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lundi, 17 février 2020

Les seconds couteaux de Staline

J'ai fini de visionner le documentaire en trois épisodes présenté mardi dernier sur Arte, Goulag, une histoire soviétique. C'est excessivement intéressant et j'ai appris plein de choses concernant cette période de l'histoire en URSS. russie,goulags,lejov,beria

Mais les films passent et on oublie vite ... Aussi ai-je commandé le livre de Nicolas Werth, François Aymé et Patrick Rotman. Je devrais l'avoir en milieu de semaine.

Aujourd'hui, je vais vous parler de deux personnages qui ont eu un rôle majeur au sein de la police politique. Si les noms des dignitaires de l'Allemagne nazie nous sont familiers (Goebbels, Himmler, Goering, Heinrich, Hesse,etc), il n'en est pas de même avec leurs homologues russes. Aujourd'hui seulement on commence à parler ouvertement de ce qui s'est passé en URSS.

Parmi tous les noms cités (et ils sont nombreux !), j'en ai retenu deux :

Tour d'abord Nikolaï Lejov

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Chef du NKVD de septembre 1936 à novembre 1938,  il fut le principal exécutant des grandes purges de Staline. Il était surnommé le nabot sanguinaire en raison de sa petite taille (1m57) et de sa férocité. Il est décrit comme alcoolique, prédateur sexuel, sadique.

En 1930 il avait épousé Evguénia Khayoutina qui se suicida en 1938. Le couple avait adopté une petite fille, Natalia.

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Quand Staline en eut fini avec ses purges, il s'empressa de faire porter la responsabilité des crimes commis sur le dos de Lejov. Ce dernier fut arrêté en novembre 1939, puis fusillé le 4 février 1940.

La petite Natalia fut alors envoyée dans un orphelinat. Le nom de Lejov fut supprimé et elle devint Natalia Khayoutina. Je l'ai retrouvée à Magadan, dans le documentaire que j'ai mis sur la note précédente. C'est une pauvre petite vieille qui se rappelle avec beaucoup de nostalgie son enfance heureuse. "J'aimais tant mon père  ! "

Elle tenta d'obtenir sa réhabilitation à plusieurs reprises mais sans succès.

Le deuxième personnage est Lavrenti Beria, le successeur de Lejov à la tête du NKVD. Il dirige les purges dans l'ensemble de la Transcaucasie.

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C'est lui qui est chargé de la déportation de tous les Allemands de la Volga en 1941, puis des Tchètchènes et des Tatars de Crimée en 1944. Toutes ces minorités furent accusées d'avoir soutenu l'Allemagne. 

Les Tatars ont commencé à rentrer au pays quand l'Ukraine a récupéré la Crimée en 1954 (sous Kroutchev). Mais depuis la reprise de la Crimée par les Russes en 2014, je doute que ce flot de retours continue ! 

Lors de mon voyage dans le transsibérien, un jour que j'étais descendue du train pour acheter du ravitaillement ( le wagon restaurant est fermé le midi !), j'ai fait la connaissance d'une marchande d'origine allemande.Toute sa famille avait été déportée dans ce trou perdu pendant la guerre.

Que de tristesse dans ses propos et que de vies gâchées !

Mais revenons à Beria :

Il est présent au coté de Staline lors de la conférence de Yalta en février 1945. On rapporte que Roosevelt, ayant demandé à Staline qui il était, ce dernier aurait répondu :

— C'est notre Himmler à nous !

En 1947, Staline décide de se séparer de Beria. Il fait ouvrir un dossier le concernant. Le but est d'accumuler des preuves permettant de l'accuser de trahison à la cause du parti. On peut supposer que l'homme est sur ses gardes. La mort de Staline le sauve un temps. Mais le dossier n'est pas fermé pour autant et le 21 juin 1953, sur l'ordre de Kroutchev, il est arrêté en pleine séance du Poltiburo par le maréchal Joukov. Accusé de hautre trahison, il est exécuté en décembre 1953. 

Sa mort coïncide avec le début de la " déstalinisation". 

À regarder pour mieux comprendre :

L'exil sans fin des Tatars de Crimée

Russes Allemands ou Allemands Russes ?

samedi, 15 février 2020

La route des os

Encore une bien sinistre escale dans la Russie soviétique : la région de Kolyma, située tout à l'est de la Sibérie.

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À partir de 1929, des milliers de détenus furent envoyés dans ce trou perdu pour travailler dans les mines car la région est riche en minerais divers.Ces malheureux étaient d'abord transportés en train (dans des wagons à bestiaux) jusqu'à Vladivostock. De là, ils prenaient un bateau qui les emmenait au nord jusqu'à un petit port de pêche du nom de Magadan. Le voyage durait une quinzaine de jours !

Dans un premier temps, ils construisirent la ville, puis il fallut construire une route permettant d'accéder dans le centre du pays. Cette route qui mène jusqu'à Iakoutsk fait plus de 1000 kilomètres de long. La route porte le sinistre nom de route des os car les déportés morts étaient enterrés sous la route. Ceux qui avaient survécu à ce travail dantesque se retrouvèrent ensuite dans les mines. La cadence de travail était infernale : 14h par jour dans le froid extrême, affamés. Les équipes se relayaient; il n'y avait aucun temps mort. 

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Les camps situés dans la région de Kolyma fermèrent  en 1953 après la mort de Staline.

La route des os de nos jours :

 

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Parmi les survivants, il y a Eddie Rosner, de son vrai nom Adolf Ignatievitch Rosner, un Polonais trompettiste de jazz. Son histoire est assez extraordinaire, découvrez-la ICI. 

 

Aujourd'hui voici à quoi ressemble la ville de Magadan : l'ombre du ghetto plane encore, certains essaient de protéger les lieux en mémoire à tous les morts. D'autres voudraient passer à autre chose ...

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Quelques lectures :rissie,goulag,magadan,kolymarissie,goulag,magadan,kolyma

10:17 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rissie, goulag, magadan, kolyma

vendredi, 14 février 2020

Bienvenue sur les îles Solovski !

J'ai une amie qui part fin mars en Russie en compagnie de sa fille. Elle a organisé elle-même son voyage d'une quinzaine de jours : quelques jours à Moscou, puis direction Irkoutsk en prenant le transsibérien. Visite de la région autour du lac Baïkal puis retour à Moscou en avion. De là elles iront en train jusqu'à Saint-Pétersbourg.

Passionnée d'histoire, elle se documente beaucoup sur la Russie. C'est elle qui m'a indiqué le documentaire  Goulag, une histoire soviétique, diffusé mardi dernier sur la chaîne ARTE.   

Hier, j'ai regardé la première partie de ce film. C'est terrifiant !

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Tout commence dans les années 1920 sur les îles Solovski, perdues au fin fond du grand nord. À voir les photos récentes des lieux, le cadre est enchanteur.

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Mais c'est oublier que c'est là précisément que fut mis en place par le régime soviétique le premier camp de travail forcé :

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Certes, plusieurs voix à l'époque avaient déjà dénoncé les horreurs du camp ( je pense en particulier au livre de Raymond Duguet, Un bagne en Russie rouge, livre qui fut naturellement dénoncé par les communistes comme un ramassis de mensonges). 

Pour enrayer toute polémique à venir, les Soviétiques tournèrent alors un film de propagande montrant la vie dans le camp : une vraie colonie de vacances avec baignade, lieux de lecture, spectacles et j'en passe. Vingt ans plus tard les Nazis  réitérèrent le même procédé en filmant le camp de Therezin en République tchèque. CIRCULEZ ! IL N'Y A RIEN À VOIR !

Des écrivains russes, comme Maxime Gorki, contribuèrent à la désinformation. Ayant lui-même visité le camp, il se contenta de dire que les conditions de vie y était rude, certes, mais que bon, après tout, il était bien que les travailleurs fautifs ( fautifs de quoi ? Certains ne savaient même pas la raison de leur arrestation ) se repentent en œuvrant pour la bonne cause. 

Une anecdote me revient à l'esprit. Mes parents avait un client arménien. Plusieurs membres de sa famille avaient la nostalgie du pays. Aussi, en 1946, quand Staline ouvrit les portes de son paradis soviétique, il décidèrent de rentrer au pays. L'Arménie était devenue depuis 1936 une république socialiste soviétique. Mais méfiants quand même, ils avaient convenu d'envoyer des photos sur lesquelles ils indiqueraient leur situation : s'ils étaient debout, c'est que tout allait bien ; s'ils étaient assis, c'est que la situation n'était pas bonne. Quand les photos arrivèrent en France ... Ils étaient tous couchés dans l'herbe !

Et que dire de ces familles ayant naïvement cru au message de Staline et qui se retrouvèrent  privés de leurs papiers, coincés définitivement en U.R.S.S quand ils n'étaient pas envoyés eux aussi dans des camps.

À ce propos, je vous conseille la lecture de :russie,solovski,goulag

- Piégés par Staline, de Nicolas Jallot, Editions Belfond.

- Ma vie volée, de Renée Villancher.

Je mets également en lien (en bas de la note ) le témoignage d'Edmond Zajac. 

Il faudra quand même attendre 1962, avec la parution du premier roman d'Alexandre Soljenitsyne, " Une journée d'Ivan Denissovitch " , pour qu'en occident on commence à chuchoter qu'il se passe de bien étranges choses en U.R.S.S. 

La parution de L'archipel du goulag en 1973 fut un véritable tsunami dans le monde entier. Vous imaginez quel fut l'embarras du parti communiste français ! Ne pouvant nier l'évidence, ils tentèrent de s'en prendre à l'écrivain lui-même : C'est un monarchiste ! Il est antisémite !  Un anticommuniste à la solde de l'impérialisme !

La notoriété fulgurante de Soljénitsyne lui sauva probablement la vie. Il n'était plus possible de se débarrasser de lui en le renvoyant dans un camp. Il fut donc expatrié et trouva refuge en Suisse, dans un premier temps, puis aux États-Unis.

Quant au camp des Solovski, il ferma ses portes en 1939. Les déportés furent déplacés beaucoup plus à l'est en Sibérie. Une école des Cadets fut créée à la place pour la formation des jeunes engagés volontaires de 1941 à 1945. 

Aujourd'hui je vais regarder la deuxième partie.

La vie d'Edmond Zajac

11:08 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, solovski, goulag

jeudi, 13 février 2020

Bienvenue à La Salle, épilogue

Il est temps de finaliser le sujet. La symbolique funéraire si importante au XIXe siècle a aujourd'hui totalement disparu. De plus en plus de gens optent maintenant pour la crémation avec le dispersement des cendres. Il ne reste plus aucune trace de notre passage sur terre, pas même un nom gravé sur une pierre ... Est-ce mieux ainsi ? Je ne sais pas, mais, pour ma part, je reste attachée au monument funéraire.

Aujourd'hui on trouve de tout, la preuve !

tours,cimetiere la salle

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J'ai remarqué plusieurs tombes décorées de mains unies. Les marbriers appelaient cette symbolique "l'alliance". La main supérieure est celle d'une femme, portant généralement une alliance à l'annulaire. C'est l'application de l'attachement, le fait que la mort ne rompt pas les liens du mariage et la certitude  que le couple se recomposera avec la mort du survivant, signe d'un mariage uni et rempli d'amour (on peut toujours rêver !). 

Voici quelques exemples :

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Fin

mardi, 11 février 2020

Bienvenue à La Salle -4-

Retour au cimetière ! J'ai encore plein de photos en stock à vous montrer. Lors de ma dernière visite - un dimanche matin - j'ai été accostée par une dame  dans une allée. Nous étions les deux seules dans le cimetière !

Elle m'a demandé la raison pour laquelle je prenais des photos. Je lui ai expliqué que je cherchais des détails d'architecture, ce qui, apparemment, lui a semblé saugrenu car aussitôt elle a ajouté :

— C'est si triste un cimetière !

— Oui, mais il y a aussi un côté reposant que j'aime beaucoup. Cela n'a pas eu l'air de la convaincre. Elle engage alors la conversation, m'expliquant qu'elle vient sur la tombe de son mari, située à l'autre bout du cimetière.

— Venez, je vais vous la montrer, dit-elle alors  avec insistance. Ce n'est pas ce que cela m'enchante, mais elle semble y porter tellement d'intérêt que je n'ose pas refuser. C'est une dame portugaise dont le mari est décédé depuis quatre ans. Ils avaient prévu de retourner vivre au Portugal, mais la mort de son conjoint a bouleversé sa vie. Il ne voulait pas être loin de sa famille ; c'est la raison pour laquelle il est enterré ici, au cimetière La Salle. 

— Je peux ainsi venir plus souvent sur sa tombe. 

— Vous venez souvent au cimetière ? 

— Tous les deux ou trois jours. Je viens remplacer les bougies !

— Les bougies ?

— Oui, j'ai installé une lanterne dans laquelle les bougies brûlent sans discontinuer !

Une petite voix intérieure me susurre à l'oreille :

— Ce n'est pas toi qui ferais ça ! Au fait, depuis combien de temps es-tu allée sur la tombe de ton mari ? Trois ans ? Cinq ans ?

 Effectivement, ce n'est pas moi qui agirais ainsi. C'est vrai qu'avec le temps la douleur finit par s'estomper ...

Nous voici arrivées devant la tombe ; autant vous dire qu'elle est reluisante, recouverte de fleurs et médaillons divers glorifiant le défunt. Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison avec la tombe familiale : une simple dalle de marbre, entièrement nue, avec en épitaphe : Le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard.

Cette petite dame, toute contente d'avoir trouvé quelqu'un à qui parler, veut maintenant me montrer la tombe de ses voisins. Je réussis à m'éclipser, prétextant l'heure avancée. 

Je peux reprendre tranquillement ma visite, mais mon programme est tout chamboulé. Il faudra que je revienne !