler au travers de la foule pour pouvoir admirer la fanfare locale défiler. C’est ce moment que choisit Jean-Elie pour s’éclipser discrètement. Quand Danielle se retourna, il était parti ! Alors parmi la foule des badauds endimanchés elle tenta de l’apercevoir, mais ce fut peine perdue… Elle comprit bien vite qu’il l’avait fait exprès et fut très en colère. Mais sa colère fut vite remplacée par une inquiétude grandissante. Comment allait-elle faire pour retourner à la ferme ? Elle n’avait pas pris garde au chemin suivi et se demandait si elle allait pouvoir rentrer seule.

Dès lors la fête ne l’intéressa plus, elle se mit à haïr ce village, ce gamin et tous les gens qui se trouvaient là. Elle n’avait plus qu’une idée en tête : rentrer au plus vite à la ferme.

Elle trouva le chemin du retour et repartit. La colère lui donnait de la force et malgré la chaleur et le soleil qui lui tapait sur la tête, elle fonçait sur la route, tout en ravalant sa rancœur et ses larmes. A un moment, la route se séparait en deux. Elle était incapable de savoir quel côté il fallait prendre. Dans ces cas-là, il n’y a pas d’autre solution que de faire confiance au hasard. Elle obliqua donc vers la gauche et tout en avançant, elle examinait les alentours à la recherche d’un indice confirmant que la route était la bonne. Mais, au fur et à mesure qu’elle avançait elle ne reconnaissait pas l’endroit. Au bout d’un bon kilomètre, elle décida alors de faire demi-tour et retourna au croisement. Elle emprunta alors l’autre chemin et bientôt la vue de quelques maisons au loin la rassura. Cette fois, il n’y avait aucun doute possible, elle était sur la bonne route. Elle ralentit un  peu la marche, se sentant plus en sécurité et finalement elle atteignit la ferme.

Yvonne fut très étonnée de la voir arriver seule.

« Où est Jean-Élie ?

—Je ne sais pas, on s’est perdu dans la foule et je ne l’ai pas revu », répondit la gamine au bord des larmes.

Yvonne parut très sceptique sur la véracité des propos mais ne dit mot.

A suivre ...

samedi, 08 novembre 2008

Jean-Élie (3)

Cette nouvelle contraria énormément Jean-Elie. D’abord parce qu’il devait laisser sa chambre et puis, inconsciemment, il craignait que cette nouvelle arrivante devienne le centre d’intérêt de la maison. C’est donc en ronchonnant qu’il prit ses vêtements, ses affaires de classe et qu’il mit tout ça en vrac dans la pièce d’à côté. C’était une toute petite pièce, l’ancienne chambre de Jacques, qui avait été transformée après son départ en garde-manger. Il y avait là un divan, une table, une grande armoire dans laquelle Yvonne entreposait ses conserves et les pots de confiture. 

Le lendemain, quelques jours avant le quatorze juillet, la nouvelle arriva, accompagnée de ses parents. Jean-Elie s’était mis en retrait et l’observait. Elle semblait avoir son âge mais elle était beaucoup plus grande que lui et plus forte aussi. Elle regardait autour d’elle et semblait assez décontenancée par le décor intérieur. Tante Yvonne l’appela alors pour faire les présentations. Danielle s’avança vers lui et lui tendit la main, mais il ne bougea pas.

« Eh bien, Jean-Elie, qu’est-ce que tu attends ? Dis donc bonjour !»

Alors, tout en maugréant, Jean-Elie tendit la main et serra mollement celle de « l’étrangère » tout en se disant que dès qu’il en aurait l’occasion, il se vengerait d’avoir perdu sa chambre. Occasion qui ne tarda pas à se présenter.

Le village se préparait à fêter le quatorze juillet. Il faut avoir vu le film de Jacques Tati, « Jour de fête », pour se représenter réellement ce que pouvait être une fête à la campagne. Tous les ingrédients étaient là : les forains étaient arrivés la veille et avaient dressé leurs manèges et leurs stands sur la place du village. Les filles s’étaient mises sur leur trente-et-un, arborant des robes rose bonbon et bleu ciel. Les vieux avaient ressorti le costume de la naphtaline. Les cafés du coin avaient décoré leurs terrasses avec des guirlandes et des lampions. Et puis il y aurait le bal populaire, le moment tant attendu dans les campagnes  pour faire connaissance… Bref c’était le grand événement de l’année.

Tante Yvonne donna l’autorisation aux deux enfants de s’y rendre, à pied bien sûr. Il n’y avait pas d’autre moyen de locomotion. Le village était situé à trois bons kilomètres de la ferme et la petite route qui y menait était sinueuse et pentue…

A suivre

Pour retrouver l'ambiance de cette époque, voici un extrait de "Jour de fête".

mardi, 04 novembre 2008

Amour brisé

 

Il y avait maintenant plus de quarante ans que la petite C… partageait la vie de Jean, quarante années durant lesquelles leur relation ne connut aucune défaillance. Bien sûr, C… savait qu’elle n’était pas la seule , mais il revenait toujours, fidèle à celle qu’il fut la première dans sa vie.

Et pour lui, C… s’était fait tatouer ses initiales, gracieusement entremêlées, au bas de sa cambrure.

Dans l’entourage de Jean, tout le monde connaissait cet attachement profond qui les unissait et personne d’autre que Jean n’aurait osé aborder C…

Ils n’avaient aucune pudeur dans leurs rapports les plus intimes, faisant comme si la présence des autres leur était indifférente. Et, le plus surprenant, c’est que personne ne semblait en être choqué.

Il fallait voir avec quelle tendresse Jean prenait C…délicatement entre ses deux mains,  caressant délicatement du doigt ses formes harmonieuses.

Le plus grand plaisir de C… était lorsqu'il  la couvrait de douceur, en particulier de confiture de clémentines, et qu’il venait ensuite la lécher doucement jusqu’à enlever toute trace de sucre. Il la reposait ensuite délicatement en soupirant : «Que c’est bon !»

Ce que C… appréhendait le plus, c’était le moment des vacances. Jean partait toujours seul et elle se retrouvait alors abandonnée dans le noir. Il n’avait jamais voulu l’emmener avec lui, de peur de la perdre sans doute !

Et puis un soir, au retour du travail, alors qu’il s’apprêtait à vivre un nouveau moment de douceur avec C…à l'heure du dîner, Jean vit sa femme, Monique, lui tendre un objet en plastique, l’air gêné, disant :

clown1.jpg

« Ben oui, je crois que j’ai fichu TA cuiller à la poubelle sans le faire exprès ! En voici une autre en remplacement.»

 

Fin

 

Jean-Élie (2)

Après cinq années passées en captivité, Roger était revenu brisé. Il était devenu un autre homme. Il ne parlait plus, se négligeait complètement au point d’en rendre Yvonne honteuse. Il reprit cependant les activités de la ferme, il fallait bien vivre. Et la vie reprit plus triste qu’avant…

Un beau jour Yolande, la fille d’Yvonne, leur présenta un jeune homme. C’était le fils d’un maraîcher et pour le couple de fermiers qu’ils étaient, le mariage de leur fille avec ce garçon était ce qu’on peut appeler «  un beau mariage ».

Pourtant Yolande n’allait pas connaître une vie facile. Les maraîchers sont des gens durs au travail et la terre doit donner son maximum. Elle s’usa rapidement à la tâche, sa santé se détériora  et un cancer l’emporta en quelques années. Elle laissait deux petites filles.

De son côté, son frère Jacques ne voulut pas continuer à s’occuper de la ferme et préféra aller travailler en usine et vivre dans une HLM avec le confort qu’il n’avait jamais connu à la campagne. Bientôt il se retrouva en Algérie.

Pour Yvonne, la vie avec Roger était insupportable depuis que les enfants étaient partis. Aussi avait-elle songé à accueillir un enfant de l’assistance publique. Oh, ce n’était pas pour l’argent que cela pouvait rapporter, qui était une somme dérisoire, mais plutôt pour compenser le vide affectif laissé par ses enfants.

C’est comme ça que Jean-Elie se retrouva à partager la vie de la ferme avec eux. Il n’avait jamais connu la tendresse et l’affection et l’attitude de Roger ne le gêna aucunement. Ces deux - là s’entendaient à merveille. Il appelait Yvonne « tante » et très vite il prit ses marques et ses habitudes. Il avait beau être malingre, c’était une boule de nerfs et il était courageux. Quand il n’était pas à l’école, il aidait Roger dans les travaux de la ferme. Une fois par an il allait à Tours avec Yvonne pour reconstituer sa garde-robe. C’est ce qui s’appelait « la vêture ».

La vie aurait pu continuer ainsi quand, un matin, Yvonne prit Jean-Elie à part et lui dit :

« On va bientôt recevoir une petite fille qui vient passer ses vacances avec nous. Elle ne restera pas définitivement. Tu vas lui laisser ta chambre, le temps qu’elle sera ici ! Elle s’appelle Danielle.»

A suivre ...